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Gaza : la FIJ et le SNJ portent plainte contre X pour entrave à la liberté d'exercer le journalisme et crimes de guerre, Israël dans le viseur

Jeudi 4 Décembre 2025

Des journalistes dans les territoires palestiniens occupés par Israël. Au moins 260 journalistes et professionnels des médias ont été assassinés par les forces israéliennes à Gaza depuis octobre 2023
Des journalistes dans les territoires palestiniens occupés par Israël. Au moins 260 journalistes et professionnels des médias ont été assassinés par les forces israéliennes à Gaza depuis octobre 2023

Une plainte contre X a été déposée auprès du parquet national antiterroriste français mardi, par la Fédération internationale des journalistes et le SNJ, qui dénoncent une entrave à la liberté de la presse, en plus de "crimes de guerre visant des journalistes français" à Gaza et en Cisjordanie.

 

La Fédération internationale des journalistes et le Syndicat national des journalistes (SNJ), principal syndicat de journalistes en France, portent plainte contre X auprès du pôle crimes de guerre et crimes contre l'humanité du parquet national antiterroriste (Pnat) à Paris, pour entrave à la liberté d'exercer le journalisme dans la bande de Gaza et en Cisjordanie mais aussi "crimes de guerre visant des journalistes français", révèle franceinfo mardi 2 décembre.

 

Le SNJ, principal syndicat de journalistes en France, et la FIJ, basée à Bruxelles qui représente 600 000 professionnels dans 146 pays, veulent faire constater les obstacles matériels, administratifs et sécuritaires "imposés depuis octobre 2023 aux journalistes français souhaitant couvrir la situation dans la bande de Gaza", assure la plainte que franceinfo a pu consulter.

 

Ils dénoncent aussi les conditions de travail des journalistes dans l'autre territoire palestinien, la Cisjordanie. Ils relèvent des entraves venant parfois de policiers, de militaires, de douaniers ou même des civils, colons israéliens en territoire occupé en Cisjordanie. C'est pourquoi la plainte ne vise pas une autorité ou une personne en particulier, mais est déposée contre X.

 

Entrave à la liberté de la presse

 

Depuis les attaques du 7 octobre 2023, "aucun journaliste français n'a pu pénétrer de manière indépendante dans la bande de Gaza", déplore la plainte qui dénonce "un système organisé d'empêchement de la presse". Les demandes des journalistes français et étrangers qui veulent s'y rendre restent sans réponse quand elles ne font pas l'objet de rejets répétés, y compris lors des périodes de cessez-le-feu.

 

La plainte pointe "des atteintes à la liberté d'expression protégée par le droit français et européen" et rappelle "la vocation universelle de la protection du droit d'informer". Ces faits relèvent, selon eux, "d'actes matériels d'empêchement et de censures constitutifs pour certains de crimes de guerre".

 

La plainte s'appuie sur le droit européen, l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme, sur l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques mais aussi sur le délit d'entrave à la liberté d'exercer le métier de journaliste, inscrite dans le Code pénal français à l'article 431-1. Cette plainte "n'est ni politique ni diplomatique", mais "s'inscrit dans un cadre strictement professionnel, déontologique et juridique", assurent ses auteurs.

 

Un blocage "organisé, systématique et prolongé"

 

"Dans d'autres conflits particulièrement dangereux, l'Ukraine, la Syrie, l'Irak ou d'autres conflits, l'accès peut être rendu très difficile, mais il n'est jamais à ce point totalement fermé", assure à franceinfo Louise El Yafi, l'une des deux avocates à qui a rédigé cette plainte. "Ici, c'est un blocage qui est à la fois organisé, systématique et prolongé. C'est d'autant plus inédit que les journalistes palestiniens sur place, eux-mêmes travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses", dit-elle.

 

L'avocate dénonce "un black-out sans précédent dans une zone de guerre qui fait l'actualité". Selon elle, "cette plainte touche au cœur même de la démocratie". "Quand vous empêchez les journalistes d'accéder à une zone de guerre, vous empêchez la société de comprendre ce qu'il s'y passe. Un conflit qui se déroule dans le noir devient un conflit sans témoin. Priver un pays d'images, de témoignages, de vérifications indépendantes, c'est aussi priver le public d'un débat d'intérêt général essentiel", juge Louise El Yafi.

 

L'armée israélienne permet parfois à certains journalistes français, notamment au correspondant de Radio France, de passer quelques heures dans l'enclave de Gaza. Mais dans ces situations, l'armée choisit les conditions, les lieux et les interlocuteurs. Ces reportages "embarqués", qualifiés d'"embedded" dans le jargon journalistique international, ne permettent pas un travail libre et indépendant, dénoncent les journalistes. Cette plainte a aussi été étayée par des preuves matérielles et les témoignages de reporters français sur place.

 

Menaces et intimidations

 

"On a eu de nombreux témoignages de journalistes qui décrivent un état de survie en Cisjordanie occupée : des journalistes qui se font braquer, parfois des jets de grenades assourdissantes. Des témoignages précis, datés et parfois documentés", assure l'avocate Inès Davau, elle aussi auteure de la plainte qui décrit "des menaces" et "des intimidations".

 

Cette plainte pointe aussi l'agression d'un journaliste français "constitutive de crimes de guerre". Les faits ont eu lieu en Cisjordanie. Les syndicats dénoncent "une grave attaque de la part de près d'une cinquantaine de citoyens israéliens" munis "d'armes à feu, de bidon d'essence et de bâtons". "Une course-poursuite de plusieurs heures, une nuit de terreur", au cours de laquelle le journaliste a eu la crainte d'être immolé par le feu, ce qui a été le sort réservé à un civil ce soir-là, explique Inès Davau.

Le parquet national antiterroriste à Paris analyse pour le moment la plainte d'une centaine de pages avant de dire s'il choisit ou non d'ouvrir une enquête.
[Avec franceinfo]

 
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