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EDITORIAL
Khalifa Sall (ancien maire de Dakar) et Macky Sall (président de la République)
Khalifa Sall (ancien maire de Dakar) et Macky Sall (président de la République)
On peut tout faire dire aux textes, surtout quand ils sont de nature juridique, surtout quand le « système démocratique » ne permet pas au juge administratif ou politique de freiner un exécutif centralisateur et tentaculaire. L’annonce-confirmation du prochain démantèlement de la ville de Dakar en tant que collectivité territoriale à part entière ne manque pas de faire réagir.

Acharnement sans fin contre Khalifa Ababacar Sall après le procès de la caisse d’avance de la mairie de Dakar ? Arrestation, procès fleuve, distorsion du droit, passage en force de juges politiciens, immunité et statut de parlementaire perdus, emprisonnement, destitution de ses fonctions de maire de Dakar par décret… La ficelle est un peu trop grosse pour ne renvoyer qu'aux textes invoqués par le porte-parole du gouvernement et d'ailleurs battus en brèche par des proches de l'ex maire de Dakar.
 
Aujourd’hui, alors que les manœuvres politiques sont engagées pour 2024 mais aussi pour des élections locales devenues hypothétiques, la ville-capitale devrait se faire oublier de l’histoire, en même temps que Guédiawaye, Pikine, Rufisque et Thiès. Sur la chaîne iRadio, le porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye, a tenté avec peine de justifier cette mesure au prix d’un galimatias de vraies fausses raisons dont il s’était muni pour faire avaler la pilule. L’exercice manquait de crédibilité et de sincérité !
 
Cette idée de faire disparaître la « Ville » est scandaleuse non pas tant par rapport à la mentalité politicienne d’un président activiste dans l’entreprise permanente de liquidation de toutes adversités politiques. Elle est inacceptable d’un point de vue politique. L’autorité qui a en charge l’Acte 3 de la décentralisation et constaté une grande part d’échec dans sa mise en œuvre ne peut avoir la légitimité à de « dissoudre » à elle seule une collectivité locale comme Dakar et tout ce qu’elle représente. En lieu et place de cet oukase qui n’arrange qu’un président autoritaire adepte du pouvoir vertical sans partage, ne faudrait-il pas avoir le courage, d’une manière ou d’une autre, de donner la parole aux Dakarois à travers une grande et large consultation populaire dont l’issue déciderait du sort de leur ville ?
 
Donner la parole aux citoyens électeurs ! On sait à peu ce à quoi cela a mené ces dernières années. Il en sera d’autant moins question que l’idée semble beaucoup moins séduisante que la vieille politique de terre brûlée qui fait si bonne recette aux étages supérieurs de la République, là où les coups tordus contre la démocratie pluraliste semblent avoir de beaux jours devant eux.

Macky Sall et Idrissa Seck
Macky Sall et Idrissa Seck
Le processus d’intégration au pouvoir d’Idrissa Seck était en gestation depuis plusieurs mois. Son arrivée au Conseil économique social et environnemental (CESE) est la concrétisation d’une entente politique à long terme avec Macky Sall. Le Président de la République, dans l’impossibilité politique et morale d’obtenir un 3e mandat de suite, cherchait depuis belle lurette un « dauphin » hors de son cercle familial mais avec qui il aurait déjà assez de vécu et d’affinités, un « paravent » capable de lui garantir une quête vitale : l’Impunité après 2024, pour lui et pour les siens.
 
Entre les « affaires » et les « scandales » qui jalonnent sa présidence depuis 2012 et dont Petrotim est comme l’étendard explosif, Macky Sall, pragmatique, veut assurer ses arrières quitte à sacrifier certains de ses amis actuels. Comment échapper au sort de Karim Wade sans un « deal » solide avec un allié fiable ? A ses yeux, seul un politique de la trempe d’Idrissa Seck qu’il aiderait à accéder à la présidence de la République en 2024 aurait l’étoffe et la poigne – pour la parole, rien n’est sûr ! - pour lui offrir ce destin d’impuni. On verra ce que sera l’évolution de ce « deal » et ce que l’ex maire de Thiès aurait demandé et obtenu comme garanties…
 
Tout le monde a constaté la vacuité du discours d’Idrissa Seck expliquant ou justifiant son devoir de répondre à l’appel de la patrie ! Qui y croit vraiment ? C’est cette banalité primesautière qui indique le caractère non politique de l’entente scellée avec Macky Sall. C’est un engagement personnel entre deux politiciens à travers un pacte dont les modalités échappent à leur parti politique respectif.
 
Trilatérale libérale
 
Du reste, c’est tout ou partie de la logique de ce remaniement qui est à interroger. Macky Sall, au terme du quinquennat en cours (ou bien avant), se séparera de ses deux principaux alliés sociaux-démocrates que sont le Parti socialiste (ou ce qui en restera) et l’Alliance des forces progrès (AFP). L’une de ses idées est donc de s’adjoindre très tôt le Rewmi de Seck et les pans du Parti démocratique sénégalais (PDS) qu’Oumar Sarr et Cie ont emportés avec eux pour fonder une autre formation politique libérale, Suxali Sopi. Du coup, existe sur la scène politique une trilatérale d’obédience libérale (APR, Rewmi et Suxali Sopi) qui s’entraine à être en situation et en capacité de gouverner le pays après 2024. Le pronostic d’un demi siècle de gestion du pouvoir par les libéraux naguère lâché par Me Wade revient à la surface. Le tour d’Idrissa Seck ?
 
Dans cette même veine, la nomination surprise du magistrat Antoine Félix Diome au ministère de l’Intérieur est comme un présage de bonne fortune. Cet ex-traqueur infortuné des biens présumés de Karim Wade aux quatre coins de la planète ne serait-il pas là pour verrouiller ici et maintenant le système électoral ? N’aurait-il pas pour autre mission de perpétuer la neutralisation du fils de l’ancien Président hors du Sénégal ? En prenant la succession d’Aly Ngouille Ndiaye, Antoine Diome entre forcément dans les plans de Macky Sall pour 2024 et, donc, dans une logique de victoire impérative pour le scrutin de 2024. Au bénéficie du « dauphin » ? Mais en politique, les grains de sable qui enrayent les mécaniques ne manquent jamais...
 
De fait, le contexte de la présidentielle de 2024 s’avère d’ores et déjà passionnant. Entre sociaux-démocrates et libéraux, Ousmane Sonko se retrouve, avec la migration d’Idrissa Seck dans le giron du pouvoir, comme le seul véritable chef de l’opposition sénégalaise. Avec l’espoir d’agréger au Pastef, son parti, une pléiade de partis et de mouvements lui permettant d’élargir les bases politiques, sociales et effectives d’une probable candidature présidentielle. La posture idéale pour repartir à la conquête du pouvoir.
 
 
 

Image d'archives
Image d'archives
Plus de vingt ans de présence active et stratégique dans l’espace politique sénégalais. Président de la République depuis avril 2012. Premier ministre, il l’a été. Président de l’Assemblée nationale également. Ministre de l’Intérieur, ministre des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique, il l’a été. De même que Directeur général de Petrosen. Par deux fois au moins, il a fait le tour du Sénégal et semble en connaître les coins et recoins insoupçonnés. Même s’il a été fortement « encadré » et « conseillé » avant et après son arrivée au pouvoir, il disposait déjà d’une solide expérience politique qui, cumulée à des circonstances exceptionnelles, lui a permis de damer le pion à des vieux de la vieille classe politique incapables de saisir la chance de leur vie à un moment crucial de leur carrière politique.
 
En regard de tous ces éléments factuels et de bien d’autres encore, lorsqu’il est donc rapporté que le Président de la République se serait indigné et ému des dégâts causés par les pluies qui s’abattent sur le pays, on a l’impression d’être nargué. On peut avoir le vilain sentiment d’être le jouet d’une partie de forfanteries qui se jouerait au coin d’une plage confisquée de Mermoz contre les populations prisonnières des inondations depuis Mathusalem.
 
S’indigner aujourd’hui et maintenant des dégâts des inondations sur de pauvres gens tout en étant convaincu de sa propre impuissance ne peut être que cynisme pur et simple. S’indigner du sort de ses compatriotes – au bon milieu de l’hivernage - en sachant parfaitement que l’on a échoué à empêcher le pire contre eux est un signe de mépris net. S’indigner après avoir déroulé – en l’entretenant - une chape de corruption historiquement jamais égalée au Sénégal à tous les niveaux de l’appareil d’Etat est une forme refoulée de revanche sur un destin implacable. On ne se refait pas. Enfin, pas toujours.
 
Nos politiciens professionnels, des plus aguerris et retors aux plus jeunes cupides et pressés, ont appris à tout contourner dans ce pays : les lois, les institutions, les organes de contrôle, la vigilance citoyenne, jusqu’aux choix des électeurs. Alors, les inondations qui assaillent ceux qui les ont «élus» ne peuvent être plus que des dégâts collatéraux. Nous en sommes là et nulle part !
 
 

Babacar Touré : des mérites et un héritage
D’avoir osé quitter les carcans de la presse gouvernementale pour s’offrir des horizons plus ambitieux, plus excitants et plus utiles pour le pays. D’avoir contribué à décloisonner les portes de l’enseignement du journalisme au Sénégal. D’avoir aidé à la dés-institutionnalisation de la pratique journalistique pour la rapprocher du vécu quotidien des Sénégalais. D’avoir entrouvert les chemins qui mènent au pluralisme de l’information et à la diversité politique, elles-mêmes propulseurs d’une démocratie ouverte.
 
Les mérites de Babacar Touré « BT » et de ses compagnons de route (Abdoulaye Ndiaga Sylla, Sidy Gaye, Abdou Latif Coulibaly, Ibrahima Bakhoum, El Hadj Kassé, Madior Fall et consorts) ne sont pas moindres. Ils sont mêmes grandioses si l’on tient compte du contexte dans lequel ils ont choisi de s’affranchir d’une tutelle politico-bureaucratique sans saveur pour oser « L’aventure SUD », géniteur de « L’Esprit SUD ». C’est ce culot là qui aura constitué, avec « L’esprit WALF » incarné par feu Sidy Lamine Niasse, les deux mamelles du réveil démocratique des Sénégalais par les médias.
 
A une époque où la toute-puissance de l’Etat-Parti bloquait artificiellement l’émergence de tout espace démocratique susceptible de remettre en cause l’impérium du pouvoir, la promotion d’un journalisme qui parle à la raison citoyenne et défend l’intérêt général était proprement révolutionnaire, sans arme autre que l’excellence dans le rendu et la mise en perspective de l’information. C’est en cela que le journalisme de qualité dans un contexte démocratique sain où chaque pouvoir joue le rôle que la loi lui attribue peut s’avérer mille fois plus dangereux pour des potentats que des manifestations publiques.
 
C’est cet héritage essentiel que Babacar Touré aura légué à plusieurs générations de journalistes. Celles-ci l’ont-elles fructifié ? C’est une toute autre histoire…
 
 
 
 

NDINGLER : Babacar Ngom, un capitaliste en quête effrénée de profits
Lors de sa « prise de parole » sur l’affaire l’opposant aux populations de Ndingler, l’homme d’affaires Babacar Ngom s’est prévalu de sa nouvelle posture de propriétaire exclusif et légal de terres qui seraient même situées dans le périmètre d’une localité voisine de…Ndingler. Là n’est pas la question fondamentale que cette polémique pose. A partir du moment où il y a litige sur une question aussi sensible que l’attribution de surfaces cultivables à des puissances d’argent, il devient urgent que l’Etat prenne la situation en main.
 
Les « arguments justificatifs » de sa propriété sur les terres « volées » aux populations de cette localité située en pays sérère ne font pas du fondateur de Sedima un propriétaire légitime. L’histoire a documenté des centaines ou milliers de cas où des personnes physiques et/ou morales, sénégalaises et étrangères, ont acquis « légalement » de grands espaces en milieu rural mais que la justice a fini par renvoyer dans les cordes pour vices ou violations volontaires de procédures à un moment ou à un autre du circuit administratif. Est-il dans ce registre ? Rien n’est moins sûr !
 
Son empressement à avaliser auprès des autorités une stratégie du fait accompli, son choix curieux (suggéré par l’Etat ?) de rémunérer la force publique de la gendarmerie nationale pour assurer la sécurité des lieux (8 millions de francs CFA toutes les deux semaines, selon lui), sa manœuvre consistant à identifier et à « communiquer » avec une presse et des journalistes a priori favorables à sa cause, discréditent une bonne partie de son argumentaire-propriétaire. Pourquoi refuser le contradictoire et la diversité des propos devant l’opinion publique si l’on est sûr et certain de son bon droit ?
 
Trafic d’influence ?
 
Pour sortir de cet enfer terrien, il n’y a que l’Etat pour le faire. Ce n’est pas à Babacar Ngom de décréter la fin de cette affaire même s’il a accumulé assez d’argent (et d’influence) pour perpétuer la présence des gendarmes dans ce territoire disputé. Il faut que l’Etat intervienne. Mais l’Etat est-il neutre dans ce dossier ? Ce n’est pas évident.
 
A cet égard, les propos tenus par M. Ngom sont interprétables comme un avertissement à ceux qui sont tentés de lui barrer les chemins de la « spoliation » en bonne et due forme. Lorsqu’il rappelle, hors contexte, que sa fille Anta Babacar Ngom, héritière gestionnaire de l’entreprise familiale, a soutenu le candidat Macky Sall à l’élection présidentielle de 2012, n’est-il pas dans le trafic d’influence actif et le chantage contre l’Etat et ses démembrements ? Ne voudrait-il pas rappeler au chef de l’Etat, publiquement, qu’il attend de lui un retour d’ascenseur qu’il ne voit pas venir ?
 
Les pratiques d’accaparement de terres ont fait assez de malheurs à travers le monde. A Mbane, au nord du pays, le Sénégal a échappé à de grosses tribulations lorsque le régime d’Abdoulaye Wade a multiplié les octrois de milliers d’hectares pour sa clientèle politicienne et pour des businessmen étrangers au mépris du droit essentiel des populations autochtones à disposer d’instruments de survie dans leur environnement immédiat.
 
Des millions d’hommes et de femmes savent cultiver la terre et en tirer leur subsistance, ce qu’ils font depuis Mathusalem d’ailleurs. Ce n’est donc pas leur rendre service que de les transformer en ouvriers agricoles en favorisant l’accaparement illégitime des terres par des entrepreneurs capitalistes lancés, comme des TGV détraqués, dans la recherche effrénée de perspectives et profits par tous les moyens. Que le pouvoir et ses démembrements opérationnels donnent enfin aux populations rurales les moyens de construire leur indépendance alimentaire à travers le soutien aux structures familiales du secteur primaire (agriculture, élevage, pêche, etc.)
 
Il ne serait pas de trop, déjà, de mettre en place une commission d’enquête indépendante de haut niveau qui regrouperait diverses compétences issues de l’Etat, des ONG intervenant dans le monde rural, des collectivités locales impliquées, du monde universitaire spécialisées sur les questions foncières, des mouvements paysans… L’objectif serait alors de déterminer dans quelles conditions (licites ou illicites) Babacar Ngom a pu décrocher 220 ha de terres au détriment des populations de Ndingler.
 
Du reste, l’histoire est curieuse. Bien des capitaines d’industries jurent de leur détermination à investir des dizaines de milliards de francs CFA dans des mégaprojets savamment vendus à des pouvoirs en place. Le fait est que, chez beaucoup d’entre eux, tout finit en « programme immobilier » sous forme de lopins de terre vendus au prix fort. Sous cet angle, l’Etat a-t-il la garantie que Babacar Ngom et la Sedima ne feraient pas idem ?
 
 
 

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