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EDITORIAL
Une star, le peuple !
Comme à son habitude depuis plusieurs décennies, le peuple sénégalais a démontré encore une fois la très grande maturité politique et citoyenne dont il est capable en une grande occasion comme l’élection présidentielle, surtout celle-là de 2019.
 
En dépit des incompétences accumulées par les autorités dans la conception et la mise en œuvre d’un processus électoral conduit de manière unilatérale, malgré la gravité des cafouillages constatés le jour du scrutin ayant entraîné l’exclusion de milliers d’électeurs laissés en rade, les électeurs ont comme qui dirait remis les pendules à l’heure. Le peuple est souverain tant qu’on est en démocratie.
 
Le vote massif d’hier 24 février est une indication de plus sur l’impérieuse nécessité pour la classe politique de se hisser au niveau de la citoyenneté décomplexée qui s’est exprimée à travers les urnes. Discipliné, déterminé, sûr de sa puissance, le peuple sénégalais a clarifié ce qu’il attend de ses gouvernants : la prise en charge de ses préoccupations fondamentales, d’une part, et l’élévation du niveau qualitatif de la démocratie, par ailleurs. Il n’est plus acceptable à ses yeux de continuer à installer le pays dans des zones de turbulences politiciennes dont les soubassements résident dans le dessein maladif d’en tirer des dividendes partisans au détriment de l’intérêt national.
 
Ce peuple souhaite ardemment que cessent les manipulations du fichier électoral, les déplacements frauduleux d’électeurs à leur insu, les soustractions ou rajouts d’électeurs en dehors des périodes de révisions légales. Ces exigences sont la condition sine qua non d’un aggiornamento démocratique seul en mesure de balayer les ambiguïtés fondamentales qui balafrent le visage de notre démocratie.
 
 

Violences électorales : le miracle sous nos yeux!
Une seule semaine de campagne électorale avec un niveau de violence rarement égalé au cours des scrutins passés, c’est malheureusement une suite logique et implacable des événements qui se sont enchaînés depuis trois semaines. C’est monstrueux de le dire ainsi, mais c’est un quasi miracle que l’on en soit pour le moment « qu’à deux morts » uniquement ! A quels drames avons-nous échappé avec l’attaque nocturne du siège de Pastef  à Yoff? Dans la langue de Barbarie à Saint-Louis ? A Mbour avec le choc frontal Pastef-Benno Bokk Yaakaar ?
 
Le bilan macabre de Tamba ne serait-il pas un premier aboutissement du manque d’implication incompréhensible de l’Etat dans la prise en charge et l’anticipation de tels événements ? Ne devrions-nous pas avoir peur eu égard aux deux semaines d’hostilités à vivre avant la date fatidique du 24 février qui, elle-même, est lourde de dangers potentiels ? On n’est pas sorti de l’auberge. En attendant, la question qui fâche est inévitable : où est l’Etat ?
 
Depuis l’éclatement des premières escarmouches, la volonté des autorités de mettre un terme à la traînée de poudre n’a jamais été concrètement mise en œuvre. Et cela est peut-être la rançon de la confusion des pouvoirs entre le parti (association privée) et l’Etat (bien public).
 
Dans cette élection présidentielle déjà ensanglantée, il est donc de première urgence que l’Etat impartial reprenne le pouvoir du monopole légitime de la violence en mettant au pas les groupuscules informels organisés au service de politiciens. Il aurait d’ailleurs été admirable que les quatre autres prétendants au fauteuil présidentiel fassent l’objet d’une sollicitude sécuritaire de la part des organes officiels spécialisés dans la protection rapprochée, à l’image des grandes démocraties auxquelles nos gouvernants aiment si souvent se référer, quand la comparaison les arrange.
 
Laisser pourrir la situation actuelle et s’en limiter à des menaces de type partisan ne fera que renforcer la détermination des uns et des autres à se protéger de toutes violences sur le terrain et favoriser des affrontements encore plus graves aux conséquences incalculables pour le pays tout entier.
 

Wade & Nous
A l’unisson, médias, politiciens, intellectuels, citoyens lambda, etc. ont tous flétri l’initiative lancée par Abdoulaye Wade visant à « empêcher » la tenue de l’élection présidentielle du 24 février 2019. A l’unisson, nous sommes tous/toutes ou presque d’accord pour dire haut et fort que cet appel n’a pas lieu d’être car, dit-on, le processus électoral est irréversible. Soit.  
 
Me Wade a certes fondamentalement privilégié le sort et l’avenir de son fils, au détriment de son parti, le Pds. Et à force de s’être laissé aveugler par cet objectif, il en paie aujourd’hui le prix, esseulé dans son aventure sans lendemain.
 
Néanmoins, son attitude nous instruit d’une chose essentielle : en démocratie, les tenants du pouvoir ne doivent jamais être laissés à leur aise, faisant et défaisant les lois, manipulant et traficotant la constitution, maniant et personnalisant les divergences politiques jusqu’à modifier des codes électoraux pour punir des adversaires. Ceci est inacceptable.
 
Et pourtant, cela s’est passé sous nos yeux, par petites touches, en des périodes choisies, au su et au vu de tout le monde, devant les protestations impuissantes de forces politiques et sociales désagrégées. C’est un peu contre cette ambiance de fumisterie générale induite, quelque part, par l’absence d’un leadership d’opposition fort et charismatique que s’élève Abdoulaye Wade.
 
La démocratie ne survit pas là où les contre-pouvoirs politiques et institutionnels se sont affaissés. C’est peut-être là la leçon que Me Wade voudrait nous faire appréhender. Ce sera une portion de l’héritage qu’il laissera un jour à la démocratie sénégalaise.
Momar DIENG

 

Elle aussi !
Tu quoque Aïssata ! Notre Ségolène nationale (terme qui l’irritait, semble-t-il) n’aura donc pas longtemps résisté, elle aussi, aux sirènes du pouvoir dominant. Transhumante ? Le terme importe peu. La réalité est qu’elle finit comme tous ceux et toutes celles qui, à un moment de leur vie politique, sont allés gonfler les rangs alignés derrière le président de la République après avoir moult fois défié ce dernier, critiqué ses orientations stratégiques, envisagé de le chasser du palais de l’avenue Senghor…
 
Aïssata Tall Sall, en posant cet acte de ralliement finalement banal, s’inscrit de facto dans la lignée des politiciens ordinaires qui font passer leurs intérêts fondamentaux au dessus de ceux qui sauvegardent l’intérêt national. Sans doute, a-t-elle dû se forger une conviction sur les sens respectifs à donner à ces deux postures divergentes qui tiraillent (très) souvent les hommes et femmes politiques de notre pays.
 
Sa faute, c’est le reniement public de ses convictions au profit de promesses ou perspectives de carrière sous un régime qu’elle va aider à gagner la présidentielle du 24 février 2019. C’est son choix, mais un choix qui a posteriori aiderait à comprendre la nature fondamentale des divergences (politiques, stratégiques ou doctrinales) qui l’ont poussée à quitter le parti socialiste (où à en être exclue) pour « fractionnisme ».
 
Logiquement, et en rapport avec sa conversion à la doctrine du chef de l’Etat, on peut douter que son désaccord avec Ousmane Tanor Dieng ait pu porter sur l’alliance assumée du Ps avec le président Sall.
 
Clairement et à notre détriment, le Sénégal ne dispose que d’une seule institution forte et stable, le président de la République. Si toutes les forces politiques ont vocation à rejoindre les lambris du pouvoir, quels contre-pouvoirs resteraient-ils à la démocratie pour nous éviter le syndrome catastrophique de l’unanimisme version Amadou Toumani Touré qui a gravement affaibli le Mali et favorisé une partie de ses difficultés actuelles?

Une image du siège saccagé de Pastef
Une image du siège saccagé de Pastef
La violence est très souvent l’arme préférée de tous les faibles de la planète, et notamment de franges politiciennes ceux du Sénégal. Elle consacre, pour ceux qui en usent et en abusent, le summum de la satisfaction personnelle et partisane. Elle découle en général d’un sentiment de désarroi induit par une absence dramatique de sérénité face à des enjeux subitement et stratégiquement élevés au rang du diptyque « gagner ou mourir ».
 
Le saccage du siège de Pastef n’est pas seulement un crime contre une association privée qui intervient dans l’espace public avec ses projets pour le pays, comme tout parti politique d’ailleurs. C’est un attentat abominable contre la démocratie et contre les libertés, toutes consacrées par la Charte fondamentale de notre pays. De ce type de violence, on en a déjà vu au cours des dernières années, cela ne sert à strictement rien, sauf à alimenter les tensions inter-partisanes et à augmenter la sympathie des victimes dans l’opinion.
 
Du reste, il est souhaitable que le président de la république, garant de la sécurité des biens et des personnes, personne morale première dont l’autorité nous oblige, condamne cet acte de violence inacceptable. Non, c’était juste un vœu pieu ! Comme en d’autre temps, (presque) rares sont les personnalités de premier plan plutôt téméraires qui se hasardent à blâmer ce banditisme à petits sous qui n’honore pas notre pays. Toute le monde comprend pourquoi !
 
Quand des opposants frappés d’impuissance après avoir perdu la bataille du rapport de forces n’ont pour seul programme que d’empêcher le candidat-président de faire sa campagne électorale, lorsque des responsables politiques sont assez irresponsables pour revendiquer l’existence et l’entretien de milices placées sous leurs ordres, quand des marabouts de bonne volonté certes appellent à la paix sans aucun diagnostic des causes de la violence qu’ils fustigent, et que finalement l’autorité judiciaire seule à même d’organiser la sécurité de tous fait le dos rond en attendant de recevoir des ordres politiques partisans, c’est que au fond les portes de l’aventure nous sont grandement ouvertes…

C’est un plongeon collectif dans une piscine vide, dans le chaos.

 

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