Connectez-vous
EDITORIAL
Quatorzième législature : la fin d’une Assemblée nationale corrompue

Il y a tendance à l’oublier mais ce ne serait pas raisonnable. Les conditions dans lesquelles cette Assemblée nationale de la 14e législature a été fabriquée par la « Fraud Team » de Macky Sall et imposée aux Sénégalais le 31 juillet 2022 resteront gravées dans la mémoire politique de la République. La saga qui a entouré les « erreurs » sur les listes de candidats des deux grandes coalitions de l’époque, Benno Bokk Yaakaar (BBY, alors au pouvoir) et Yewwi Askan Wi (YAW, alors dans l’opposition) et les sanctions que la justice constitutionnelle a appliquées étaient en soi une première indication sur la nature de la légitimité de la 14e législature, toutes tendances partisanes confondues. Le sauvetage politique forcé de la liste des candidats députés titulaires de BBY et le purgatoire infligé à la liste des candidats titulaires de YAW ont enfanté une originalité dans l’histoire parlementaire du Sénégal : une liste de candidats députés suppléants est invitée à prendre la place d’une liste de candidats députés titulaires aux législatives du 31 juillet 2022. 

 

L’ordre politique était diffus mais assumé : Macky Sall était prêt à tout pour s’éviter tout blocage dans ce qu’il lui restait de temps au pouvoir. Il espérait encore le miracle d’un retournement de situation et de contexte pour s’offrir cet insaisissable troisième mandat tapi au coeur d’une aventure présidentielle dont la suite était déjà largement compromise. La violence systématique qui accompagne ses actes politiques contestables allait se traduire également par une autre première : le débarquement de plusieurs dizaines de gendarmes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le jour de l’installation des députés et de l’élection du président de l’institution. Il était question pour lui d’acter définitivement la 14e législature dans le schéma institutionnel. 

 

Sa course contre la montre ne devait jamais s’arrêter. Elle installa une gouvernance de crises et de répressions qui fit boire à la démocratie sénégalaise le calice jusqu’à la lie. En chemin, celle qui fut la tête de liste de BBY aux législatives et qui lui donna une courte majorité, l’ancienne première ministre Aminata Touré, fut déchue de son mandat parlementaire aux premières heures de la législature pour rébellion contre la dictature du Tsar. L’oukaze ad hoc fabriqué par le palais fut prestement exécuté par le groupe mécanique de la Place Soweto. 

 

Cette Assemblée nationale enfin mise à mort aura porté jusqu’au bout les stigmates d’une institution misérablement corrompue, de sa conception jusqu’au dernier souffle qu’il libéra le 12 septembre de l’an 2024. Dans une synchronisation savamment orchestrée avec le palais en février 2024, elle imposa le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 à décembre 2024. La loi du report fut votée sur la base de suppositions aussi ridicules que mafieuses que Macky Sall s’était empressé de clamer au soir du 3 février dernier avec une inconsistance indigne de ses responsabilités suprêmes. Mais le fin mot de cette histoire rocambolesque revint au peuple sénégalais.  

 

Aujourd’hui, la seule et unique lettre de noblesse que cette Assemblée nationale croupion pourra revendiquer devant l’histoire, ce ne serait même pas d’avoir corrigé - en y étant contrainte - les tripatouillages de son propre Règlement intérieur. C’est d’avoir fondamentalement enclenché le début de la fin d’un pouvoir tyrannique et obsolète dont tous les leviers et argumentaires convergeaient ‘’systémiquement’’ vers ses capacités de répression contre l’adversité politique et citoyenne qui lui faisait face. 

 

La guérilla parlementaire dans laquelle les députés de Benno Bokk Yaakaar voulaient se spécialiser pour sauver les résidus de leurs propres turpitudes était le baroud d’horreur qui faisait le lit de la guillotine qui attendait. C’était de l’agitation politicienne prélude à un retour devant le peuple souverain. La réponse - dissolution de l’Assemblée nationale - était inscrite à la fois dans le temps politique et dans l’ordre légal dans lesquels fonctionne notre démocratie. 

 


Patrons de presse et principe de réalité

Ce 13 août 2024, une bonne partie des médias sénégalais est en grève sous le label « Journée sans presse ». Selon la note produite par les éditeurs de presse, « l’objectif visé (par le pouvoir) n’est autre que le contrôle de l’information et la domestication es acteurs des médias » à travers différents actes: « blocage des comptes bancaires, production d’état exécutoire de saisie de matériels de production, rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires, gel des paiements, mise en demeure, refus de concertation ». C’est en réactions à ces craintes que seuls quatre quotidiens sont parus ce jour : Le Soleil (public), Yoor-Yoor Bi (proche du régime), Walfadjri et Le Témoin (presse privée indépendante). Ce dernier journal, dirigé par Mamadou Oumar Ndiaye, n'est pas paru aujourd'hui à cause d'un problème d'imprimerie, signale sa direction dans une note rendue publique. Le Témoin précise « qu'elle se démarque totalement du mouvement de grève lancé par une partie de la presse pour ce jour ».
 

Sur l’échelle des paliers de la lutte syndicale ou de survie, la démarche des éditeurs de presse est frontale : c’est la grande tronçonneuse au premier coup, une stratégie qui interroge sur ce qui pourrait rester comme moyen de pression sur le pouvoir si les choses restent en l’état.

 

Cette subite radicalité des patrons de presse avec un pouvoir qui n’a pas encore cinq mois de vie tranche d’avec l’extrême compréhension que la plupart d’entre eux ont manifestée à l’endroit du régime précédent. 

 

Durant toute période de répression instaurée par Macky Sall contre la presse et les journalistes, ces patrons « emblématiques » avaient fait le choix de se terrer, limitant leur indignation feinte à des rhétoriques auto-protectrices qui avaient le don de ne pas les compromettre avec des ennemis imaginaires identifiés par les tyrans en place. Certains n’osaient même plus (re)mettre les pieds aux rencontres de la CAP (Coordination des associations de presse) à la Maison de la Presse par peur d’un signalement des RG à la hiérarchie. 

 

Déjà, le principe d’une « journée sans presse » avait été agité à plusieurs reprises afin de pousser l’ex régime à mettre un terme aux brutalités psychopathes qu’il exerçait contre les journalistes et certains médias. Ces braves patrons de presse y ont fait barrage systématiquement en usant de subterfuges et de dilatoires. Mais le fond de leur position commune sautait aux yeux : ne pas se faire taper par la cravache de l’intransigeant Macky Sall. Objectif ? Ne pas fâcher les bailleurs officiels et leur capacité de nuisance financière et, surtout, capter des ressources additionnelles occultes qui ne manquaient pas de gicler des tunnels scabreux de la connivence établie. Une soif d’aisance matérielle qui, en contrepartie, ouvrait la porte à toutes les folies, même contre des confrères. Contre l’un des nôtres, Pape Alé Niang, certains ont ouvertement applaudi à ses déboires et justifié même le principe de sa mise à mort éditoriale : ils devaient être en phase avec la ligne alors répressive en vigueur.  

 

Les difficultés de la presse ne datent pas d’aujourd’hui. Elles explosent hic et nunc car des éditeurs se retrouvent subitement à devoir faire face au principe de réalité face à un régime qui tente de les (re)mettre à l’endroit d’une gestion d’entreprise orthodoxe ou, à tout le moins, acceptable et éloignée du vagabondage qui a mis à genoux certains d’entre eux et précarisé leurs employés. Abus de biens sociaux ? 

 

Le pouvoir en place, quant à lui, serait irresponsable et mal inspiré de vouloir - comme on l’en accuse - tuer la liberté de presse et d’expression en usant d’artifices déloyaux servant des objectifs politiciens de musellement des médias. Rien n’indique - pour le moment - que cela soit un argument sérieux d’un point de vue factuel. 

 

Si la précarité de l’environnement médiatique ne se discute pas, si donc la perfection n’est clairement pas atteignable d’une manière ou d’une autre dans le domaine des médias, il y a au moins une case à remplir en dormant : l’obligation de transparence et de sincérité dans la gestion des comptes des entreprises de presse. Dans un pays démocratique normal où l’autorité est soumise à la loi, l’aide de l’Etat aux groupes médiatiques ne se ferait pas attendre. On l’espère pour le Sénégal afin que tous les journalistes vivent dignement du plus beau métier du monde ! 

 

Cent jours et douze ans, le grand écart…et les symboles

A l’occasion des ‘’100 jours’’ du pouvoir reçu du peuple souverain le 24 mars 2024, le président Bassirou Diomaye Faye fera face à un groupe de journalistes pour rendre compte de son action à la tête du pays. A priori, l’exercice n’est pas périlleux car il s’agira  d’expliquer, d’expliciter et de justifier toutes les mesures prises depuis le 3 avril, date de son entrée en fonction, en faveur du programme de redressement national sur lequel il a été élu par une écrasante majorité de ses compatriotes. Le président de la République devrait être d’autant plus à l’aise lors de cette prestation que le mythe des ‘’100 jours’’ est historiquement un horizon destiné à prendre en charge - pour les corriger - les dysfonctionnements et crises multiformes hérités d’un régime précédent par un nouveau pouvoir. Il en a été ainsi avec le « peuple de gauche » sous Francois Mitterrand en 1981 après 23 ans de gaullisme conservateur. Auparavant en 1933, le président Franklin Delano Roosevelt s’appuya sur ledit mythe pour lancer une politique de reddition des graves conséquences de la crise économique de 1929. Près d’un siècle plus tard - et toutes proportions gardées - le Sénégal est englué dans cette trajectoire de crises accumulées depuis douze ans et que ses nouvelles autorités s’attachent à annihiler. 

 

Aujourd’hui, ‘’100 jours’’ après la chute du régime autocratique et corrompu de Macky Sall, les velléités de déstabilisation politique durable du pouvoir élu en mars 2024 s’enchaînent, se suivent et se ressemblent. Dans leurs formes d’expression, elles visent objectivement à installer la chienlit partout ou ce sera possible. Par exemple, à défaut de paralyser l’action gouvernementale, les caciques d’ancien régime transforment l’assemblée nationale en bastion complotiste, ultime territoire de leur pouvoir déchu, rampe de lancement d’une hypothétique reconquête de leurs privilèges anciens et incontrôlés. Le désordre juridique et institutionnel qui a rendu impossible la déclaration de politique générale du premier ministre est un acte politicien prémédité qui résume à lui seul l’essentiel de la vision tordue qu’ils ont de l’institution parlementaire: son instrumentalisation en toutes circonstances. Ils ont accumulé les crimes et conneries sans châtiment pendant douze ans, ils voudraient que le pays soit sur pieds en ‘’100 jours’’. Un délire de vaincus! 

 

Le bonhomme roublard appelé ’’Douze ans’’ est un professionnel invétéré de la politique politicienne. Il vit depuis plusieurs années aux crochets des caisses publiques. Accessoirement, il est dealer à la tête d’entreprises agricoles ou (semi) industrielles largement biberonnées en fonds publics. Concrètement, il est capteur de semences et d’engrais par la seule grâce de son appartenance au grand cercle des messieurs et dames de cour. Il est aussi détenteur de passeport diplomatique sans cesse renouvelé et a la veine de ne jamais être trainé devant les tribunaux malgré des dossiers lourdement compromettants. Dans l’art de déblatérer, il est sans partage mais le mensonge est dans son ADN. Son rêve le plus fou est de revenir aux affaires malgré ses tuiles personnelles et, surtout, sa totale responsabilité dans l’exécution publique gratuite de plusieurs dizaines de jeunes Sénégalais au nom de l’antienne criminelle « force restera à la loi ». C’est pour l’ensemble de ses oeuvres que le bonhomme ‘’Douze ans’’ a été sévèrement puni par le peuple électeur de mars 2024.

 

Plus de trois mois après, l’héritier dénommé ‘’100 jours’’ tente de dérouler sa vision du changement pour répondre aux aspirations immenses qui pèsent sur ses épaules. Il a soldé les dettes à milliards de l’Etat envers les producteurs agricoles tout en réorganisant le schéma corrompu de distribution des semences et des engrais dont profitait grassement ’Douze ans’’ depuis plusieurs campagnes agricoles. Tant bien que mal, il a imposé une baisse des prix pour certaines denrées de consommation et de construction. Il tente une reprise en main d’un système universitaire déstabilisé par l’agenda politicien d’hiérarques qui avaient fini par en faire le cadet de leurs soucis affairistes et existentiels. Sans grande marge de manoeuvre mais avec la volonté politique qui donne de la force et ouvre des perspectives, ‘’100 jours’’ s’attèle à réorienter les priorités d’une économie dont un large pan repos(ait)e sur l’imaginaire et l’arrogance dont savent faire preuve les pouvoirs autoritaires minoritaires. Les chantiers de ‘’100 jours’’ sont titanesques, à la hauteur des engagements, manipulations et magouilles que ‘’Douze ans’’ s’est allègrement autorisés, reclus dans la tour d’ivoire de ses folies noctambules, avec la complicité des nombreuses ‘’dames de compagnies’’ fabriquées de toutes pièces au cours de son règne. 

 

Chantiers titanesques ? Clairement. Mais c’est en soi - et en même temps - une raison suffisante pour accélérer le rythme des changements exigés par le peuple sénégalais. Des obstacles institutionnels et juridiques peuvent s’y opposer certes, en plus des lenteurs classiques de dame Justice. C’est la réalité de l’exercice du pouvoir. Mais jusqu’à quand patienteront des centaines de milliers de Sénégalais frappés dans leur chair et dans leur dignité par la violence physique et morale inouïe de Macky Sall et de ses sbires civils et sécurocrates. Pourquoi ne pas soutenir publiquement ces compatriotes qui ont fait le pari de faire juger l’ancien chef d’Etat devant des juridictions locale ou internationale ? Pourquoi une bonne partie de l’opinion pense - à juste ou faux titre - que Macky Sall est devenu intouchable en dépit de ses responsabilités dans la commission de crimes de natures diverses? Le ‘’protocole’’ du Cap Manuel est-il seulement une chimère ? Pourquoi laisser (encore) en place des juges et procureurs qui avaient manifestement et ostensiblement pris le parti de satisfaire les ‘’commandes politiques’’ de l’ancien régime au détriment de la loi et du bon sens ? Pourquoi donner l’impression aujourd’hui que le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et d’autres structures qualifiées naguère de budgétivores et sans valeur ajoutée pour le pays pourraient rester dans l’ordonnancement institutionnel du pays ? Prudence ou frilosité en fin de compte?

 

Le président de la République et son premier ministre ont sans doute des réponses à toutes ces questions. Ils ont peut-être un plan tactique et stratégique destiné à dérouler le ‘’Projet’’ vendu aux Sénégalais sur des bases pérennes qui le protègent dans la durée. Mais il semble tout autant prévisible que cette espèce de frilosité qui suinte de certaines de leurs actions peut constituer un mauvais signal dans leur détermination affichée à purger le Mackiavélisme de contrebande qui a gouverné notre pays pendant douze ans. Souvent, les peuples sont raisonnables et ne demandent pas beaucoup pour accompagner leurs dirigeants, surtout s’ils ont été très bien élus. Mais il leur faut toujours des symboles, de vrais. 

 

Déclaration de politique générale - A force de frauder…

A force de frauder en catimini en manipulant la loi dans un but partisan et en violant le principe fondamental de l'intérêt général, simplement parce que l'on dispose - en temps T - d’une majorité parlementaire outrageusement mécanisée et dressée, il arrive forcément un moment où l'on se perd dans ses propres magouilles. 

 

Guy Marius Sagna et Mamadou Lamine Diallo ont solennellement interpellé Amadou Mame Diop, (déjà et encore président de l'assemblée nationale) sur la nécessité de remettre de l'ordre dans les textes afin de rétablir la connexion entre la Constitution et le Règlement intérieur de l'AN. Le monsieur n'a pas bougé d'un demi iota, encore moins ses camarades de parti et de coalition englués dans leur bulle d’arrogance et de suffisance. Il savait bien que ce n'est pas lui, simple exécutant bombardé 2e personnalité de l'Etat, qui décidait des stratagèmes à dérouler à cette époque et aujourd’hui encore !  

 

Que cherchaient Macky Sall et ses ouailles en fermant les yeux sur l’évidence et le bon sens qui commandaient de réécrire le règlement intérieur de l’institution parlementaire après que le poste de premier ministre a été rétabli par Sall lui-même au bout du temps d’errance qu’il s’était donné pour tester ou alléger on ne sait quel système de gouvernance ? Cette affaire est incompréhensible et inacceptable. Elle avait peut-être des buts inavouables. Mais elle est significative des pratiques politiques malsaines instaurées par l’ancien régime.  

 

La réalité est que la fraude en politique peut payer un moment, peut-être même pendant longtemps. Mais cela suppose que l’on maitrise autant les manettes et ficelles qui la rendent possible : personnel exécutant disponible pour frauder, volonté partagée de frauder, disposer des moyens politiques de frauder… Et après, dérouler des Plans B ou C pour se tirer de son propre guêpier. 

 

Dans l’absolu, il est préférable que le premier ministre Ousmane Sonko délivre sa Déclaration de politique générale devant la représentation nationale comme l’y contraint la Constitution. Devoir de transparence, disent en choeur beaucoup d’acteurs politiques et de la société civile. La plupart de ceux-ci sont sans doute mus par la bonne foi en la nécessité de protéger l’essence démocratique de nos institutions en donnant une vraie dignité et réalité au dialogue entre l’Exécutif et le Législatif.

Faut-il pour autant passer par pertes et profits les trucs et astuces de cette entreprise diabolique de démolition des fondements démocratiques de notre pays tentée (sans succès) par Macky Sall durant ses 12 ans de règne sur les Sénégalais ? Qui se souvient qu’en juillet 2023, ce politicien professionnel a retiré in extremis un projet de loi qui lui aurait permis de dissoudre l’assemblée nationale par décret, à sa guise ? 

 

Propos de Sonko sur la presse : diversion et réalités

Les propos d’Ousmane Sonko à l’endroit de la presse, tenus le 9 janvier sur l’esplanade du Grand Théâtre lors d’un meeting de son parti, ont soulevé l’ire de beaucoup de journalistes… Pour certains d’entre eux, le chef du Pastef (et Premier ministre) est coupable d’avoir proféré des menaces et mises en garde contre les professionnels des médias dans l’exercice de leurs fonctions. D’autres l’accusent - sans avoir tort - de tirer sur cette corde « populiste » qui semble lui avoir bien réussi dans sa déjà fulgurante carrière politique. Pourquoi changerait-il de méthode, se disent-ils ? Des ‘’Unes’’ de la presse quotidienne de ce lundi 10 juin renseignent sur l’impact d’un discours sur le personnel du « 4e Pouvoir », sans langue de bois, direct mais pourtant précisément…ciblé sur une catégorie identifiée de patrons de presse. Un point crucial qui n’a pas semblé digne d’intérêt pour tout le monde. Cela, c’est sur la forme. 

 

Dans le fond, que retenir d’essentiel du discours véhément d’Ousmane Sonko ? 

 

Primo : que les journalistes ont l’obligation professionnelle, éthique et morale de respecter les principes sacro-saints qui fondent et légitiment l’exercice de leur profession, qui plus est dans un environnement démocratique où ils ne sont clairement pas les seuls acteurs. Nous publions et diffusons chaque jour des centaines d’articles qui touchent à tous les secteurs de notre vivre-ensemble quotidien et sur tous les supports disponibles. Prenons-nous toujours le temps de le faire comme nous devons le faire? La perfection n’existant nulle part, la réponse est non. Le faisons-nous en toute bonne foi ? La déontologie est une matière variable, à chacun sa conscience. Prenons-nous le temps de rectifier ce qu’il y a à rectifier ? Sans doute mais il reste du travail. 

 

Il nous faut le reconnaître : nous avons - bien malgré nous - fourni des munitions à des gens extérieurs à notre profession pour qu’ils viennent nous rappeler le ba.ba de notre métier en brandissant des pièces à conviction qui nous envoient au tapis. La présumée « affaire Kandé » qui vient de défrayer la chronique est un désastre monumental en termes de crédibilité qui nous frappe tous. Elle montre ce que peut être un journalisme ombrageux dont la mécanique éditoriale carbure aux racolages, rapiéçages et ajustages aux fins de fournir des produits livrables à d’obscures officines en embuscade dans une arrière-scène en Antarctique. On ne le dira jamais assez : « l’indépendance du journalisme est la première garantie d’une information loyale. Pas de quêtes de vérités  sans autonomie de leurs chercheurs » (Edwy Plenel).

 

Deuxio : que les entreprises de presse ont le devoir d’être en règle avec la loi, notamment au plan fiscal. Personne ne le conteste. Les difficultés que vivent les patrons de presse, le stress des fin de mois et des autres périodes ‘’sociales’’ qui appellent des dépenses, les sacrifices immenses que certains d’entre eux consentent jusque sur leurs propres biens pour faire vivre leurs médias et leurs personnels sont des réalités incontestables. Il faut leur en rendre hommage. Mais c’est leur choix d’avoir investi dans un secteur impitoyable, concurrentiel, budgétivore et sans garantie de retour sur investissement. La réalité est têtue mais incompressible. Des patrons de presse acceptent les règles du jeu, déroulent leurs stratégies, font preuve d’inventivité et d’innovations en tenant compte de leurs moyens et limites. D’autres, par contre, font semblant de jouer le jeu, rusent, transforment une présumé capacité de nuisance en une institution permanente de lobbying qui finit par discréditer la véritable institution que doit être le média. C’est ce vagabondage égoïste avec des « bailleurs de fonds » non philanthropes qui ramène au ‘’Primo’’ ci-dessus. Dans un post en date du 27 mai 2024, Hamadou Tidiane Sy, fondateur du site « Ouestafnews » et directeur de l’école de journalisme E-jicom, écrit: « l’indépendance du journaliste n’a pas de prix mais a un coût. Celui de n’être souvent « l’ami » de personne : ni pouvoir, ni opposition, ni opérateurs économiques, ni chefs coutumiers ou religieux…»

 

Au delà de la tonalité du discours d’Ousmane Sonko, ce sont les réalités que voila que les organisations et entreprises de presse devraient s’attacher à combattre pour protéger l’honneur d’une profession indispensable au contrôle démocratique du pouvoir politique, de sa gouvernance, des ‘’tromperies d’Etat’’ (Edwy Plenel) et des pratiques oligarchiques autour de l’économie et des secteurs stratégiques lucratifs de la vie nationale. C’est la voie royale pour assurer à la presse cette qualité de contre-pouvoir qui a été détruite par la cupidité manifeste dont font preuve certaines de ses figures. 

 

S’accrocher aux propos d’Ousmane Sonko pour ne pas en voir le fond ne nous avancera en rien. Exigeons par exemple du pouvoir la suppression des peines privatives de liberté pour les journalistes ! C’est le Président Bassirou Diomaye Faye qui en a pris l’engagement. Mais apparemment, une loi de protection pour les lanceurs d’alerte semble plus prête d’être déposée à l’assemblée nationale. Ça, c’est un beau défi et une vraie réalité ! Sus à la diversion.

 


1 2 3 4 5 » ... 34












Inscription à la newsletter