| 05/11/2025 | 575 vues
EDITORIAL
C’est notre confrère de « Libération » qui nous l’apprend dans sa livraison du jour : le président Macky Sall a signé l’ordre de grâce en faveur d’un trafiquant de médicaments mais il ne savait pas ce qu’il faisait. Amadou Oury Diallo, ressortissant guinéen, avait été arrêté par la gendarmerie nationale dans un trafic transfrontalier dont la valeur avait été estimée à la somme de 1,3 milliard de francs Cfa. Jugé en 2017, il avait été condamné par la justice sénégalaise à une peine de cinq (5) ans ferme. Mais il avait fait appel.
Convoqué devant la juridiction chargée d’infirmer, de confirmer ou de durcir la peine infligée à lui en première instance, Amadou Oury Diallo ne s’est pas alors présenté, déclenchant l’ire des magistrats du tribunal de Diourbel qui devait statuer sur son cas. Il avait été exfiltré de prison et remis en liberté. Il se trouverait en Guinée, son pays natal. Il ne reviendra sans doute jamais ou pas de sitôt au Sénégal.
Le mal étant fait, il est important que le président Macky Sall se rattrape d’une manière ou d’une autre pour « corriger » cette boulette énorme au plus haut sommet de l’Etat. Libérer un trafiquant avéré de (faux) médicaments par la grâce du Sceau suprême relève d’une faute politique impardonnable. L’argument du « je ne savais pas » est trop fragile pour servir de paratonnerre à celui qui dispose d’une palette infinie d’instruments souverains et opérationnels pouvant et devant éclairer chaque prise de décision.
Etant donné que le chef de l’Etat ne peut se sanctionner lui-même, les choix qui s’imposent à lui ne sont pas légion. Il a donc promis de faire mener une enquête par ses services pour déterminer les réseaux mafieux qui lui ont fait prendre des vessies pour des lanternes. Entre le palais de la République, le ministère de la Justice, les services judiciaires en charge des grâces présidentielles, et de probables intermédiaires vadrouillant dans les couloirs de Dame justice, trouver les complicités actives et passives qui ont rendu possible la fuite du trafiquant apparaît comme un jeu d’enfant, surtout si policiers et gendarmes sont mis sur le coup.
En vérité, s’il veut vraiment sanctionner, il le fera. En a-t-il seulement la volonté ? C’est toute la question avec notre président de la République. L’histoire récente nous rappelle en effet que Macky Sall ne sanctionne jamais ou presque pas : c’est comme lui demander la mer à boire. Au fond, en acceptant de faire une telle confidence sur son manque de vigilance tout en sachant qu’elle serait divulguée, le chef de l’Etat fait le pari de dégonfler une bulle qui émeut l’opinion dont le syndicat des pharmaciens. On aimerait bien se tromper mais cette affaire semble d’ores et déjà classée…
Convoqué devant la juridiction chargée d’infirmer, de confirmer ou de durcir la peine infligée à lui en première instance, Amadou Oury Diallo ne s’est pas alors présenté, déclenchant l’ire des magistrats du tribunal de Diourbel qui devait statuer sur son cas. Il avait été exfiltré de prison et remis en liberté. Il se trouverait en Guinée, son pays natal. Il ne reviendra sans doute jamais ou pas de sitôt au Sénégal.
Le mal étant fait, il est important que le président Macky Sall se rattrape d’une manière ou d’une autre pour « corriger » cette boulette énorme au plus haut sommet de l’Etat. Libérer un trafiquant avéré de (faux) médicaments par la grâce du Sceau suprême relève d’une faute politique impardonnable. L’argument du « je ne savais pas » est trop fragile pour servir de paratonnerre à celui qui dispose d’une palette infinie d’instruments souverains et opérationnels pouvant et devant éclairer chaque prise de décision.
Etant donné que le chef de l’Etat ne peut se sanctionner lui-même, les choix qui s’imposent à lui ne sont pas légion. Il a donc promis de faire mener une enquête par ses services pour déterminer les réseaux mafieux qui lui ont fait prendre des vessies pour des lanternes. Entre le palais de la République, le ministère de la Justice, les services judiciaires en charge des grâces présidentielles, et de probables intermédiaires vadrouillant dans les couloirs de Dame justice, trouver les complicités actives et passives qui ont rendu possible la fuite du trafiquant apparaît comme un jeu d’enfant, surtout si policiers et gendarmes sont mis sur le coup.
En vérité, s’il veut vraiment sanctionner, il le fera. En a-t-il seulement la volonté ? C’est toute la question avec notre président de la République. L’histoire récente nous rappelle en effet que Macky Sall ne sanctionne jamais ou presque pas : c’est comme lui demander la mer à boire. Au fond, en acceptant de faire une telle confidence sur son manque de vigilance tout en sachant qu’elle serait divulguée, le chef de l’Etat fait le pari de dégonfler une bulle qui émeut l’opinion dont le syndicat des pharmaciens. On aimerait bien se tromper mais cette affaire semble d’ores et déjà classée…
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Après les révélations du consortium BBC-Panorama-AfricaEye sur les agissements délictuels présumés de la compagnie BP et de Franck Timis, la justice anglaise fera certainement son contre-travail d’enquête pour dire si oui ou non l’affaire mérite d’être enrôlée devant les tribunaux britanniques. Les éléments d’enquêtes que voilà sont si gravissimes pour BP, pour Franck Timis, pour Aliou Sall ainsi que pour Macky Sall, le président de la République du Sénégal, que l’unique porte de sortie qui serait offerte aux mis en cause réside dans le scénario si improbable que les documents brandis par la BBC soient finalement considérés comme faux, c’est-à-dire « fake news ».
La justice anglaise fera donc son travail, on l’espère ! Mais la nôtre, que fera-t-elle ? Bougera-t-elle enfin ? Non, elle ne fera rien, du moins dans les circonstances actuelles où le pouvoir exécutif administre la machine judiciaire de l’Etat d’une main d’acier qui ne se dément pas. Depuis l’arrivée de Macky Sall en 2012, les conditions scandaleuses d’octroi de blocs pétroliers à une mystérieuse société pétrolière sortie de nulle part ont été si pertinemment explicitées devant l’opinion qu’il ne reste quasiment plus grand-chose à faire à part suggérer que prévalent en fin de compte le bon sens et l’esprit de responsabilité de tous. L’Ofnac a certes fait semblant de prendre ses responsabilités en tant qu’organe de lutte anti-corruption, mais il a très vite démontré qu’il n’est en réalité qu’un machin du décorum appelé bonne gouvernance.
Dans tous les cas, il reste à Aliou Sall le courage et le devoir de démissionner de toutes ses fonctions publiques afin de favoriser, par son geste, l’émergence d’un contexte favorable à l’entrée en scène de Dame justice. Il a fait un grand pas dans ce sens hier en soulignant sa disponibilité à répondre, s’il le fallait, à des juridictions internationales. Soit. Mais il pourrait déjà coopérer avec la justice de son pays pour commencer.
Dans cette volonté, Aliou Sall doit être accompagné par le sens de l’intérêt général qui doit animer son frère, le président de la République. Macky Sall a été élu au moins une fois sur deux sur des principes d’engagement simples qu’il a lui-même édictés au Sénégal et aux quatre coins de la planète : gestion sobre et vertueuse, bonne gouvernance, reddition des comptes… Des millions de Sénégalais ont sûrement atteint un point de désespérance sans retour par rapport au respect de sa parole, mais il y a sans doute en lui et en son frère cette envie innée de résister à l’opprobre qui peut frapper toute une famille.
Dans la foulée de son appel au dialogue national et auquel bien des Sénégalais ont répondu en dépit des déceptions accumulées depuis sept ans, il a l’obligation fondamentale de démettre Aliou Sall de toutes ses fonctions actuelles : directeur général de la Caisse de Dépôts et Consignations (CDC), le plus puissant bras financier de l’Etat sénégalais, maire de la ville de Guédiawaye, président de l’Association des maires du Sénégal (AMS), etc. Pour lui et pour son frère, la posture d’accusé-soupçonné dans laquelle cette affaire les a placés devait être intenable et insupportable.
En attendant, cette affaire pétro-gazière nous rappelle, avec une simplicité qui nous dépasse, notre état de pays pauvre potentiellement livré à la sainte alliance des politiciens alimentaires et des criminels économiques qui, très souvent, tue les aspirations au développement de nos populations.
Le point de presse qu’Aliou Sall a organisé hier pour être dans le tempo de la communication de crise n’aura finalement servi à rien. Face à des accusations documentées, la réplique par des mots renvoie presque à de l’impuissance. Et cela n’est pas bon signe en dépit du principe sacro-saint de l’innocence présumée.
La justice anglaise fera donc son travail, on l’espère ! Mais la nôtre, que fera-t-elle ? Bougera-t-elle enfin ? Non, elle ne fera rien, du moins dans les circonstances actuelles où le pouvoir exécutif administre la machine judiciaire de l’Etat d’une main d’acier qui ne se dément pas. Depuis l’arrivée de Macky Sall en 2012, les conditions scandaleuses d’octroi de blocs pétroliers à une mystérieuse société pétrolière sortie de nulle part ont été si pertinemment explicitées devant l’opinion qu’il ne reste quasiment plus grand-chose à faire à part suggérer que prévalent en fin de compte le bon sens et l’esprit de responsabilité de tous. L’Ofnac a certes fait semblant de prendre ses responsabilités en tant qu’organe de lutte anti-corruption, mais il a très vite démontré qu’il n’est en réalité qu’un machin du décorum appelé bonne gouvernance.
Dans tous les cas, il reste à Aliou Sall le courage et le devoir de démissionner de toutes ses fonctions publiques afin de favoriser, par son geste, l’émergence d’un contexte favorable à l’entrée en scène de Dame justice. Il a fait un grand pas dans ce sens hier en soulignant sa disponibilité à répondre, s’il le fallait, à des juridictions internationales. Soit. Mais il pourrait déjà coopérer avec la justice de son pays pour commencer.
Dans cette volonté, Aliou Sall doit être accompagné par le sens de l’intérêt général qui doit animer son frère, le président de la République. Macky Sall a été élu au moins une fois sur deux sur des principes d’engagement simples qu’il a lui-même édictés au Sénégal et aux quatre coins de la planète : gestion sobre et vertueuse, bonne gouvernance, reddition des comptes… Des millions de Sénégalais ont sûrement atteint un point de désespérance sans retour par rapport au respect de sa parole, mais il y a sans doute en lui et en son frère cette envie innée de résister à l’opprobre qui peut frapper toute une famille.
Dans la foulée de son appel au dialogue national et auquel bien des Sénégalais ont répondu en dépit des déceptions accumulées depuis sept ans, il a l’obligation fondamentale de démettre Aliou Sall de toutes ses fonctions actuelles : directeur général de la Caisse de Dépôts et Consignations (CDC), le plus puissant bras financier de l’Etat sénégalais, maire de la ville de Guédiawaye, président de l’Association des maires du Sénégal (AMS), etc. Pour lui et pour son frère, la posture d’accusé-soupçonné dans laquelle cette affaire les a placés devait être intenable et insupportable.
En attendant, cette affaire pétro-gazière nous rappelle, avec une simplicité qui nous dépasse, notre état de pays pauvre potentiellement livré à la sainte alliance des politiciens alimentaires et des criminels économiques qui, très souvent, tue les aspirations au développement de nos populations.
Le point de presse qu’Aliou Sall a organisé hier pour être dans le tempo de la communication de crise n’aura finalement servi à rien. Face à des accusations documentées, la réplique par des mots renvoie presque à de l’impuissance. Et cela n’est pas bon signe en dépit du principe sacro-saint de l’innocence présumée.
Plan d’ajustement structurel, vérité des prix, flexibilisation possible de la loi du travail pour favoriser l’afflux des capitalistes investisseurs capables de financer moult projets déroulés durant la campagne électorale passée. Il semble que le chef de l’Etat, qui avance masqué comme d’habitude, soit dans la logique de satisfaire les exigences libérales plusieurs fois repoussées des institutions de Bretton Woods pour cause d’élection. Son horizon politique ainsi dégagé, tout devient possible…
Les milieux économiques et financiers, mais aussi politiques et sociétaux, se posent beaucoup de questions depuis que le président Macky Sall a affirmé sa volonté de reprendre étroitement en mains le fonctionnement de l’Etat et de ses démembrements afin, dit-il, d’insuffler plus d’efficacité et d’efficience aux projets et programmes prioritaires de la phase 2 du Plan Sénégal Emergent (PSE). Des questions pour le moment sans réponses sous l’ombre d’un pragmatisme idéologique appelé « Fast-Track ».
Cette inquiétude est notamment liée à la réduction drastique et sans appel du train de vie de l’Etat dont Sall a fustigé les errements et les abus en dépit des instructions fermes qu’il avait données dès son arrivée au pouvoir en 2012. Dans la foulée, le président sénégalais a profité de la fête internationale du Travail, le 1er mai dernier, pour signifier aux syndicats de travailleurs que toute idée de hausse des salaires est remise aux calendes grecques, en tout cas jusqu’à nouvel ordre. Des propos que les syndicats ont pris comme une provocation alors même que l’Etat avait déjà signé avec les enseignants un protocole d’accord à incidence financière évolutive.
Cette astuce qui consiste à signer tout document - le couteau sous la gorge - lui a permis, avec l’aide précieuse de grands marabouts, de sauver les deux dernières années scolaires menacées par des années blanches. Le front social, souvent perturbé par des revendications catégorielles qui n’ont pas pu ébranler l’Etat jusqu’ici, risque aujourd’hui la surchauffe si les centrales syndicales dont aucune n’est affiliée au camp présidentiel décident d’en découdre avec le pouvoir.
Redistribution et centralisation
Dans l’agenda des cinq ans de son dernier mandat à la tête du pays, Macky Sall consacrera une place capitale certes à préparer le dauphin qu’il voudrait comme successeur pour diriger le Sénégal. Mais dans l’immédiat, l’économie semble être sa principale préoccupation. Même si les institutions financières internationales n’arrêtent pas de saluer officiellement la bonne tenue et les performances appréciables de l’économie sénégalaise, le chef de l’Etat s’est quand même séparé d’Amadou Bâ, l’ex tout-puissant ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, neutralisé dans d’étranges affaires hors du territoire national.
A sa place dans un ministère redimensionné avec moins de centralisation pour plus d’efficacité: un ultra-fidèle de la première heure, Abdoulaye Daouda Diallo, et un élément plus ou moins incontrôlable, Amadou Hott, revenu de la Banque africaine de développement (BAD) où il était en charge de l’Energie, de la Croissance verte et du Développement durable. Le courroux de Sall contre Bâ serait lié à la gestion « médiatique » et « affairiste » de plusieurs gros dossiers dont le Prodac (Programme des Domaines Agricoles Communautaires) et la Société africaine de raffinage (SAR). Malgré un rapprochement tactique ( ?) bruyant avec Marième Faye Sall avec qui il a mené une campagne électorale active à Dakar au cours de la campagne électorale passée, Amadou Bâ n’a pu conserver un fauteuil qu’il occupait depuis septembre 2013.
Après avoir redistribué les rôles au sein du gouvernement et de l’administration, Macky Sall s’est arrogé des pouvoirs pleins qui en font un hyper-président comme le Sénégal n’en avait plus connu depuis plusieurs décennies. Désormais, c’est à lui que les ministres rendent compte du suivi des projets et programmes relevant de leurs responsabilités. Il n’y aura plus de fuite en avant !
Dans cette posture du chef qui se place en première ligne, il sera aidé par un «shadow cabinet» discrètement installé au palais et composé de plusieurs de ses hommes de confiance. On peut citer l’ancien premier ministre Mahamed Boun Abdallah Dionne devenu secrétaire général de la présidence de la République, son conseiller juridique « préféré » et ancien ministre de la Justice, le Professeur Ismaïla Madior Fall, Augustin Tine, son nouveau directeur de cabinet, ex-ministre de la Défense dans le dernier gouvernement...
Plan d’ajustement structurel ? Flexibilisation de la loi du travail ?
C’est au cœur du palais présidentiel qu’il a d’ailleurs lancé et bouclé son plan de suppression du poste de premier ministre. Un plan qu’il s’était bien gardé de révéler au cours de la campagne pour l’élection présidentielle du 24 février dernier. Mais selon des sources proches du pouvoir, le chef du gouvernement sortant a été un véritable goulot d’étranglement pour plusieurs dossiers d’importance victimes des lenteurs administratives et du manque de poigne de Dionne face à certains ministres. Certains des parlementaires qui rechignaient à voter cette loi de suppression du poste de PM ont été très vite étouffés après avoir été reçus au palais de la République. La loi est passée comme lettre à la poste.
C’est dans ce contexte inédit et un brin « révolutionnaire » que Macky Sall s’est rendu en France entre le 15 et le 18 mai, non pas avec l’avion présidentiel (la Pointe de Sarène) mais à bord d’un…vol régulier de la nouvelle compagnie nationale Air Sénégal. Officiellement, il répondait à l’invitation du président Emmanuel Macron à l’occasion de la signature de « l’Appel de Christchurch » contre la haine sur les réseaux sociaux, en référence à l’assassinat le 15 mars dernier d’une cinquantaine de fidèles musulmans dans deux mosquées de Nouvelle Zélande.
Mais officieusement, des sources dignes de foi indiquent que le voyage de Sall – organisé donc sous couverture du sommet de l’Elysée – n’est pas étranger aux actes posés au plan national et à la dynamique nouvelle qu’il veut impulser au pays. Sous cet angle, ses entretiens avec les autorités françaises compétentes n’auraient pas pu échapper à la mise en œuvre éventuelle d’une série de mesures visant à donner une plus grande marge de manœuvres à l’économie sénégalaise.
L’Etat sénégalais est en effet confronté à une dette qui est, dit-on, contenue dans les limites des critères de convergence fixés par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), mais la pression budgétaire reste très forte en regard des difficultés à collecter une bonne partie des impôts. A ce niveau, de nombreux économistes ont tiré la sonnette d’alarme sur les difficultés de recouvrement de créances publiques auxquelles sont confrontées la plupart des petites et moyennes entreprises (PME) et industries (PMI).
Alors, que nous prépare Macky Sall ? Un plan d’ajustement structurel ou quelque programme vendu sous un autre vocable mais qui relèverait de la même logique ? Un retour à la vérité des prix de certains produits de consommation comme l’électricité ? Une flexibilisation de la loi du travail dans un contexte marqué par la main tendue au capital étranger lors du conseil des ministres du 8 mai 2019 ? Le mystère reste donc entier autour des intentions économiques du président Sall.
Il l’est davantage dans l’approche qui va être imprimée aux perspectives politiques inéluctables qui accompagnent un dernier mandat. Recourra-t-il à un despotisme légalisé pour mettre en œuvre sa vision de la continuité de ses 12 ans de pouvoir ? Fera-t-il confiance aux principes d’éthique et de responsabilité dans la dévolution prochaine d’un pouvoir qui devrait lui échapper ? Difficile de trouver réponses face à un politique qui avance si masqué…
Cette inquiétude est notamment liée à la réduction drastique et sans appel du train de vie de l’Etat dont Sall a fustigé les errements et les abus en dépit des instructions fermes qu’il avait données dès son arrivée au pouvoir en 2012. Dans la foulée, le président sénégalais a profité de la fête internationale du Travail, le 1er mai dernier, pour signifier aux syndicats de travailleurs que toute idée de hausse des salaires est remise aux calendes grecques, en tout cas jusqu’à nouvel ordre. Des propos que les syndicats ont pris comme une provocation alors même que l’Etat avait déjà signé avec les enseignants un protocole d’accord à incidence financière évolutive.
Cette astuce qui consiste à signer tout document - le couteau sous la gorge - lui a permis, avec l’aide précieuse de grands marabouts, de sauver les deux dernières années scolaires menacées par des années blanches. Le front social, souvent perturbé par des revendications catégorielles qui n’ont pas pu ébranler l’Etat jusqu’ici, risque aujourd’hui la surchauffe si les centrales syndicales dont aucune n’est affiliée au camp présidentiel décident d’en découdre avec le pouvoir.
Redistribution et centralisation
Dans l’agenda des cinq ans de son dernier mandat à la tête du pays, Macky Sall consacrera une place capitale certes à préparer le dauphin qu’il voudrait comme successeur pour diriger le Sénégal. Mais dans l’immédiat, l’économie semble être sa principale préoccupation. Même si les institutions financières internationales n’arrêtent pas de saluer officiellement la bonne tenue et les performances appréciables de l’économie sénégalaise, le chef de l’Etat s’est quand même séparé d’Amadou Bâ, l’ex tout-puissant ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, neutralisé dans d’étranges affaires hors du territoire national.
A sa place dans un ministère redimensionné avec moins de centralisation pour plus d’efficacité: un ultra-fidèle de la première heure, Abdoulaye Daouda Diallo, et un élément plus ou moins incontrôlable, Amadou Hott, revenu de la Banque africaine de développement (BAD) où il était en charge de l’Energie, de la Croissance verte et du Développement durable. Le courroux de Sall contre Bâ serait lié à la gestion « médiatique » et « affairiste » de plusieurs gros dossiers dont le Prodac (Programme des Domaines Agricoles Communautaires) et la Société africaine de raffinage (SAR). Malgré un rapprochement tactique ( ?) bruyant avec Marième Faye Sall avec qui il a mené une campagne électorale active à Dakar au cours de la campagne électorale passée, Amadou Bâ n’a pu conserver un fauteuil qu’il occupait depuis septembre 2013.
Après avoir redistribué les rôles au sein du gouvernement et de l’administration, Macky Sall s’est arrogé des pouvoirs pleins qui en font un hyper-président comme le Sénégal n’en avait plus connu depuis plusieurs décennies. Désormais, c’est à lui que les ministres rendent compte du suivi des projets et programmes relevant de leurs responsabilités. Il n’y aura plus de fuite en avant !
Dans cette posture du chef qui se place en première ligne, il sera aidé par un «shadow cabinet» discrètement installé au palais et composé de plusieurs de ses hommes de confiance. On peut citer l’ancien premier ministre Mahamed Boun Abdallah Dionne devenu secrétaire général de la présidence de la République, son conseiller juridique « préféré » et ancien ministre de la Justice, le Professeur Ismaïla Madior Fall, Augustin Tine, son nouveau directeur de cabinet, ex-ministre de la Défense dans le dernier gouvernement...
Plan d’ajustement structurel ? Flexibilisation de la loi du travail ?
C’est au cœur du palais présidentiel qu’il a d’ailleurs lancé et bouclé son plan de suppression du poste de premier ministre. Un plan qu’il s’était bien gardé de révéler au cours de la campagne pour l’élection présidentielle du 24 février dernier. Mais selon des sources proches du pouvoir, le chef du gouvernement sortant a été un véritable goulot d’étranglement pour plusieurs dossiers d’importance victimes des lenteurs administratives et du manque de poigne de Dionne face à certains ministres. Certains des parlementaires qui rechignaient à voter cette loi de suppression du poste de PM ont été très vite étouffés après avoir été reçus au palais de la République. La loi est passée comme lettre à la poste.
C’est dans ce contexte inédit et un brin « révolutionnaire » que Macky Sall s’est rendu en France entre le 15 et le 18 mai, non pas avec l’avion présidentiel (la Pointe de Sarène) mais à bord d’un…vol régulier de la nouvelle compagnie nationale Air Sénégal. Officiellement, il répondait à l’invitation du président Emmanuel Macron à l’occasion de la signature de « l’Appel de Christchurch » contre la haine sur les réseaux sociaux, en référence à l’assassinat le 15 mars dernier d’une cinquantaine de fidèles musulmans dans deux mosquées de Nouvelle Zélande.
Mais officieusement, des sources dignes de foi indiquent que le voyage de Sall – organisé donc sous couverture du sommet de l’Elysée – n’est pas étranger aux actes posés au plan national et à la dynamique nouvelle qu’il veut impulser au pays. Sous cet angle, ses entretiens avec les autorités françaises compétentes n’auraient pas pu échapper à la mise en œuvre éventuelle d’une série de mesures visant à donner une plus grande marge de manœuvres à l’économie sénégalaise.
L’Etat sénégalais est en effet confronté à une dette qui est, dit-on, contenue dans les limites des critères de convergence fixés par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), mais la pression budgétaire reste très forte en regard des difficultés à collecter une bonne partie des impôts. A ce niveau, de nombreux économistes ont tiré la sonnette d’alarme sur les difficultés de recouvrement de créances publiques auxquelles sont confrontées la plupart des petites et moyennes entreprises (PME) et industries (PMI).
Alors, que nous prépare Macky Sall ? Un plan d’ajustement structurel ou quelque programme vendu sous un autre vocable mais qui relèverait de la même logique ? Un retour à la vérité des prix de certains produits de consommation comme l’électricité ? Une flexibilisation de la loi du travail dans un contexte marqué par la main tendue au capital étranger lors du conseil des ministres du 8 mai 2019 ? Le mystère reste donc entier autour des intentions économiques du président Sall.
Il l’est davantage dans l’approche qui va être imprimée aux perspectives politiques inéluctables qui accompagnent un dernier mandat. Recourra-t-il à un despotisme légalisé pour mettre en œuvre sa vision de la continuité de ses 12 ans de pouvoir ? Fera-t-il confiance aux principes d’éthique et de responsabilité dans la dévolution prochaine d’un pouvoir qui devrait lui échapper ? Difficile de trouver réponses face à un politique qui avance si masqué…
En 2012, alors que les coalitions fourbissent leurs armes en vue du second tour de l’élection présidentielle, le candidat Macky Sall s’entretient avec des visiteurs du soir. Ceux-ci l’interpellent sur la disposition des Assises nationales interdisant le cumul des fonctions de chef de parti et de président de la République. Le futur chef de l’Etat leur répond avec une franchise assumée: Vous savez, au plus fort de la guerre fratricide entre Abdoulaye Wade et Idrissa Seck, si Wade n’avait pas le parti (Pds) avec lui, il aurait été certainement renversé…
Les politiciens sénégalais ont établi des rapports particuliers avec les partis qu’ils dirigent après les avoir fondés. La réalité est que, comme presque partout ailleurs dans le monde, le parti politique est devenu l’instrument fondamental de conquête du pouvoir suprême. En dépit des très beaux discours sur les règles de démocratie interne, rares sont les chefs qui en laissent l’héritage à leurs collaborateurs, quitte à en organiser le sabordage.
L’exemple emblématique de cette fusion organique entre le fondateur et l’instrument, c’est le duo entre Me Wade et le Pds, avec ces histoires qui se racontent depuis 1974 et qui ne semblent pas devoir prendre fin. A l’extrême limite de cet autoritarisme sans frontières, le Pds a été sevré de candidat à l’élection présidentielle du 24 février 2019 parce que telle a été la volonté du chef. Mais l’ancien chef d’Etat est loin d’être un cas isolé.
Macky Sall a dit plus haut ce que tous les chefs de parti pensent tout bas. Il est quasiment impossible pour un président de la République de se départir du statut de chef de parti. Récemment, il a annoncé la structuration de l’Alliance pour la République (Apr), le parti qu’il a fondé en 2008 après avoir quitté le Pds. On peut en douter ! Structurer l’Apr, c’est organiser un congrès et faire élire tous les responsables par un vote démocratique.
La conséquence, c’est que le président de la République qui est chef de parti se prive alors démocratiquement de désigner les candidats aux élections législatives, par exemple, le choix des têtes de listes devenant quasi automatique grâce à la représentativité dégagée lors du congrès. Quel chef d’Etat prendrait le risque d’avoir à gérer des députés qu’il n’a pas lui-même désignés comme cela se passe dans le « système » sénégalais ?
On peut bien critiquer la carence des institutions publiques censées porter notre démocratie : leur carence n’est plus à démontrer. Cependant, on peut se demander si cela n’est pas un juste retour des choses en regard du refus obstiné des politiciens de favoriser une vie démocratique saine et réelle qui fasse respirer les instances internes des partis politiques.
Il est possible que le Dr Abdourahmane Diouf eut pu rester dans le parti Rewmi si des mécanismes internes rendaient possible une dévolution démocratique du pouvoir. Mais la réalité est tout autre : les perdants restent toujours en place car ils sont les propriétaires légaux des partis qu’ils mettent sur pied.
Qu'ils s'appellent Abdoulaye Wade, Idrissa Seck, Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Macky Sall, qu'ils soient usurpateurs en cours de route ou fondateurs originels, ils ont décidé d'être les figures tutélaires de ces organisations privées à but politique jusqu'à l'extrême limite de l'impossible. Les mécontents pourront toujours aller voir ailleurs!
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