Connectez-vous
EDITORIAL
Premier tour !

Gagner une élection présidentielle à deux tours dès le…premier tour relève d’un tour de force peu commun, surtout au Sénégal. Pour y arriver, il faut avoir été proprement irréprochable pendant un septennat dans la gouvernance publique, dans ses rapports avec les citoyens électeurs, dans la lutte contre les inégalités de toutes sortes, dans le fonctionnement des services sociaux de base, dans l’Education et l’Enseignement supérieur, dans les secteurs vitaux de l’économie nationale, etc.
 
Des investissements massifs mais souvent désordonnés ont été réalisés dans l’Agriculture – en dépit des manipulations des statistiques relevées par nombre d’experts du domaine ; l’électricité s’est améliorée en termes de distribution notamment ; des pistes rurales et semi-urbaines sortent de terre…
 
Mais cela suffit-il quand des milliers de travailleurs ont perdu leur jobs à travers la déliquescence du tissu économique des Pme/Pmi ; quand le capital étranger, impitoyable et cynique, capte des centaines de milliards de francs en marchés publics avec l’aide intéressée des gouvernants ; quand les hôpitaux peinent à s’approvisionner en produits de base faute de ressources ; quand la pauvreté envahit les rues et ruelles des centres urbains ; quand les acteurs socio-éducatifs exigent le respect de la parole donnée trop souvent bafouée de l’Etat ; quand le Prince tout-puissant – d’aucuns indexent la princesse – protège de manière grotesque des ouailles qui méritent de faire face à la justice pendant que d’autres sont victimes d’harcèlement sans fin…  
 
Résumer une élection présidentielle à deux tours en une seule manche dans le contexte d’un mécontentement populaire audible et visible jusque chez les morts n’est alors possible que par la technique. Comme aux législatives de juillet 2017…
 
 

«Le Sénégal au cœur» où l’Homme aux deux visages !
J'ai lu "Le Sénégal au cœur". Chacun peut avoir son idée là-dessus. Moi je le trouve intéressant dans plusieurs de ses parties, si on met de côté les éléments déjà connus. Le style est agréable, accessible parce que simple. Le volontarisme social est omniprésent : celui d'un Sénégalais ordinaire qui a su tirer profit du principe égalitariste qui fonde de l'école républicaine pour franchir les strates qui mènent à l'élite; celui d'un président de la République qui veut rendre aux citoyens ordinaires d'aujourd'hui et de demain ce que leurs devanciers ont fait pour lui à travers l'école et l'administration d'Etat.

Au delà de l'objectif officiel visé par sa publication, il faut prendre le livre comme il est: destiné à bien vendre l'image du chef de l'Etat candidat à sa succession dans moins de trois mois. En cela, il aura et il fera son "Syndrome de Stockholm" auprès de plusieurs compatriotes. Il aura et fera des effets sur un public étranger dont on sent qu'il fait partie des cibles visées. 
 
Mais au fond, ce que j'en retiens de concret, c'est une chose simple: Macky Sall n'est pas ce pour quoi il veut se faire passer. C'est un homme à deux visages. Celui de l'ouvrage, qui s'arroge toutes les qualités humaines: de la théorie. Celui qu'il nous est donné de voir à la pratique depuis un septennat qui n'aurait dû avoir lieu: réfractaire à la démocratie, adversaire infatigable d'une existence réelle 'individuelle et collective) des droits et devoirs des citoyens, partisan de la confusion des pouvoirs, autoritaire, allergique à l'expression des libertés publiques non conforme à son agenda politique, autoritaire, sectaire, impitoyable avec ses adversaires, complaisant et protecteur avec les gens de son clan et apparentés, destructeur des initiatives liées à la reddition des comptes. A la page 112, le président de la République: "Si le moindre de mes partisans, un membre du gouvernement ou même de ma famille devait rendre des comptes, je laisserais évidemment la justice faire son travail." Que répondre devant cette formidable et (disons-le) cynique duplicité en regard des nombreux dossiers que lui-même reconnaît avoir mis sous son "coude" magistral?
 
Il aurait été bien inspiré de mettre en œuvre - dans l’Etat et la République que le peuple sénégalais lui a confiés en 2012 – les principes de gouvernance de l’Almamya sous l’impulsion de Thierno Souleymane Baal et «dont la modernité étonne…» aujourd’hui encore, selon ses propres termes (page 132) : «égalité de tous devant la justice».
Après cela, que peuvent valoir les anecdotes autour de Sandrine dont d'ailleurs l'histoire ne semble pas avoir été racontée jusqu'au bout... Mais cela est une autre histoire.
 

 
 

Dossier Karim Wade – L’Etat de droit, un système patrimonial
L’idée funeste dite de patrimonialisation du pouvoir qui a fait florès sous le règne des Wade semble être en fin de compte une constante chez les politiciens gâteux de la République. Le candidat Macky Sall qui avait fait mille et une promesses autour des biens publics est lui aussi passé à la trappe, un peu plus vite qu’on ne l’aurait imaginé. Des textes de loi sur la transparence ont certes été votés par l’assemblée nationale sur instigation du palais de la République, mais une cohérence globale fait défaut aux intentions annoncées. Le sabordage volontaire et impitoyable de l’Ofnac, juste 4 ans après sa mise sur pied, est le symbole vivant de cette boulimie destructrice des espoirs de bonne gouvernance entrevus.
 
La patrimonialisation des biens publics s’est donc institutionnalisée dans nos mœurs gouvernantes, incrustée quelque part dans cet espace complexe qu’est le cerveau humain. Le dernier exemple en date concerne bien évidemment le chef de l’Etat sénégalais dans sa façon curieuse de «gérer» le «cas» Karim Wade. Le 23 mars 2015, ce dernier a été condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) à six ans de prison et à une amende de 138 milliards de francs Cfa pour le délit d’enrichissement illicite.
 
Quinze mois plus tard, en juin 2016, l’ex ministre d’Etat est exfiltré de la prison de Rebeuss, nuitamment, pour être déposé au Qatar. La présidence sénégalaise indique que Karim Wade a demandé et obtenu la grâce du chef de l’Etat. Une grâce dont les termes non encore rendus publics semblent avoir imposé l’exil au fils de l’ancien chef de l’Etat, sous la supervision de l’Emirat gazier du Golfe. Novembre 2018, le dossier est devenu une patate chaude pour le président de la République, englué dans ses réflexes politiciens d’enfer, à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle.
 
La grâce présidentielle «offerte» à Karim Wade dans cette affaire est objet de divergences. Mais c’est l’autre versant de la sentence prononcée par la Crei qui interpelle : l’amende de 138 milliards de francs Cfa. Elle est devenue l’arme de chantage contre Karim Wade auquel des autorités centrales et périphériques promettent l’application rigoureuse de la contrainte par corps. Le message à l’endroit du fils Wade ne comporte aucune ambiguïté : ne remettez pas les pieds au Sénégal et on passera l’éponge sur votre dette.
 
C’est donc d’un bien public (l’amende en question) dont le président de la République se sert pour combattre un adversaire politique transformé en exilé de luxe. Macky Sall peut-il mettre en gage des deniers supposément publics en échange de sa propre tranquillité, pour ses ambitions personnelles ? Si tant est que Karim Wade a été justement condamné par la Crei, si tant est que son procès n’a pas été une parodie judiciaire, pourquoi la plus haute autorité politique se permet-il une si grande légèreté dans la gestion de ce dossier ? Dans aucun pays démocratique respectable, une telle confusion des genres ne saurait être admise par les institutions de contre-pouvoir. Mais quand un système de patrimonialisation est en vigueur, rien n’est impossible.  

Amadou Bâ, ministre de l'Economie, des Finances et du Plan
Amadou Bâ, ministre de l'Economie, des Finances et du Plan
Si souvent accusé de complaisance dans certains de ses diagnostics-pays, le Fonds monétaire international (Fmi) semble vouloir se rebeller, au moins au Sénégal. La déclaration issue de la revue du programme relatif à l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe) résume en quelque sorte toutes les alertes déjà lancées par des experts, anciens ministres et autres fonctionnaires sur la situation réelle de l’économie sénégalaise et de ses goulots d’étranglement.
 
A défaut d’être expert, on se garde de tous jugements hasardeux. Par contre, en regard de la situation réelle «sur le terrain», au-delà d’une croissance politisée et capturée par une minorité activiste de l’économie, le pays va mal. La pauvreté est concrète, les gens se réfugient en masse dans le système pernicieux de la mendicité, des petites et moyennes entreprises sont agonisantes mais s’accrochent à des lendemains qu’elles souhaitent moins chaotiques que leur situation désespérante du présent.
 
A cet égard, si le Fmi projette une perte de recettes de 115 milliards de francs Cfa, il ne faut pas être devin pour savoir qu’une bonne partie de celles-ci relève essentiellement de l’incapacité des entreprises et des opérateurs économiques à s’acquitter objectivement de leurs devoirs fiscaux : ils sont tous mal en point.
 
Cette alerte venue de Bretton Woods rétablit donc une certaine réalité de l’économie nationale avec ses trous d’air issus de l’aveuglement imposé par le dieu Plan Sénégal Emergent. Quand une vraie croissance déconnectée d’une économie virtuelle sera à l’ordre du jour, les Sénégalais commenceront peut-être à se porter mieux. En attendant, c'est la grande galère 

Désinformatrice !
Quelle mouche a donc piqué Aïssatou Gladima Siby, la ministre des Mines et de la Géologie, pour attaquer la société civile sénégalaise de façon si radicale, sans discernement ? Elle lui reproche de désinformer les populations sur les réalités qui entourent les contrats d’hydrocarbures signés par le gouvernement du Sénégal.
 
La première faute de madame la ministre est de taille: elle fait d’un concept (société civile) complexe un fourre-tout ouvert à tous les vents. De qui et de quoi parle-t-elle ? Au niveau de responsabilité où elle se trouve, on demanderait un peu plus de précision et de rigueur.
 
Deuxième faute de madame la ministre: elle se rend elle-même coupable de désinformation. Tous ceux qui suivent les débats sur le gaz et le pétrole depuis à peu près cinq ans savent pertinemment que c’est grâce à des organisations de la société civile sénégalaise (et de certains acteurs politiques) que le gouvernement a été contraint de révéler certains des contrats signés en catimini avec des multinationales.
 
Troisième faute de madame la ministre: le brin d’arrogance qui caractérise ses accusations. Il ne sied pas à une autorité comme elle, dans un secteur qui pourrait devenir stratégique pour notre pays, de « fusiller » ainsi des hommes et femmes qu’elle pourrait avoir l’occasion de rencontrer assez souvent de gré ou de force.
 
Ministre n’est pas un métier. Mieux vaut donc rester sur terre. A moins que la raison inavouée de cette philippique soudaine contre la « société civile » est que celle-ci empêche d’«hydrocarburer » à fond les ressources de la communauté.

1 ... « 15 16 17 18 19 20 21 » ... 32











Inscription à la newsletter