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EDITORIAL
Diomaye-Sonko, cette prime inattendue à la tortuosité

On ignore si la main du président Bassirou Diomaye Faye a tremblé à l’instant où il apposait sa signature sur le décret de nomination du sieur Samba Ndiaye comme président du conseil d’administration de la Société nationale des habitations à loyer modéré (SN-HLM). Mais on sait que cette mesure, impopulaire et combattue chez ses camarades du parti Pastef, pourrait être un vrai marqueur dans un contexte politique sénégalais sous influence des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024. Il est prévisible que les militants du parti au pouvoir, ravalant leur colère par pragmatisme, votent en masse, aux cotés de leurs alliés, pour obtenir le quota de députés qui permettra à l’Exécutif de dérouler la « Vision 2050 » déclinée le 14 octobre dernier à Diamniadio. Mais on retiendra que c’est la première grande secousse interne qui vise le couple de l’exécutif depuis son arrivée au pouvoir le 2 avril 2024. A la date du 25 octobre, plus de vingt mille signatures auraient été déjà consignées à travers une pétition virale qui dénonce une certaine forme de pratique politique. 

 

Samba Ndiaye, ingénieur en génie civil, est un ancien maire de Ndoffane, une localité située non loin de Kaolack au centre du Sénégal. Il appartient à cette race de politiciens dotés d’un sens intuitif de la mobilité entre les arcanes du Pouvoir, sous tous les régimes. Il a vécu sous les prairies successives d’Abdoulaye Wade et de Macky Sall. Un pari de longévité à durée déterminée qu’il est en train de gagner sous le régime Pastef avec sa nomination surprise par le chef de l’Etat comme PCA de la SN-HLM. Le situationnisme paie.  

 

S’ils avaient tenu leur promesse de rupture sur une certaine façon de faire de la politique au Sénégal, le président Faye et le premier ministre Sonko n’auraient jamais propulsé Samba Ndiaye au poste qu’il occupe aujourd’hui. Avec une solennité digne de leurs fonctions suprêmes, ils font exactement le contraire de ce qu’il faut faire pour révolutionner les pratiques politiques dans un sens qui améliore la relation avec les citoyens. Car, en fin de compte, que signifie cette promotion de la transhumance ? Elle dit aux gens : écoutez ce que je vous dis, ne faites pas attention à ce que je fais ! Ceci est une agression caractérisée et délibérée contre le bon sens et l’engagement dont le peuple sénégalais a fait preuve pour dégager la racaille mackyste le 24 mars 2024. 

 

Le contenu du verdict de cette élection présidentielle mouvementée a été sans équivoque : moraliser la vie politique, tracer des frontières étanches entre pouvoir, opposition et société civile, aider au renouvellement de la classe politique, ne rien céder au trafic d’influence et à la transhumance… Or, c’est ce dernier projet qui, contre toute attente chez des centaines de milliers de Sénégalais, que le pouvoir Diomaye-Sonko semble vouloir banaliser. 

 

Car le même jour où l’éternel transhumant Samba Ndiaye entrait dans les grâces de l’exécutif, Déthié Fall, ex ponte reconnu et respecté de la résistance contre l’autoritarisme de Macky Sall, revenait dans l’enceinte présidentielle après s’être fourvoyé dans une coalition électorale d’opposition d’où il espérait rebondir. Diomaye et Sonko tolèrent-ils ce jeu de yoyo de personnalités politiques qui pataugent si aisément dans les méandres de la fourberie ? Ce que le chef du parti républicain du peuple (PRP) a fait avec cynisme n’a qu’un seul nom : trahison. Et avec la bataille des législatives, la boucle n’est pas prête d’être bouclée. 

 

La quête d’une seconde légitimité le 17 novembre prochain et les incertitudes qui l’entourent sont certes un véritable cauchemar qui empêcheraient de dormir tout exécutif. C’est une bataille capitale au terme de laquelle le paysage politique serait éclairci d’une manière ou d’une autre. Pour un régime comme celui de Diomaye-Sonko qui a besoin de moyens législatifs consolidés pour gouverner sereinement, une telle pression ne peut valider le principe de la fin qui justifie les moyens. Cette avalanche d’élus locaux qui est en train de déferler vers les prairies Pastef est politiquement et stratégiquement importante, mais elle ne garantit rien de pérenne : les transhumants sont des vadrouillards sans foi ni loi qui n’obéissent qu’aux pulsions de leurs intérêts personnels.  

 

Héritiers d’une montagne de scandales sans nom et d’une situation économique et financière préoccupante, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont heureusement impulsé une série de réformes et d’actions essentielles dont on espère un redressement national durable. L’immensité de ces chantiers ne devrait pas donner de temps ni d’espace à des cafouillages moraux grotesques qui obèrent l’incontestable légitimité tirée du peuple en mars 2024. 

 

La Rectification doit être de rigueur au cours de ce quinquennat, au moins en souvenir des dizaines de jeunes gens tués par l’ancien régime, avec l’assentiment de politiciens que l’on recycle aujourd’hui dans les entrailles du nouveau pouvoir.


L'ancien président Macky Sall et ses trois anciens collaborateurs : Amadou Ba, Moustapha Ba et Abdoulaye Daouda Diallo (de g. à d.)
L'ancien président Macky Sall et ses trois anciens collaborateurs : Amadou Ba, Moustapha Ba et Abdoulaye Daouda Diallo (de g. à d.)

Neuf jours après les révélations du premier ministre sénégalais contre 4 hauts dignitaires de l’ancien régime nommément accusés d’avoir falsifié, par écritures, des indicateurs substantiels de l’économie nationale pour des besoins fondamentalement politiques, c’est le silence total. Motus et bouche cousue chez ces présumés trafiquants des comptes publics de l’Etat qui semblent mesurer, a posteriori, l’extrême gravité des actes qui leur sont reprochés. 

 

Contrairement à des pratiques en vogue dans les médias locaux, ces révélations n’ont pas été fuitées par quelque gorge-profonde de l’Administration publique décidée à régler des comptes avec des ennemis politiques pris la main dans le sac. Ni par un quelconque lanceur d’alerte indigné, dans sa posture d’insider, par l’ampleur d’une gouvernance corrompue. Deux méthodes - délation intéressée et dénonciation d’intérêt public - qui diluent les responsabilités dans des généralités sans toujours en identifier les auteurs. 

 

Ces révélations du PM Ousmane Sonko ont été astucieusement partagées, en live, avec le peuple sénégalais en même temps qu’avec les institutions et partenaires économiques et financiers du Sénégal. Ce format de communication dissipe toute incompréhension sur la nature véritable des faits inédits reprochés à l’ancien président Macky Sall, à son ex-premier ministre Amadou Ba et aux anciens ministres des Finances et du Budget, Moustapha Ba et Abdoulaye Daouda Diallo. Peuvent-ils continuer à se murer dans le silence assourdissant qui leur sert, pour le moment, de bunker ? 

 

La gravité et la solennité des accusations portées à leur encontre peuvent nécessiter un temps de réflexion, à l’image d’un boxeur groggy auquel l’arbitre offre dix secondes de répit avant de mettre un terme au combat. Mais leur mutisme ne saurait être éternel. Et il ne saurait être remplacé par les élucubrations d’appareils et de politiciens souvent idiots. Ni par les commentaires et bavardages de sous-fifres soucieux de voler au secours de décideurs politiques dont ils étaient - et sont encore - de précieux obligés. Des gens calfeutrés dans la posture souvent irrationnelle d’opposants systématiques dont l’« idéologie » semble assise sur un agrégat d'opinions subjectives définitivement institutionnalisées.

Dans ce dossier, il doit être exclusivement question de la responsabilité individuelle d’hommes au service de l’Etat et des intérêts de la Collectivité nationale toute entière. Le reste n’est que politique politicienne classique… On en a marre ! 

 

La manipulation des comptes publics de l’Etat pour embellir des agrégats économiques en lambeaux tout en sachant que ces malversations auront des conséquences désastreuses - à un moment où à un autre, d’une manière ou d’une autre  - sur le fonctionnement réel du pays n’est pas seulement irresponsable de la part de gouvernants. C’est de la trahison. La dulcinée ‘’Sénégal ‘’ que l’on offrait en mariage à un cupide FMI - lequel ne voit jamais plus loin que sa poche - n’était pas si belle que cela: derrière sa blanche robe immaculée, elle luttait nuit et jour contre plusieurs maladies accumulées en douze ans d'autoritarisme, de répression et d'arbitraire : mpox, diarrhée, rhumatisme… Le malheureux élu de Bretton Woods le savait-il ?

 

Selon plusieurs médias, le traficotage présumé des comptes publics par Macky Sall et ses agents aurait immédiatement frappé les intérêts de notre pays, en particulier dans le paiement de ses obligations libellées en eurobonds sur certains marchés financiers. Cela relève naturellement du conjoncturel au regard de nos connexions fortes avec les économies spéculatives. 

 

Le plus important aujourd’hui, au-delà du retour à la réalité macro-économique et de la gestion des conséquences potentielles de ce trafic sur le quotidien des populations, c’est de faire LA lumière sur l’affaire. Désigner les 4 responsables politiques ne suffira pas : il faudra remuer le karcher dans la plaie ouverte au cœur des différentes administrations impliquées.

Si Macky Sall était le donneur d’ordre exécutif de ce « carnage » en intelligence active avec ses trois autres collaborateurs subordonnés, les exécutants opérationnels ne sauraient être hors du coup. Le PM actuel Ousmane Sonko qui a donné des gages en promettant de ne protéger personne au sein de l’Administration dont il est le chef joue forcément sa crédibilité.

C'est toute une chaine de responsabilités à l'intégrité compromise qui doit être débusquée pour le danger qu'elle constitue désormais pour le pays. Le ministre de la Justice Ousmane Diagne a assuré de sa détermination à débusquer tous les auteurs et autrices de la cabale contre les intérêts des Sénégalais. Le peuple attend de voir. En espérant surtout ne pas être le dindon d’une nouvelle farce.

 

Quatorzième législature : la fin d’une Assemblée nationale corrompue

Il y a tendance à l’oublier mais ce ne serait pas raisonnable. Les conditions dans lesquelles cette Assemblée nationale de la 14e législature a été fabriquée par la « Fraud Team » de Macky Sall et imposée aux Sénégalais le 31 juillet 2022 resteront gravées dans la mémoire politique de la République. La saga qui a entouré les « erreurs » sur les listes de candidats des deux grandes coalitions de l’époque, Benno Bokk Yaakaar (BBY, alors au pouvoir) et Yewwi Askan Wi (YAW, alors dans l’opposition) et les sanctions que la justice constitutionnelle a appliquées étaient en soi une première indication sur la nature de la légitimité de la 14e législature, toutes tendances partisanes confondues. Le sauvetage politique forcé de la liste des candidats députés titulaires de BBY et le purgatoire infligé à la liste des candidats titulaires de YAW ont enfanté une originalité dans l’histoire parlementaire du Sénégal : une liste de candidats députés suppléants est invitée à prendre la place d’une liste de candidats députés titulaires aux législatives du 31 juillet 2022. 

 

L’ordre politique était diffus mais assumé : Macky Sall était prêt à tout pour s’éviter tout blocage dans ce qu’il lui restait de temps au pouvoir. Il espérait encore le miracle d’un retournement de situation et de contexte pour s’offrir cet insaisissable troisième mandat tapi au coeur d’une aventure présidentielle dont la suite était déjà largement compromise. La violence systématique qui accompagne ses actes politiques contestables allait se traduire également par une autre première : le débarquement de plusieurs dizaines de gendarmes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le jour de l’installation des députés et de l’élection du président de l’institution. Il était question pour lui d’acter définitivement la 14e législature dans le schéma institutionnel. 

 

Sa course contre la montre ne devait jamais s’arrêter. Elle installa une gouvernance de crises et de répressions qui fit boire à la démocratie sénégalaise le calice jusqu’à la lie. En chemin, celle qui fut la tête de liste de BBY aux législatives et qui lui donna une courte majorité, l’ancienne première ministre Aminata Touré, fut déchue de son mandat parlementaire aux premières heures de la législature pour rébellion contre la dictature du Tsar. L’oukaze ad hoc fabriqué par le palais fut prestement exécuté par le groupe mécanique de la Place Soweto. 

 

Cette Assemblée nationale enfin mise à mort aura porté jusqu’au bout les stigmates d’une institution misérablement corrompue, de sa conception jusqu’au dernier souffle qu’il libéra le 12 septembre de l’an 2024. Dans une synchronisation savamment orchestrée avec le palais en février 2024, elle imposa le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 à décembre 2024. La loi du report fut votée sur la base de suppositions aussi ridicules que mafieuses que Macky Sall s’était empressé de clamer au soir du 3 février dernier avec une inconsistance indigne de ses responsabilités suprêmes. Mais le fin mot de cette histoire rocambolesque revint au peuple sénégalais.  

 

Aujourd’hui, la seule et unique lettre de noblesse que cette Assemblée nationale croupion pourra revendiquer devant l’histoire, ce ne serait même pas d’avoir corrigé - en y étant contrainte - les tripatouillages de son propre Règlement intérieur. C’est d’avoir fondamentalement enclenché le début de la fin d’un pouvoir tyrannique et obsolète dont tous les leviers et argumentaires convergeaient ‘’systémiquement’’ vers ses capacités de répression contre l’adversité politique et citoyenne qui lui faisait face. 

 

La guérilla parlementaire dans laquelle les députés de Benno Bokk Yaakaar voulaient se spécialiser pour sauver les résidus de leurs propres turpitudes était le baroud d’horreur qui faisait le lit de la guillotine qui attendait. C’était de l’agitation politicienne prélude à un retour devant le peuple souverain. La réponse - dissolution de l’Assemblée nationale - était inscrite à la fois dans le temps politique et dans l’ordre légal dans lesquels fonctionne notre démocratie. 

 


Patrons de presse et principe de réalité

Ce 13 août 2024, une bonne partie des médias sénégalais est en grève sous le label « Journée sans presse ». Selon la note produite par les éditeurs de presse, « l’objectif visé (par le pouvoir) n’est autre que le contrôle de l’information et la domestication es acteurs des médias » à travers différents actes: « blocage des comptes bancaires, production d’état exécutoire de saisie de matériels de production, rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires, gel des paiements, mise en demeure, refus de concertation ». C’est en réactions à ces craintes que seuls quatre quotidiens sont parus ce jour : Le Soleil (public), Yoor-Yoor Bi (proche du régime), Walfadjri et Le Témoin (presse privée indépendante). Ce dernier journal, dirigé par Mamadou Oumar Ndiaye, n'est pas paru aujourd'hui à cause d'un problème d'imprimerie, signale sa direction dans une note rendue publique. Le Témoin précise « qu'elle se démarque totalement du mouvement de grève lancé par une partie de la presse pour ce jour ».
 

Sur l’échelle des paliers de la lutte syndicale ou de survie, la démarche des éditeurs de presse est frontale : c’est la grande tronçonneuse au premier coup, une stratégie qui interroge sur ce qui pourrait rester comme moyen de pression sur le pouvoir si les choses restent en l’état.

 

Cette subite radicalité des patrons de presse avec un pouvoir qui n’a pas encore cinq mois de vie tranche d’avec l’extrême compréhension que la plupart d’entre eux ont manifestée à l’endroit du régime précédent. 

 

Durant toute période de répression instaurée par Macky Sall contre la presse et les journalistes, ces patrons « emblématiques » avaient fait le choix de se terrer, limitant leur indignation feinte à des rhétoriques auto-protectrices qui avaient le don de ne pas les compromettre avec des ennemis imaginaires identifiés par les tyrans en place. Certains n’osaient même plus (re)mettre les pieds aux rencontres de la CAP (Coordination des associations de presse) à la Maison de la Presse par peur d’un signalement des RG à la hiérarchie. 

 

Déjà, le principe d’une « journée sans presse » avait été agité à plusieurs reprises afin de pousser l’ex régime à mettre un terme aux brutalités psychopathes qu’il exerçait contre les journalistes et certains médias. Ces braves patrons de presse y ont fait barrage systématiquement en usant de subterfuges et de dilatoires. Mais le fond de leur position commune sautait aux yeux : ne pas se faire taper par la cravache de l’intransigeant Macky Sall. Objectif ? Ne pas fâcher les bailleurs officiels et leur capacité de nuisance financière et, surtout, capter des ressources additionnelles occultes qui ne manquaient pas de gicler des tunnels scabreux de la connivence établie. Une soif d’aisance matérielle qui, en contrepartie, ouvrait la porte à toutes les folies, même contre des confrères. Contre l’un des nôtres, Pape Alé Niang, certains ont ouvertement applaudi à ses déboires et justifié même le principe de sa mise à mort éditoriale : ils devaient être en phase avec la ligne alors répressive en vigueur.  

 

Les difficultés de la presse ne datent pas d’aujourd’hui. Elles explosent hic et nunc car des éditeurs se retrouvent subitement à devoir faire face au principe de réalité face à un régime qui tente de les (re)mettre à l’endroit d’une gestion d’entreprise orthodoxe ou, à tout le moins, acceptable et éloignée du vagabondage qui a mis à genoux certains d’entre eux et précarisé leurs employés. Abus de biens sociaux ? 

 

Le pouvoir en place, quant à lui, serait irresponsable et mal inspiré de vouloir - comme on l’en accuse - tuer la liberté de presse et d’expression en usant d’artifices déloyaux servant des objectifs politiciens de musellement des médias. Rien n’indique - pour le moment - que cela soit un argument sérieux d’un point de vue factuel. 

 

Si la précarité de l’environnement médiatique ne se discute pas, si donc la perfection n’est clairement pas atteignable d’une manière ou d’une autre dans le domaine des médias, il y a au moins une case à remplir en dormant : l’obligation de transparence et de sincérité dans la gestion des comptes des entreprises de presse. Dans un pays démocratique normal où l’autorité est soumise à la loi, l’aide de l’Etat aux groupes médiatiques ne se ferait pas attendre. On l’espère pour le Sénégal afin que tous les journalistes vivent dignement du plus beau métier du monde ! 

 

Cent jours et douze ans, le grand écart…et les symboles

A l’occasion des ‘’100 jours’’ du pouvoir reçu du peuple souverain le 24 mars 2024, le président Bassirou Diomaye Faye fera face à un groupe de journalistes pour rendre compte de son action à la tête du pays. A priori, l’exercice n’est pas périlleux car il s’agira  d’expliquer, d’expliciter et de justifier toutes les mesures prises depuis le 3 avril, date de son entrée en fonction, en faveur du programme de redressement national sur lequel il a été élu par une écrasante majorité de ses compatriotes. Le président de la République devrait être d’autant plus à l’aise lors de cette prestation que le mythe des ‘’100 jours’’ est historiquement un horizon destiné à prendre en charge - pour les corriger - les dysfonctionnements et crises multiformes hérités d’un régime précédent par un nouveau pouvoir. Il en a été ainsi avec le « peuple de gauche » sous Francois Mitterrand en 1981 après 23 ans de gaullisme conservateur. Auparavant en 1933, le président Franklin Delano Roosevelt s’appuya sur ledit mythe pour lancer une politique de reddition des graves conséquences de la crise économique de 1929. Près d’un siècle plus tard - et toutes proportions gardées - le Sénégal est englué dans cette trajectoire de crises accumulées depuis douze ans et que ses nouvelles autorités s’attachent à annihiler. 

 

Aujourd’hui, ‘’100 jours’’ après la chute du régime autocratique et corrompu de Macky Sall, les velléités de déstabilisation politique durable du pouvoir élu en mars 2024 s’enchaînent, se suivent et se ressemblent. Dans leurs formes d’expression, elles visent objectivement à installer la chienlit partout ou ce sera possible. Par exemple, à défaut de paralyser l’action gouvernementale, les caciques d’ancien régime transforment l’assemblée nationale en bastion complotiste, ultime territoire de leur pouvoir déchu, rampe de lancement d’une hypothétique reconquête de leurs privilèges anciens et incontrôlés. Le désordre juridique et institutionnel qui a rendu impossible la déclaration de politique générale du premier ministre est un acte politicien prémédité qui résume à lui seul l’essentiel de la vision tordue qu’ils ont de l’institution parlementaire: son instrumentalisation en toutes circonstances. Ils ont accumulé les crimes et conneries sans châtiment pendant douze ans, ils voudraient que le pays soit sur pieds en ‘’100 jours’’. Un délire de vaincus! 

 

Le bonhomme roublard appelé ’’Douze ans’’ est un professionnel invétéré de la politique politicienne. Il vit depuis plusieurs années aux crochets des caisses publiques. Accessoirement, il est dealer à la tête d’entreprises agricoles ou (semi) industrielles largement biberonnées en fonds publics. Concrètement, il est capteur de semences et d’engrais par la seule grâce de son appartenance au grand cercle des messieurs et dames de cour. Il est aussi détenteur de passeport diplomatique sans cesse renouvelé et a la veine de ne jamais être trainé devant les tribunaux malgré des dossiers lourdement compromettants. Dans l’art de déblatérer, il est sans partage mais le mensonge est dans son ADN. Son rêve le plus fou est de revenir aux affaires malgré ses tuiles personnelles et, surtout, sa totale responsabilité dans l’exécution publique gratuite de plusieurs dizaines de jeunes Sénégalais au nom de l’antienne criminelle « force restera à la loi ». C’est pour l’ensemble de ses oeuvres que le bonhomme ‘’Douze ans’’ a été sévèrement puni par le peuple électeur de mars 2024.

 

Plus de trois mois après, l’héritier dénommé ‘’100 jours’’ tente de dérouler sa vision du changement pour répondre aux aspirations immenses qui pèsent sur ses épaules. Il a soldé les dettes à milliards de l’Etat envers les producteurs agricoles tout en réorganisant le schéma corrompu de distribution des semences et des engrais dont profitait grassement ’Douze ans’’ depuis plusieurs campagnes agricoles. Tant bien que mal, il a imposé une baisse des prix pour certaines denrées de consommation et de construction. Il tente une reprise en main d’un système universitaire déstabilisé par l’agenda politicien d’hiérarques qui avaient fini par en faire le cadet de leurs soucis affairistes et existentiels. Sans grande marge de manoeuvre mais avec la volonté politique qui donne de la force et ouvre des perspectives, ‘’100 jours’’ s’attèle à réorienter les priorités d’une économie dont un large pan repos(ait)e sur l’imaginaire et l’arrogance dont savent faire preuve les pouvoirs autoritaires minoritaires. Les chantiers de ‘’100 jours’’ sont titanesques, à la hauteur des engagements, manipulations et magouilles que ‘’Douze ans’’ s’est allègrement autorisés, reclus dans la tour d’ivoire de ses folies noctambules, avec la complicité des nombreuses ‘’dames de compagnies’’ fabriquées de toutes pièces au cours de son règne. 

 

Chantiers titanesques ? Clairement. Mais c’est en soi - et en même temps - une raison suffisante pour accélérer le rythme des changements exigés par le peuple sénégalais. Des obstacles institutionnels et juridiques peuvent s’y opposer certes, en plus des lenteurs classiques de dame Justice. C’est la réalité de l’exercice du pouvoir. Mais jusqu’à quand patienteront des centaines de milliers de Sénégalais frappés dans leur chair et dans leur dignité par la violence physique et morale inouïe de Macky Sall et de ses sbires civils et sécurocrates. Pourquoi ne pas soutenir publiquement ces compatriotes qui ont fait le pari de faire juger l’ancien chef d’Etat devant des juridictions locale ou internationale ? Pourquoi une bonne partie de l’opinion pense - à juste ou faux titre - que Macky Sall est devenu intouchable en dépit de ses responsabilités dans la commission de crimes de natures diverses? Le ‘’protocole’’ du Cap Manuel est-il seulement une chimère ? Pourquoi laisser (encore) en place des juges et procureurs qui avaient manifestement et ostensiblement pris le parti de satisfaire les ‘’commandes politiques’’ de l’ancien régime au détriment de la loi et du bon sens ? Pourquoi donner l’impression aujourd’hui que le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et d’autres structures qualifiées naguère de budgétivores et sans valeur ajoutée pour le pays pourraient rester dans l’ordonnancement institutionnel du pays ? Prudence ou frilosité en fin de compte?

 

Le président de la République et son premier ministre ont sans doute des réponses à toutes ces questions. Ils ont peut-être un plan tactique et stratégique destiné à dérouler le ‘’Projet’’ vendu aux Sénégalais sur des bases pérennes qui le protègent dans la durée. Mais il semble tout autant prévisible que cette espèce de frilosité qui suinte de certaines de leurs actions peut constituer un mauvais signal dans leur détermination affichée à purger le Mackiavélisme de contrebande qui a gouverné notre pays pendant douze ans. Souvent, les peuples sont raisonnables et ne demandent pas beaucoup pour accompagner leurs dirigeants, surtout s’ils ont été très bien élus. Mais il leur faut toujours des symboles, de vrais. 

 

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