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Macky Sall à Genève, l’énième pied-de-nez à la démocratie et aux droits humains

Mercredi 13 Décembre 2023

A Genève ce 12 décembre de l’an 2023, Macky Sall a encore frappé. Pas sur la table, comme il en a l’habitude pour faire diversion. Mais en farfouillant, avec une vraie solennité, dans un tas de grands et nobles principes qui, à l’épreuve réelle de l’exercice du pouvoir en mode autoritaire, ne sont clairement pas de ses valeurs intrinsèques, du moins en politique. Au factuel de ses douze ans de pouvoir, le chef de l’Etat sénégalais devrait être considéré comme un indiscutable et tragique dynamiteur des principes de droits humains et de démocratie. Pour cette raison, sa place véritable devrait être au ban de la ‘’communauté internationale’’. 

 

Au moment où il dissertait, en particulier, sur les droits de l’Homme aux Nations unies à Genève dans le style convenu qui est en vigueur dans le monde restreint et feutré des ‘’décideurs’’ politiques, le président sénégalais ignorait sans doute - ou pas du tout - qu’à 4000 km de lui - chez lui en fait - une candidate déclarée à la présidence de la République et son convoi étaient l’objet de harcèlements de la part des forces de police de son régime. D’autres personnalités politiques porteuses de la même ambition pour notre pays font régulièrement l’objet de telles tracasseries depuis plusieurs mois, sur la base de…rien. Ce phénomène tyrannique porté par un corps administratif politisé et exécuté par des mains répressives, semble s’être institutionnalisé, ne cachant même plus son caractère partisan et ses visées hégémoniques. Et au lendemain de la sortie présidentielle sur les bords du Lac Léman, une vingtaine de militants politiques d’opposition humait l’air de la liberté après avoir passé, pour certains, huit à neuf mois de prison, tandis que les sièges de certains partis politiques légalement constitués font souvent l’objet de barricades administratives ! 

 

Démocratie sur mesure

 

La descente aux enfers de la démocratie au Sénégal comporte plusieurs chapitres pas forcément prévus dans la nomenclature mondialisée des droits et devoirs censés régir une démocratie digne de ce nom: sur-domination globale du parti au pouvoir et satellites, protection et promotion assurées aux délinquants présumés dans toutes affaires, travestissement contrôlé des règles de la compétition politique, ciblage et flicage des opposants non accommodants, gouvernance économique et financière fâchée avec le minimum de transparence publique, non publication de plusieurs rapports de contrôle d’organes de l’Etat, etc. Des exemples existent jusqu’à la caricature!

 

En réalité, et cela est connu et reconnu depuis belle lurette, Macky Sall a sa conception crypto-personnelle des droits humains et de la démocratie. Et c’est cela l’étincelle génératrice des graves crises politiques et judiciaires qui ont valu au pays la tragédie de plusieurs dizaines de personnes tuées depuis presque trois ans. Etre président de la République doté de pouvoirs exorbitants ne lui suffit pas. Demeurer le coeur battant de l’Etat tout-puissant qui gomme et dégomme á sa guise, non plus. Avoir la main qui peut devenir gâchette - souvent facile - contre qui il veut, comme il veut et quand il veut dans la quasi totalité des institutions, ça n’est pas toujours suffisant. Il lui faut aussi asservir toute résistance potentielle ou présumée au principe du Pouvoir global et absolu auquel il aspire. C’est un régent. Evidemment, une telle volonté de puissance ne pouvait être clamée dans ses propos de Genève. Or, c’est la clef des souffrances sénégalaises depuis 2012. Le reste n’est que posture et faire-semblant d’un politicien au double langage porté par Dr Jekyll et Mr Hyde et dont on verra, un jour ou un autre, le tort incommensurable infligé au Sénégal.

 

Brimades et vies brisées 

 

Du reste, Genève et son discours mielleux ne sont que l’antithèse de Kaffrine. C’est dans cette contrée sénégalaise que Macky Sall avait pour la première fois politiquement et moralement dérapé en théorisant son fameux projet de « réduire l’opposition á sa plus simple expression ». Un propos refoulé qui lança l’offensive de la politique d’intolérance et de répression qui s’abat sur ses adversaires politiques depuis. Grisé par le pouvoir et ses effluves, il se rendit compte très vite de son impopularité et des limites de sa méthode de gouvernement lors des événements tragiques de février-mars 2021. Mais il se réfugia dans le déni, préférant plutôt renforcer les outils de répression contre ses adversaires politiques qu’il finit, de guerre lasse, par traiter comme des hordes terroristes. La marque indélébile des régimes autoritaires refit alors surface: lorsqu’ils perdent la bataille de l’opinion, ils se rabattent dans la politique de terre brûlée, souvent de nature judiciaire, pour tenter de carboniser leurs opposants.

 

A quelques semaines de sa fin de règne, le président Sall s’attache péniblement, obstinément, à corriger le grand désastre de sa gouvernance des droits humains et de la démocratie au Sénégal. Ses virées se multiplient dans les cénacles internationaux pour polir son image et contrer les faits et actes qui documentent la brutalité de son pouvoir. Son empathie calculée, ses compétences douteuses et l’estime bien sentie de sa personne lui auront rendu un mauvais service. Il est possible que ses courtisans et ceux qui ont colatéralement profité des grâces et subsides de son régime le regrettent lorsqu’il passera le pouvoir à un successeur en avril 2024. Mais il est probable qu’il restera un souvenir douloureux pour toutes ces vies brisées par les brimades de son magistère violent sur ce Sénégal et ces Sénégalais qu’il ne semblait pas aimer. 

Macky Sall et son rapport aux droits humains et à la démocratie ? Comme un saut dans une piscine vide !

 
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