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EDITORIAL
La croisade tyrannique de Macky Sall
 
Drôle de démocratie sénégalaise ! Un président de la république auquel la loi suprême (la Constitution qu’il a lui-même fait réviser pour la « verrouiller » selon ses dires) interdit de participer à l’élection présidentielle de février 2024 déroule dans une tranquillité absolument mystérieuse un agenda personnel qui lui permet d’instrumentaliser des gens bien au chaud à des postes de responsabilités stratégiques et déterminantes à la seule fin d’éliminer un adversaire politique qui n’est même plus son concurrent à cette échéance électorale à venir !!!
 
Après 63 ans d’indépendance, le Sénégal en est encore à l’ère de la démocratie  grotesque et mesquine, celle qui reconnaît de facto au chef de l’Etat en exercice le soin de bâtir son propre royaume avec ses propres lois en marge des lois et règlements qui nous sont communs dans le cadre démocratique et républicain. Ce que nous disions depuis quelques années ne s’est jamais démenti : nous avons élu un homme autoritaire et figé dans l’absolue incapacité de lutter loyalement avec ses adversaires, en permanence agrippé aux moyens violents et méthodes coercitives qui naissent de sa volonté de puissance, en quête perpétuelle  d’ingrédients et d’expédients qui lui dégagent les chemins de la gloire !
 
La gestion comique de la procédure judiciaire de l’affaire dite « Sweet Beauté » - avec une fille comme pièce à conviction prise en otage depuis deux ans - et les conséquences dramatiques qui pourraient en découler in fine seront-elles le stade suprême de la descente aux enfers du projet démocratique sénégalais ? On constate, effarés mais pas surpris, que le Président le plus impopulaire de la République du Sénégal depuis plus de six décennies aspire à la récidive. Son autoritarisme sarcastique le rend naturellement prévisible à tous les instants et le conduit droit sur les chemins de la tyrannie.
 
Aux dérives judiciaires, des réponses politiques mais jusqu’à quand ?
 
Avec Ousmane Sonko, il aspire à rééditer les « coups » qui lui ont permis de liquider politiquement et judiciairement Khalifa Sall et Karim Wade pour emporter la présidentielle de 2019. L’évidence du choix de la guillotine promis au chef du Pastef depuis au moins deux ans sautait tellement aux yeux que son début d’exécution en parait saugrenu, renforcé par le passage en force d’un juge d’instruction destructeur des principes élémentaires d’une justice d’équité. On ignore de quoi sera fait l’avenir du chef du parti Pastef, mais la partie semble moins aisée pour le « cabinet noir » de la république qui fait tant de mal à notre pays.
 
Pourquoi ? Parce que fondamentalement, aux dérives judiciaires imposées par Macky Sall, Ousmane Sonko a choisi d’opposer une réplique politique. La démonstration de force du meeting de ce 22 janvier 2023 à Keur Massar entre dans ce cadre. Certes, elle ne résout pas l’équation à laquelle il est confronté – répondre ou ne pas répondre à la justice dans un faux-dossier manifeste qui ne lui laisse pour l’instant pas une grande marge de manœuvre – mais elle annonce les couleurs d’une « résistance » dont le contenu et les modalités embraseraient le pays et dont nous avons déjà pu mesurer les conséquences dramatiques en mars 2021. Devons-nous tolérer ce risque potentiellement meurtrier qui nous pend au nez en prolongeant le silence sur les obsessions politiciennes personnelles d’un président de la république qui a renié la plupart de ses engagements solennels pris devant le peuple sénégalais ?
 
Aujourd’hui, c’est la tyrannie qui nous menace plus que l’autoritarisme déjà en vigueur depuis dix ans. La tyrannie dont nous parlons, ce n’est rien moins que la propension de Macky Sall à faire du Sénégal et de sa démocratie ce que lui-même en entend : un pays qui fonctionne sous sa botte et celle de ses thuriféraires, où les opposants sont punis devant la loi, où les partisans du président ont l’enseigne « impunité » caricaturée au front, un pays où l’exercice des libertés de presse et d’expression – genre « Libérer Pape Alé Niang » - finit devant le procureur puis à la prison de Rebeuss...
 
Les tétanisés !
 
Il est grand temps que les voix autorisées de ce pays sortent de leur torpeur complice et égoïste en faisant fi des largesses (ou non) du pouvoir à leur égard pour oser franchir le Rubicon des mots et des actes qui sauvent le Sénégal d’un basculement sans retour dans la folie. Attendre que la violence politique s’installe pour venir jouer les pompiers-médiateurs après coup ne serait pas glorifiant pour elles. Le président Sall est dans sa bulle, sous un régime mental qui l’a éloigné des réalités sénégalaises, auto-endoctriné victime du renforcement d’incapacités de courtisans aussi désespérés que lui de pouvoir perdre un jour le pouvoir. En janvier et juillet 2022, il a perdu deux fois de suite des élections, locales et législatives, deux expressions démocratiques qui lui ont renvoyé les sentiments profonds de ses compatriotes vis-à-vis de sa gouvernance. La sanction populaire d’une impopularité qu’il ne pourra jamais retourner en sa faveur. D’où l’appel à la dignité et à la lucidité que lui lancent tant de Sénégalais transpartisans…
 
Tout le monde a compris que l’affaire « Sweet Beauté » est une canaillerie politicienne. Les plus irréductibles partisans du chef de l’Etat le savent. Les citoyens sans attaches partisanes le savent. Même cette confrérie des « neutres », dont de très nombreux journalistes, engluée dans une couardise mercantiliste qui tue en elle toute crédibilité professionnelle, le sait. Sont-ils tous à ce point tétanisés qu’ils en deviennent incapables de dire « basta » à celui qui travaille depuis dix ans à détruire les fondements de notre démocratie ?
 
En 1993, le puissant journaliste d’investigation burkinabè Norbert Zongo avertissait : « les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur. »
Dieu sauve le Sénégal !
 

Mansour Faye : survivant désigné, beau-frère immaculé !
Ce n’est plus un cas d’école, c’est devenu un phénomène pathologique qui tire peut-être ses origines d’une scabreuse gestion des équilibres au sein d’une fratrie de pouvoir au sein de laquelle les mécanismes relationnels sont finalement bien au dessus de ce qui peut être considéré comme l’intérêt national.
 
Le maintien de Mansour Faye au ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement va plus loin qu’un simple défi politique opposé à la gouvernance vertueuse et efficace du secteur des transports. C’est un point de réaffirmation de la patrimonialisation du pouvoir et de l’Etat au Sénégal. Pourquoi le président Macky Sall se garderait-il d’assurer l’extrême protection de son beau-frère de ministre - dont l’incompétence et l’arrogance se répercutent indirectement et dramatiquement sur les Sénégalais - alors qu’il le fait pour des caporaux auxquels il n’est lié que par les rapports fragiles que permet la politique ?
 
Le ministre Mansour Faye était sans doute à plusieurs centaines de km des drames humains de Sikilo et de Sakal, loin des turpitudes de chauffeurs criminels et de passagers insouciants et inconscients des dangers auxquels les soumettent leurs transporteurs. Sous cet angle, il peut bien se laisser aller à siroter son verre de lait. Sa responsabilité dans la mort d’environ 70 personnes en une semaine est autre : elle est de nature Politique. La même faute qui a imposé au chef de l’Etat le limogeage brutal et compréhensible de l’ex ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr après le drame des 11 bébés de l’hôpital Dabakh Malick de Tivaouane. Pourquoi ce double jeu qui concrétise un deux-poids deux mesures ?
 
En tant que ministre en fonction, Mansour Faye est celui qui n’a pas appliqué ou fait appliquer les mesures correctives légales suscitées par le président de la République afin de sécuriser les déplacements des citoyens sénégalais sur l’ensemble du territoire national. Il est celui qui a été investi de l’autorité légale pour les mettre en œuvre. Il reste celui qui a échoué à assurer la sécurité de ses compatriotes. Pour les raisons que voilà, l’unique voie raisonnable laissée à qui de droit est son départ d’un gouvernement dans lequel il passe pour être un intouchable prédestiné. C’est pourtant le premier acte de salubrité publique à poser dans le secteur névralgique des transports au Sénégal.
 
Mais il y a un obstacle à franchir : le président de la République a le complexe de croire que poser un acte de bon sens en limogeant son beau-frère de ministre serait un signe de faiblesse de sa part devant l’opinion publique. Une posture qui fait de Mansour Faye un ministre immaculé, éternel survivant des controverses financières (gestion des fonds Covid-19, Rapport de la Cour des comptes) et des drames humains qui secouent notre pays. Tout est lié au décret…présidentiel !

Les Sénégalais ne sont pas nombreux à espérer des suites judiciaires après le carnage public opéré sur les Fonds Covid
Les Sénégalais ne sont pas nombreux à espérer des suites judiciaires après le carnage public opéré sur les Fonds Covid
Le Rapport accusatoire de la Cour des comptes est un révélateur de la nature intrinsèque du régime qui gouverne le Sénégal. Les principaux prévaricateurs des deniers publics vont être protégés comme d’habitude en dépit de la dilapidation organisée de plusieurs milliards de FCFA dont le sort et la destination échappent aux enquêteurs de la Cour. Au pire, des lampistes exécuteurs d’actes illégaux (comme les DAGE placés sous l'emprise directe des ministres) vont être jetés en pâture à l’opinion, ce qui n’est même pas gagné d’avance au titre de la doctrine du COUDE : éloigner les parents, amis, proches et militants du glaive de la justice, et pousser les autres coupables en enfer carcéral.
 
Mais le citoyen Pape Alé Niang, lui, peut être l’objet d’une persécution crypto-personnelle décidée par quelques pontes habités par une soif de revanche contre un journaliste libre et courageux. Bravo à tous les monstres, grands, petits et moyens, ainsi qu’à ceux des Sénégalais et Sénégalaises qui les soutiennent simplement parce qu’ils préservent leurs intérêts matériels et ceux de leurs familles, parce qu’ils leur donnent du travail et leur octroient des marchés publics, parce qu’ils leur offrent pain, riz, huile, etc., parce qu’ils leur fourre dans la poche quelques espèces sonnantes, parce qu’ils leurs paient leurs factures d’eau, d’électricité, de téléphone, parce qu’ils leurs facilitent le bouclage de projets économiques et financiers, parce qu’ils sont devenus leurs dieux à visage d’humain…
 
Les ministres épinglés par la Cour des comptes, de même que leurs collaborateurs indélicats et autres subalternes du festin pro-Covid19 savent qu’il ne leur arrivera rien tant qu’ils resteront dans le giron du Monstre, cette fameuse voie droite qui prémunit contre la prison et contre les représailles du cabinet noir officiant à quelques encablures d’une étroite façade atlantique longeant une tranquille corniche.

Du reste, certains d’entre eux ont déjà atterri à d’autres stations, sans doute moins appétissants en termes de saccage des deniers publics, mais où ils ont encore le temps et la sérénité de jouir tranquillement des fruits de leur vandalisme financier. Ils se verront offrir d’autres opportunités de ripailler sans limites aux frais des contribuables, on n’exigera d’eux pas plus que la soumission à l’agenda du chef. Rien à craindre, le prince est au contrôle ! Comment alors ne pas saluer une posture de résilience aussi admirable dans le vice et la fourberie ?!

La Cour des comptes semble avoir (bien) fait son travail de contrôle et de recommandations, même si certains lui reprochent - avec une bonne part de vérité - de ne pas avoir le courage d'aller au bout de ses missions si tant est qu'elle a les moyens légaux d'ester elle-même en justice contre les auteurs de ces crimes économiques qu'elle a dénichés. Au garde des Sceaux ministre de la Justice , elle a modestement montré la voie à emprunter avec l'ouverture demandée de douze informations judiciaires contre les gestionnaires indélicats. Une autre histoire de coude !
 

EDITO COMMUN : Le monstre trahit encore son serment
Sur une chaîne de télévision française en octobre 2015, Macky Sall, alors président de la République depuis 3 ans et demi, prenait l’engagement solennel suivant : « Vous ne verrez jamais au Sénégal pendant ma gouvernance, un journaliste mis en prison pour délit de presse. Les journalistes n’ont aucun risque au Sénégal. Ça, je le dis très clairement et je ne serai pas démenti. »
 
Sept ans plus tard, précisément le 9 novembre 2022, le journaliste Pape Alé Niang, directeur du site d’informations Dakarmatin.com, est raflé puis jeté en prison pour des… délits de presse. Rattrapé par l’histoire, le Président Macky Sall a bel et bien été démenti par ses propres services. En effet, c’est le procureur de la République, le bras judiciaire tout-puissant du pouvoir politique, qui a fixé les réquisitions ayant précipité l’emprisonnement de notre confrère à la prison de Sébikhotane.
 
On ne se consolera pas de constater que ce n’est pas la première fois que le Président Sall est pris en flagrant délit de violation de ses propres engagements devant le peuple sénégalais et même devant la Communauté internationale. Mais l’agression du 9-novembre contre la presse sénégalaise qui aboutit à priver de liberté un journaliste dans l’exercice de ses fonctions est autrement plus grave. Il s’agit d’une atteinte délibérée et intolérable aux droits sacrés et inaliénables que la Constitution du Sénégal, la Déclaration universelle des droits de l’homme et des Chartes internationales comme celle de Munich reconnaissent expressément à ceux et celles qui exercent le métier de journaliste. C’est clairement inacceptable !
 
 L’arrestation de Pape Alé Niang en pleine rue alors qu’il vaquait à ses occupations - violence symbolique - et la diligence avec laquelle il a été privé de liberté est une opération politique kamikaze. Son but ultime est, au pire, de neutraliser les plumes et voix encore attirées par le réflexe professionnel de fouiner dans les placards à cafards des détenteurs de responsabilités publiques, au minimum de susciter une épidémie d’autocensures et de renoncements dans les rangs de notre profession. C’est inenvisageable ! Cette tentative d’assignation à résidence du journalisme de qualité entre les geôles de la médiocrité et les souterrains pénitenciers de la révérence est un mépris et une insulte à l’endroit de tous ceux qui ont fait le serment d’informer vrai en toutes circonstances. Dans son ouvrage « La valeur de l’information », Edwy Plenel, directeur co-fondateur de Mediapart, identifie « deux éléments décisifs » qui donnent sens au journalisme : « L'obligation envers la vérité et la loyauté vis-à-vis du public. » Au regard de cela, Pape Alé Niang doit-il rester encore en prison ? NON !
 
 Cette affaire-ci est un véritable tournant porteur d’une jurisprudence fondatrice soit d’un musellement légalisé de la presse sénégalaise, soit d’un environnement de travail où les journalistes continuent de s’épanouir sous le contrôle de leurs pairs et des principes de liberté/responsabilité conformes aux fondamentaux de leur métier. Ce qui se joue ici et maintenant est donc d’une gravité exceptionnelle pour l’avenir de la presse, des journalistes, de la liberté d’information, du droit à l’information pour le public. Avons-nous encore le pouvoir d’informer les Sénégalais en toute liberté ? Avons-nous toujours le pouvoir de choisir, en toute liberté, les orientations d’une mission de service public chevillée à la défense de l’intérêt général ? Avons-nous le pouvoir de refuser les injonctions - aimables ou directrices - qui infiltrent notre profession en la caporalisant au service d’intérêts privés couverts du manteau de la puissance publique ? Les « OUI » à ces questions ne dépendent que de nous, journalistes, et de tous les démembrements du peuple sénégalais attachés aux libertés de presse et d’expression. Les « NON » aussi.
 
Les soubassements politico-revanchards qui caractérisent ce dossier puent à dix mille lieux. Leur évidence est grotesque et manifeste. Ils sont les préliminaires d’une offensive visant à réduire au silence toutes sortes de contestations de nature à mettre en cause la volonté de puissance qui sous-tend la gouvernance actuelle du Sénégal. Les puissants enjeux politiques qui pointent à l’horizon, en particulier l’élection présidentielle de février 2024, en sont LA RAISON ESSENTIELLE. Les médias encore libres en sont LES CIBLES.
 
Après avoir fait semblant de dormir, le « Monstre » a dû quitter l’état de somnolence pour reprendre du service. La violence et la détermination avec lesquelles il a fait boucler en quatre jours l’étape d’incarcération de Pape Alé Niang menace fondamentalement la profession de journaliste, mais aussi le droit à l’information des Sénégalais. Du reste, il se satisferait bien que les journalistes sénégalais se transforment en chroniqueurs de chiens écrasés, de ragots de comptoir, de faits divers spectaculaires… loin des problématiques qui structurent l’état réel du pays.
 
Mais « Le Monstre » doit se convaincre – et définitivement - que les journalistes sénégalais n’acceptent pas d’être les victimes expiatoires des dysfonctionnements de ses pratiques politiciennes. Les hommes et femmes des médias qui ont fait le choix de servir l’intérêt public général n’ont pas vocation à être les otages de concepts fourre-tout dont les finalités servent en fin de compte l’affairisme de groupuscules privés de politiciens publics. C’est rigoureusement impensable !
 
Pape Alé Niang ne méritait pas un instant de passer une seule nuit en prison. Les motifs inavoués de son embastillement relèvent de l’instrumentalisation flagrante d’une justice au sein de laquelle l’hyper-puissance d’une marionnette enchantée dénommée Parquet a décidé de réduire nos libertés à leur plus petite expression, sur ordre d’un pouvoir politique en stage d’autoritarisme. Ce ne sont pas seulement les journalistes et les activistes qui font les frais de ces dérives liberticides, c’est aussi une certaine idée de la démocratie et de la séparation réelle des pouvoirs qui est en train d’être anéantie.
 
Avant d’être assassiné par des mercenaires du régime de Blaise Compaoré, le journaliste d’investigation burkinabè Norbert Zongo écrivait en 1993 que « les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur. »
 
Pour nous Sénégalais, il est encore temps de réagir !
Libérez Pape Alé Niang !
PAN ! A bas le monstre !
CAP (Coordination des associations de presse)
 

Norbert ZONGO – L’éditorial qui doit faire réfléchir

« Les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur. Deux illustres et malheureux exemples de l’heure peuvent être cités en la matière : le Zaïre et le Togo. Ces peuples, subjugués et gémissant sous la férule de tyrans militaires, ont malheureusement leur part de responsabilité dans le drame qu’ils vivent.
 
En Afrique, la compromission des peuples s’effectue à 3 niveaux :
 
Le 1er niveau est constitué d’intellectuels opportunistes qui se servent de leurs connaissances livresques pour aider les dictateurs à donner un contour idéologique et politique à leur tyrannie…
 
Le tyran peut voler, tuer, emprisonner, torturer… il sera défendu, intellectuellement réhabilité par des « cerveaux » au nom de leurs propres intérêts. Résultat : la plupart de ces intellectuels finissent par s’exiler, ou sont froidement exécutés ou « se suicident » en prison. Les plus heureux sont ceux qui sont dépouillés de leurs biens et de leurs privilèges avant d’être jetés en pâture au peuple… Un tyran n’a pas d’amis éternels.
 
Le 2ème niveau est constitué par les opposants de circonstance.
 
 Ils se battent et entraînent des hommes sincères avec eux avant de rejoindre l’ennemi d’hier, avec armes et bagages, surtout avec la liste des opposants sincères. Résultat : ils bénéficient des grâces du tyran pendant quelques temps avant d’être éjectés, emprisonnés ou tués… Un dictateur n’a confiance en personne, surtout pas en un ancien opposant.
 
Le 3ème niveau est constitué des « indifférents ».
 
Les « pourvu que », la pure race des égoïstes myopes (pourvu que mon salaire tombe, pourvu que je n’aie pas d’ennuis, pourvu que rien n’arrive à ma famille…). Comme nous le disait un brave ami togolais dans les années 1980 : « pourvu que les bateaux continuent de venir au port, Eyadema peut faire ce qu’il veut. On le laisse avec DIEU » – notre ami est actuellement réfugié à Cotonou et les bateaux mouillent toujours au large de Lomé.
 
Résultat : personne n’échappe à une dictature lorsqu’elle s’installe dans un pays.
 
Comme le dit la sagesse populaire, chaque peuple a le régime qu’il mérite. Et chaque compromission avec une dictature est toujours payée au prix fort. La règle ne souffre pas d’exception. »
Norbert ZONGO, « le sens d’un combat », in L’Indépendant, « Edito N° 00... du 03 Juin 1993.

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