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EDITORIAL
Diaspora, la suite des dérives sans fin du président par défaut
Par Momar Dieng
Quinze députés supplémentaires pour une institution maladivement incompétente et vassalisée ! Il faut être dans la tête du président Macky Sall pour appréhender mieux cette folie politicienne de plus à l’intérieur d’un mandat piraté avec des armes non conventionnelles : dissimulation, mensonge, reniement. Que faire avec 165 « représentants du peuple » lorsqu’avec 150 les Sénégalais sont quasi unanimes à considérer que l’assemblée nationale ne sert à rien du moment qu’elle refuse d’assumer les prérogatives que lui assignent les lois de la république ?
 
Il y a un dans la conduite du processus électoral la prédominance d’un principe, celui d’une volonté de puissance sans limites d’un pouvoir qui passe en force sur tous les grands dossiers d’essence démocratique, qui recule dès qu’il se voit traiter de dictateur unilatéraliste dans la gestion d’un « patrimoine » national. Le reniement du président de la république sur la réduction de son mandat a été le signe annonciateur d’une fuite en avant institutionnalisée. Macky Sall est décidément mal à l’aise avec la gouvernance démocratique : pas surprenant au regard de certains de ses faits d’armes…
 
Elucubrations de flibustiers
Les élucubrations ressassées par les flibustiers qui défendent l’inflation parlementaire exhibent souvent le cas de la Côte d’Ivoire pour meubler leur argumentaire. Et c’est pour dire que ce pays a jugé nécessaire d’augmenter le nombre de ses députés en tenant compte de son poids démographique. C’est vrai. Mais leur démonstration s’arrête au milieu de la Lagune Ebrié.
 
En poussant la comparaison jusqu’au bout de leur logique, on s’aperçoit que des facteurs pertinents sont volontairement ignorés. Primo, la Côte d’Ivoire a une population qui double presque celle du Sénégal – 24 millions d’habitants contre 13 millions. Deuxio, ce pays a une superficie largement supérieure à celle de notre pays – 323 mille kilomètres carrés contre 197 mille. Tertio, ce pays est largement plus riche et plus avancé que le Sénégal, si tant est que cet élément doit être un critère à prendre en compte. Où est l’erreur ?
Autre exemple : la France. Avec presque 66 millions d’habitants, elle ne compte que 11 députés (pour 11 circonscriptions hors de France) et 12 sénateurs pour représenter 1 million 69 mille 813 Français de l’étranger. On pourrait bien multiplier les cas contradictoires avec les affabulations que l’on entend ici…
 
Passons sur les enfantillages mesquins et peu dignes d’intérêt tendant à mettre à mal nos compatriotes avec ceux qui désapprouvent la mesure adoptée par l’assemblée nationale. Parlons donc politique pour dire que cette initiative lancée en procédure d’urgence par le gouvernement et défendue par le ministre de l’Intérieur est une entreprise de captation (espérée) des suffrages de nos compatriotes disséminés à travers le monde.
 
Caprices et pressions de cour
D’une certaine manière, cette croissance exponentielle des députés de l’extérieur est pour le pouvoir une soupape de sécurité en cas de coup dur au niveau local lors des législatives de cette année ( ?). En partant du principe qu’il est allé plusieurs fois, depuis 2012, à la rencontre des Sénégalais hors du pays, le chef de l’Etat s’est installé dans une posture optimiste qui lui fait croire que les suffrages de ceux-ci lui sont d’ores et déjà acquis. C’est le fondement politicien de ce jeu à quinze. Le reste ? Des fariboles enlacées dans des discours creux. Ce pouvoir n’est sûr de rien, en dépit de tout !
 
Comme sur d’autres sujets, Macky Sall a cédé à la fois aux pressions de sa cour et à ses caprices personnelles de président par défaut. Cette loi qui attribue 15 députés aux Sénégalais de l’extérieur est une hérésie innommable qui reflète le rapport particulier que nos gouvernants actuels entretiennent avec le phénomène du pouvoir. Elle est une expression des dérives inaugurées en 2012, celles d’un pouvoir qui a fait de l’aveuglement et de l’arrogance sa boussole. Elle vient encore alourdir les charges financières et matérielles que la communauté nationale est contrainte de supporter par des politiciens alimentaires. Les alliés Ps, Afp, Ld, Pit et tutti quanti vont encore applaudir… Mais où sont-ils au fait, ces parangons qui menaient la vie dure à Wade et compagnie ? Ils se rattrapent des jouissances manquées pendant douze ans… Il fallait y penser!
 

Sall, Allégeance à la France !
Ainsi donc, tout le monde (ou presque) a finalement déniché le ressort de la visite d’Etat du président Macky Sall en France : le Train express régional dakarois qui établit un lien entre le Sénégal et la croisade (feinte ou réelle) du gouvernement français contre la désindustrialisation dans l’Hexagone. Une visite d’Etat comme celle-ci, dans l’état de rapports de forces que l’on peut imaginer entre la 5e puissance mondiale et un pays en voie de développement, ne peut qu’être le couronnement d’un processus de vampirisation qui semble totalement débridé. Elle ne peut souffrir la moindre ambiguïté quant aux devoirs qui incombent à chaque partie: au dominant, au dominé.
 
Depuis son arrivée au pouvoir, la gouvernance de Macky Sall est imbibée par deux marqueurs indélébiles : son reniement fondamental du 16 février 2016 qui renvoyait au diable un engagement solennel de réduire son mandat de sept à cinq ans ; et son inclinaison manifeste vers le système d’affaires français. Il est l’Homme de la France au Sénégal.
 
Le (futur) TER sénégalais, au-delà de l’attribution du marché de sa construction à des entreprises hexagonales, est comme l’aboutissement d’un cheminement entre deux hommes dont il n’était pas prévu – par les oracles de la politique - qu’ils exerceraient le pouvoir au plus niveau : François Hollande et Macky Sall. Le premier en aura bientôt fini avec l’Elysée d’ici à cinq mois, le second n’est pas encore certain de rempiler pour un second mandat en dépit d’un investissement personnel qui frise l’obsession.
 
En acceptant de se mettre très tôt sous l’aile protectrice de la France, le président sénégalais a dû en payer le prix fort. Concrètement, il a fait allégeance à la Gaule pour espérer en jouir à sa manière. Politiquement, militairement, économiquement, il a pris le parti de la France en sacrifiant bien trop souvent les intérêts intrinsèques du Sénégal.
 
Cette démarche est patente à trois niveaux au moins: l’alignement systématique du Sénégal sur les positions de Paris dans les grands dossiers internationaux, notamment au Conseil de sécurité des Nations-Unies, l’implantation gratuite et durable des bases militaires françaises dans notre pays, les pressions sénégalaises sur les pays de la Cedeao en faveur de l’adoption de l’accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne.
 
Pour Macky Sall, cela s’appelle peut-être réalisme ou nécessité en rapport avec son agenda politique.
Mais au fond, il a fait le choix d’une perte d’indépendance assumée. C’est son problème, c’est aussi le nôtre.
 

Le purgatoire, en attendant le rebond ( ?)
Par Momar DIENG
 
En politique, les meilleurs, ceux que l‘on désigne comme les plus brillants sur la base d’un certain nombre de critères à cheval entre le «bien» et le «mal», ceux-là ne sont jamais assurés de rester longtemps au pouvoir, ni même, auparavant, d’y parvenir. La preuve sous nos yeux depuis cinq ans. On ne dira pas d’Idrissa Seck qu’il incarne un bien déterminé ou un mal quelconque, on constate en même temps que beaucoup de Sénégalais, que ce Thiessois a un talent politique incontestable. Bien loin devant ses amis et adversaires, au-delà de ce qui serait une moyenne.
 
La politique ne sera jamais une science exacte, celle qui nous contraint d’accepter par exemple que 1+1=2 et pas à 3. Mais en pratique, elle exige un «minimum syndical» en dessous duquel descendre se transforme en un processus suicidaire irréversible, même si rien n’est écrit d’avance. Entre 2000 et aujourd’hui, l’histoire d’Idrissa Seck, entre prestige, descente aux enfers, résurrection, solitude, tentative de reconstruction, est un condensé encyclopédique qui trouverait sa place dans la célèbre collection «(…) pour les nuls !»
 
Du pouvoir au purgatoire, il sera passé par toutes les émotions possibles, quoi qu’il arrive désormais. Décideur, il l’a été pour le pays, le rythme battant au cœur de l’Etat, au service des ambitions d’Abdoulaye Wade et des siennes propres. Prisonnier, il a goûté aux affres de Rebeuss pour des chefs d’inculpation qu’une justice aux ordres annulera sans états d’âme. Libre de ces contingences, il doit affronter autant les trahisons de très proches collaborateurs, que les conséquences évidentes de son style dirigiste et autoritariste, pour ne pas dire stalinien.
 
En politique et en politique seulement, Seck est dans la posture du suprémaciste qui exerce une main de fer implacable sur les hommes et sur l’appareil politique au service de ses ambitions. Cela lui vaut des déboires sans fin, sans cesse renouvelés, sous des formes différentes, dont profitent les pouvoirs en place. Mais y aurait-il d’autres moyens de survivre aux manœuvres de démantèlement des organisations politiques adverses auxquelles se livrent les gouvernants en place, qui plus est, dans l’environnement corrompu qui caractérise le paysage politique sénégalais ? Comment survivre autrement qu’en exerçant l’autorité nécessaire sur son parti face à une promesse aussi solennelle que «réduire l’opposition à sa plus simple expression» ?
 
Pour Idrissa Seck comme pour tous les autres, il y a une leçon essentielle à tirer des joutes politiques en vigueur depuis l’indépendance : c’est la nécessité de démocratiser le fonctionnement des partis politiques qu’ils dirigent pour qu’ils cessent d’être des officines privées orientées vers la consécration d’ambitions purement personnelles. Macky Sall a vécu ce déni de démocratie interne au Pds, Idrissa Seck aussi, toujours au Pds, de même que Moustapha Niasse au Ps. Tous trois ne sont pas loin de la posture du bourreau dans leur parti respectif. C’est qui les dindons de ces farces ?

 

Urgences signalées !
L’assassinat de la vice-présidente du Conseil économique, social et environnemental est un pas de plus dans la manifestation quotidienne des maux qui gangrènent le Sénégal. La commission d’un meurtre avec un tel sang-froid et une franchise aussi entière doit nous faire peur à tous. Mais pas seulement. Cet acte barbare et ignoble est en soi et à lui seul une véritable encyclopédie qui renseigne sur le degré de violence physique dont chacun de nous est capable à un  moment ou à un autre, ici et maintenant, dans des circonstances bien déterminées.
 
Notre tissu social n’est pas encore désagrégé, mais il en prend le chemin, inéluctablement. Les ressorts moraux traditionnels qui font office de soupape de sécurité à notre bien-être commun volent de plus en plus en éclat, implosés au contact des dieux-déesses des choses qui nous contraignent aux démesures permanentes.
 
Les valeurs religieuses essentielles et fondamentalement salvatrices qui nous tendent les bras à chaque lever de soleil sont outrageusement concurrencées par la puissance déclamatoire et corruptrice d’une certaine conception de la vie qui nous convie sans relâche à l’autodestruction. Celle-ci nous fait privilégier la sur-dominance du paraître, des ors, des paillettes, du clinquant, élevant la satisfaction de besoins personnalisés au-delà même de Maslow.
 
Le meurtre de la conseillère économique et sociale est donc une alerte supplémentaire contre l’hécatombe sociétale qui nous guette depuis belle lurette. En vouloir à l’auteur du méfait, c’est bien, c’est salutaire. Le juger et le condamner s’il est reconnu coupable de ce meurtre injustifiable, c’est nécessaire. Mais s’arrêter à cela une fois que l’émotion sera enterrée – et elle sera enterrée – ne fera que nous replonger dans l’état de nature qui a rendu possible ce crime, en attendant la prochaine douleur.
 
Nous sommes aujourd’hui en face d’exigences de natures diverses qu’il nous faut assumer pour notre salut commun. Laisser ces travaux d’Hercules aux politiques est le plus sûr moyen de nous dérober de nos responsabilités individuelles et collectives. Car, au rythme où évolue notre pays, l’urgence d’un contrat sociétal revisité de fond en comble paraît une nécessité vitale. Et encore, gaz et pétrole ne sont pas encore sortis de l’océan ! Pensée pieuse pour celle qui vient de quitter ce monde. Paix à son âme.

 

Et nos Trumpitudes à nous ?
Trump par-ci, Trump par-là. Trump partout et nulle part. On l’a traité de tous les noms d’oiseau: sociopathe, misogyne, sexiste, raciste, vulgaire, etc. Il aura bien mérité toutes ces caractérisations, car ce milliardaire iconoclaste a été l’animateur principal de la campagne électorale la plus violente et la plus dégueulasse de l’histoire politique des États-Unis d’Amérique.

Ses saillies contre les Musulmans, les Mexicains et les Immigrés, peuvent être considérées comme ignobles et irresponsables de la part d’un homme qui va être, à partir du 20 janvier 2017, l’un des dépositaires de la stabilité d’un monde en total délitement. Les électeurs de la première puissance mondiale l’ont voulu ainsi, il en sera ainsi.
 
Mais de quoi parlons-nous en réalité ? De la personnalité de Donald Trump, de ses écarts, de ses frasques ? Soit. Mais soyons équitables et concentrés sur nos propres tares. Sénégalaises, celles-là. Il n’est pas certain que notre classe politique, notamment gouvernante, soit plus inattaquable que le magnat new-yorkais. Combien sont-ils, nos dirigeants qui, sans travail ni héritage, deviennent multimillionnaires et plus souvent milliardaires en dormant sans que la justice ne s’intéresse aux moyens d’acquisition de leur fortune subite ? Combien sont-ils, nos politiciens brigands qui jouissent d’une impunité à toute épreuve quoi qu’ils fassent hors la loi parce qu’ils sont dans le pouvoir, ou parce qu’ils appartiennent à la «famille régnante», hier comme aujourd’hui ? C’est quoi cet État partisan qui peut tout se permettre au-dessus des lois en vigueur, au mépris de toutes les juridictions mises en place pour contrer les abus de pouvoir ?
 
On peut bien s’attaquer à Trump, mais lui ne pourra jamais être au-dessus des lois américaines. Cet homme d’affaires est condamné à se « normaliser » pour être en mesure de gouverner. La plupart de ses conneries ne verront pas le jour en pratique.

C’est un politicien qui a su comment entrer au Bureau Ovale de la Maison Blanche. Pire, en raison de certaines casseroles qu’il traînerait, en particulier au plan fiscal, il n’est même pas exclu qu’il soit l’objet d’une procédure d’impeachment ou de quelque autre tracasserie judiciaire durant son mandat. Imaginons-nous sérieusement cela ici, à Ndoumbélane ?
Trump par-ci, Trump par-là. Trump partout et nulle part. Un diable que tous les chefs d’État et de gouvernement de la planète rêvent de saluer, à la Maison Blanche ou ailleurs, furtivement ou formellement. Il y a du boulot chez nous !
 
 

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