Connectez-vous
EDITORIAL
Wade & Nous
A l’unisson, médias, politiciens, intellectuels, citoyens lambda, etc. ont tous flétri l’initiative lancée par Abdoulaye Wade visant à « empêcher » la tenue de l’élection présidentielle du 24 février 2019. A l’unisson, nous sommes tous/toutes ou presque d’accord pour dire haut et fort que cet appel n’a pas lieu d’être car, dit-on, le processus électoral est irréversible. Soit.  
 
Me Wade a certes fondamentalement privilégié le sort et l’avenir de son fils, au détriment de son parti, le Pds. Et à force de s’être laissé aveugler par cet objectif, il en paie aujourd’hui le prix, esseulé dans son aventure sans lendemain.
 
Néanmoins, son attitude nous instruit d’une chose essentielle : en démocratie, les tenants du pouvoir ne doivent jamais être laissés à leur aise, faisant et défaisant les lois, manipulant et traficotant la constitution, maniant et personnalisant les divergences politiques jusqu’à modifier des codes électoraux pour punir des adversaires. Ceci est inacceptable.
 
Et pourtant, cela s’est passé sous nos yeux, par petites touches, en des périodes choisies, au su et au vu de tout le monde, devant les protestations impuissantes de forces politiques et sociales désagrégées. C’est un peu contre cette ambiance de fumisterie générale induite, quelque part, par l’absence d’un leadership d’opposition fort et charismatique que s’élève Abdoulaye Wade.
 
La démocratie ne survit pas là où les contre-pouvoirs politiques et institutionnels se sont affaissés. C’est peut-être là la leçon que Me Wade voudrait nous faire appréhender. Ce sera une portion de l’héritage qu’il laissera un jour à la démocratie sénégalaise.
Momar DIENG

 

Elle aussi !
Tu quoque Aïssata ! Notre Ségolène nationale (terme qui l’irritait, semble-t-il) n’aura donc pas longtemps résisté, elle aussi, aux sirènes du pouvoir dominant. Transhumante ? Le terme importe peu. La réalité est qu’elle finit comme tous ceux et toutes celles qui, à un moment de leur vie politique, sont allés gonfler les rangs alignés derrière le président de la République après avoir moult fois défié ce dernier, critiqué ses orientations stratégiques, envisagé de le chasser du palais de l’avenue Senghor…
 
Aïssata Tall Sall, en posant cet acte de ralliement finalement banal, s’inscrit de facto dans la lignée des politiciens ordinaires qui font passer leurs intérêts fondamentaux au dessus de ceux qui sauvegardent l’intérêt national. Sans doute, a-t-elle dû se forger une conviction sur les sens respectifs à donner à ces deux postures divergentes qui tiraillent (très) souvent les hommes et femmes politiques de notre pays.
 
Sa faute, c’est le reniement public de ses convictions au profit de promesses ou perspectives de carrière sous un régime qu’elle va aider à gagner la présidentielle du 24 février 2019. C’est son choix, mais un choix qui a posteriori aiderait à comprendre la nature fondamentale des divergences (politiques, stratégiques ou doctrinales) qui l’ont poussée à quitter le parti socialiste (où à en être exclue) pour « fractionnisme ».
 
Logiquement, et en rapport avec sa conversion à la doctrine du chef de l’Etat, on peut douter que son désaccord avec Ousmane Tanor Dieng ait pu porter sur l’alliance assumée du Ps avec le président Sall.
 
Clairement et à notre détriment, le Sénégal ne dispose que d’une seule institution forte et stable, le président de la République. Si toutes les forces politiques ont vocation à rejoindre les lambris du pouvoir, quels contre-pouvoirs resteraient-ils à la démocratie pour nous éviter le syndrome catastrophique de l’unanimisme version Amadou Toumani Touré qui a gravement affaibli le Mali et favorisé une partie de ses difficultés actuelles?

Une image du siège saccagé de Pastef
Une image du siège saccagé de Pastef
La violence est très souvent l’arme préférée de tous les faibles de la planète, et notamment de franges politiciennes ceux du Sénégal. Elle consacre, pour ceux qui en usent et en abusent, le summum de la satisfaction personnelle et partisane. Elle découle en général d’un sentiment de désarroi induit par une absence dramatique de sérénité face à des enjeux subitement et stratégiquement élevés au rang du diptyque « gagner ou mourir ».
 
Le saccage du siège de Pastef n’est pas seulement un crime contre une association privée qui intervient dans l’espace public avec ses projets pour le pays, comme tout parti politique d’ailleurs. C’est un attentat abominable contre la démocratie et contre les libertés, toutes consacrées par la Charte fondamentale de notre pays. De ce type de violence, on en a déjà vu au cours des dernières années, cela ne sert à strictement rien, sauf à alimenter les tensions inter-partisanes et à augmenter la sympathie des victimes dans l’opinion.
 
Du reste, il est souhaitable que le président de la république, garant de la sécurité des biens et des personnes, personne morale première dont l’autorité nous oblige, condamne cet acte de violence inacceptable. Non, c’était juste un vœu pieu ! Comme en d’autre temps, (presque) rares sont les personnalités de premier plan plutôt téméraires qui se hasardent à blâmer ce banditisme à petits sous qui n’honore pas notre pays. Toute le monde comprend pourquoi !
 
Quand des opposants frappés d’impuissance après avoir perdu la bataille du rapport de forces n’ont pour seul programme que d’empêcher le candidat-président de faire sa campagne électorale, lorsque des responsables politiques sont assez irresponsables pour revendiquer l’existence et l’entretien de milices placées sous leurs ordres, quand des marabouts de bonne volonté certes appellent à la paix sans aucun diagnostic des causes de la violence qu’ils fustigent, et que finalement l’autorité judiciaire seule à même d’organiser la sécurité de tous fait le dos rond en attendant de recevoir des ordres politiques partisans, c’est que au fond les portes de l’aventure nous sont grandement ouvertes…

C’est un plongeon collectif dans une piscine vide, dans le chaos.

 

Personnes politiquement exposées dans cette affaire qui défraie la chronique, Mamour Diallo et Seydou Sarr restent inaudibles et invisibles dans la tempête. A leur place, eux les accusés, ce sont des personnes extérieures au « scandale » qui sont montées au front. Pourquoi le procureur de la République – parti en croisade contre Khalifa Sall et ses co-condamnés au nom de la sauvegarde des deniers publics – se montre-t-il si indifférent à ce qui se passe sous ses yeux ? Est-il retenu par sa hiérarchie politique ?


Mamour Diallo, directeur national du Domaine à la DGID, gravement accusé mais inaudible
Mamour Diallo, directeur national du Domaine à la DGID, gravement accusé mais inaudible

Dans cette baroque affaire foncière qui secoue les médias avec « 94 milliards» de francs Cfa qui seraient tombés dans des poches baladeuses, les choses semblent plus simples que toute la littérature qui est en train d’être déroulée. Ousmane Sonko, homme politique et candidat à l’élection présidentielle du 24 février prochain, accuse publiquement une haute personnalité de la République, en l’occurrence Mamour Diallo, lui aussi homme politique, mais surtout Directeur national des Domaines à la Direction générale des impôts et domaines (DGID) de s’être rendu complice d’un détournement de la somme de 94 milliards de francs Cfa avec un complice présumé dénommé Seydou Sarr.
 
Au moment de faire la révélation, Ousmane Sonko précise avoir déposé plainte devant le procureur de la République, avoir saisi l’Inspection générale d’Etat, et avoir porté l’affaire devant l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC).
 
Pendant plusieurs jours ou semaines, les personnes accusées d’avoir commis cette forfaiture ne donnent point signe de vie. La plus exposée d’entre elles, Mamour Diallo, opte pour le silence au moment où les effluves du « scandale » de haute intensité criminelle (si les faits sont avérés bien sûr) balaient les réseaux sociaux sénégalais.
 
L’indignation y est totalement partagée face à un tel carnage foncier opéré sur le dos des intérêts de l’Etat et de la collectivité nationale. Tout le monde s’étonne que le directeur national des Domaines ne daigne pas se faire entendre. Mais comme le silence devient intenable, des missi dominici non identifiés font circuler sur ces mêmes réseaux sociaux l’idée que M. Diallo aurait porté plainte contre son accusateur, mais aucune confirmation par la suite. Et cela interroge !
 
On est sidéré de constater qu’aucune des personnes citées comme parties du scandale ne daigne sortir du bois et parler en public. Au contraire, ce sont des gens totalement extérieures à l’affaire qui montent au front munis d'éléments qui ont été contredits par ailleurs. A la fin, cela donne ceci: Mamour Diallo et Seydou Sarr ont été nommément accusés par Ousmane Sonko de détournement d'un montant de 94 milliards de francs Cfa; mais lui Sonko se retrouve attaqué pour on ne sait quel motif valable! Qui veut protéger Mamour Diallo et Seydou Sarr? 
 
On ne présage rien de la réalité des faits et on se refuse à incriminer quiconque, mais il y a une constante irréfragable qui prospère sous nos yeux : c’est l’incapacité chronique des institutions judiciaires de la République à prendre en charge, avec équité et autorité, une affaire comme celle-là, alors que Ousmane Sonko affirme avoir déposé une plainte.
 
Dans une démocratie aux institutions crédibles – ce qui n’est pas encore le cas du Sénégal -  le Parquet aurait déjà ouvert une information judiciaire et interrogé les personnes présumées impliquées car il n’appartient pas aux citoyens de régler eux-mêmes des divergences qui demandent l’intervention de l’Autorité judiciaire. Si cela devait être ainsi, que deviendrait ce pays ?
 
Plus que jamais donc, le cordon ombilical qui relie l’Exécutif au Parquet doit être raisonnablement coupé afin de laisser des marges de manœuvre raisonnables aux magistrats et juges d’instruction dans la mission que leur assigne le «peuple souverain». Mais personne n’est dupe : le glaive de la justice en cours au Sénégal n’est pas prêt de s’abattre sur des politiciens encartés au parti présidentiel. C’est l’une des nombreuses leçons que les citoyens ont quand même apprises en un septennat !  
 

Volontairement amnésique !
L’air gêné, le chef de l’Etat n’a pas affronté le regard de notre confrère Cheikh Yérim Seck. Et c’était pour lui rétorquer n’avoir jamais exigé l’éviction de Me Ousmane Ngom du ministère de l’Intérieur à l’occasion de la présidentielle de 2012. C’était lors d’un «Grand entretien» avec des journalistes sélectionnés par le Palais pour meubler la soirée présidentielle après le discours traditionnel de fin d’année.
 
L’opinion en est restée bouche bée, le peuple des réseaux sociaux en a rigolé, triste et dépité, enragé et moqueur, tout en revoyant et en partageant l’archive vidéo qui établit la vérité des faits. Peut-on tout nier au nom de ses amitiés mises à jour ? La politique doit-elle tout permettre ? L’amnésie volontaire qui confine au mensonge peut-elle être une qualité en politique ?
 
L’enjeu de la question de notre confrère est très actuel : le Sénégal va vers une élection majeure avec un ministre de l’Intérieur totalement discrédité. Pour le même enjeu, Macky Sall et ses alliés de 2012 avaient réclamé la tête du…ministre de l’Intérieur d’Abdoulaye Wade, Me Ousmane Ngom en l‘occurrence, sans obtenir gain de cause. Par les vicissitudes de la transhumance, Me Ngom est devenu un vrai «talibé» de…Macky Sall qui, par retour d’ascenseur, ne se souvient donc de rien… Difficile de faire plus clair et net.

Où allons-nous quand le premier magistrat de ce pays se montre incapable - par contraintes politiques - d'assumer des propos publiquement tenus six ou sept ans auparavant ? 

1 ... « 14 15 16 17 18 19 20 » ... 32











Inscription à la newsletter