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EDITORIAL
QATAR-GATE: Naufrage et déchéance
Le charme avec les délinquants financiers, c’est qu’ils s’entendent très souvent pour régler leurs contradictions entre eux. S’ils n’y parviennent pas, il y a encore d’autres délinquants comme eux,  qui viennent leur imposer la trêve. Toute ressemblance avec une certaine réalité serait purement fortuite.

Où va le Sénégal quand son plus haut dirigeant est capable de parrainer, dans une opacité aussi extraordinaire que complice, une entreprise de dévastation de notre souveraineté nationale ? Où va le Sénégal quand le Ministre de la Justice d’un pays tiers, le Qatar, attend sagement à bord d’un Jet privé que lui soit remis en mains propres un citoyen sénégalais condamné à une peine de prison ferme et à une amende de 138 milliards de francs Cfa ? Dans quel Etat sommes-nous pour qu’un tel scénario soit possible, à des heures impossibles, qui plus est ?
Honte. Indignité. Impotence. Tous les superlatifs, en français et en arabe, ne seraient pas de trop pour traduire un sentiment national issu de ce deal international qui rend sa liberté à un prisonnier manifestement coupable de la plupart des faits qui ont justifié que le glaive de notre justice s’abatte sur lui et ses supplétifs escrocs.

Karim Wade ? Un affairiste parvenu aux cimes par la force du sang. Sans grande conviction que celle tournant autour de son égo. Incapable de rébellion, il a étalé, par sa soumission joyeuse aux «conditions» draconiennes de son exfiltration au Qatar, son statut de piètre politicien dépourvu d’envergure et d’ambition.

Le caractère grotesque et rocambolesque de cette affaire – un vrai navet avec des acteurs glacés par la lourdeur des ânonnements présentés comme justificatifs - est une insulte gratuite à l’intelligence de nos compatriotes, une atteinte au bon sens naturel qui nous est commun, presqu’un déni de notre statut d’humain, de roseau pensant, pour citer Pascal. On a même entendu le directeur de cabinet du chef de l’Etat dire sans ambages, tout en arrogance : «le Président n’a aucune explication à donner». S’il le dit, c’est peut-être vrai.

Invisible, inaudible, reclus dans son palais, le Président ne fait preuve de courage ni dans un sens, ni dans un autre, ne laissant paraître qu’un grand mépris pour tous ses compatriotes légitimement troublés par ce QatarGate plutôt gênant pour un adepte de la sobriété et de la vertu. Par son refus obstiné d’orienter sa gouvernance dans le sens de l’Histoire, il s’est forgé une belle réputation : abonné aux renoncements. Dans cette bataille «mortelle» qu’il s’est imposé face à un Karim Wade désormais exilé au Qatar, Churchill aurait pu être son mentor en stratégie. «On ne gagne pas des guerres avec évacuations.» C’était l’opération Dynamo à la bataille de Dunkerque, en juin 1940… Après le mandat chipé, la libération de Karim Wade, à quand le prochain renoncement du président Sall si tant est qu’il n’y a «jamais deux sans trois» ?
 

Référendum du 20 mars 2016 - De quoi le "NON" est-il le nom ?


Dieu Seul sait ce que seront les résultats du référendum du 20 mars prochain. Ce qui paraît certain par contre, c’est que les tenants du «Oui» éprouvent d’énormes difficultés à asseoir un argumentaire pertinent qui réponde aux grosses nébuleuses contenues dans le projet de référendum, au plan politique, économique et sociétal. Leur ligne de conduite consiste à brandir quelques concepts comme «révolution», «grande avancée», «réforme consolidante» et autres charabia linguistique. De temps à autre, ils sont renforcés dans leur rhétorique par les généralités de quelques mercenaires officieux de la «politologie» locale ombilicalement liés à des lobbies économiques de la place et dont certains représentants crèchent à la présidence.
Bien évidemment, il ne faut pas être dupe du jeu politicien auquel se livre une certaine frange de la classe politique que le peuple sénégalais a renvoyée à la galère d’opposition au lendemain de la présidentielle de 2012, et qui semble compter sur l’amnésie dont souffrirait l’électorat sénégalais pour revenir un peu plus vite que prévu au pouvoir.
Mais si cette opposition là rebondit aujourd’hui et se positionne en porte-parole des populations, si elle se fait entendre, si elle n’est pas huée dans les artères de la capitale, si le discours qu’il tient accroche et séduit une certaine cible de la population, c’est qu’il y a des raisons qui lui en ont donné la force. Et on en revient à cette tâche ineffaçable qu’a été le reniement du chef de l’Etat sénégalais. De là, découle l’aura d’un «Non» substantiel dont seules les urnes détermineront la portée et la puissance.
 
Le peuple souverain
Le «Non» n’est pas une posture du diable. Il est affirmation et expression de la souveraineté inaliénable du peuple souverain du Sénégal contre les coteries institutionnelles manipulées par des pouvoirs occultes. Il est un refus contre le je-m’en-foutisme de politiciens soucieux en permanence de s’affranchir des règles de bonne conduite démocratique et morale établies, contre le relativisme que les hommes politiques attachent à leurs serments républicains. C’est une vraie réforme de nos mœurs politiques : tout en respectant la légalité qui sied au mandat intégral du chef de l’Etat le mieux élu de l’histoire électorale de notre pays, il combat la ruse, l’autoritarisme et l’envie solitaire de conduire le pays dans des réformes dites d’envergure.
Le «Non» est une dénonciation de cette propension virale du Président de la république et de son pouvoir à placer l’étalon argent au cœur de la Politique. Comment appeler autrement que corruption active ce procédé qui consiste à acheter les votes potentiels des électeurs, dans un environnement pollué par la pauvreté et la misère ? On croyait avoir dépassé cette exposition débridée d’argent et de produits alimentaires au-dessus de la dignité des gens, on constate que le pire est sous nos yeux !
Le «Non» est un réquisitoire contre une télévision nationale style Pravda entièrement dédiée à véhiculer la pensée unique découlant de la «vision» du prince vénérable. Une télévision du service public dont le Directeur général n’a pas honte de dire, pour sa défense, que le programme des manifestations de ses adversaires d’en face sur le référendum n’a pas été déposé sur son bureau !
 
Transparence
Le «Non», dans la substance qu’il porte, est vecteur de transparence et d’honnêteté. Par exemple, concernant l’homosexualité, le problème n’est pas que le Président Sall le légalise ou pas, car le ferait-il qu’il décréterait sa propre mort politique. Le débat est donc ailleurs sur ce point : il est dans l’opacité qui entoure ce qui est écrit dans le projet de référendum : «la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens : droits à un environnement sain, sur leurs ressources naturelles et leur patrimoine foncier.»
La question primordiale est de savoir si cette liste (ultra-courte) est définitivement limitative ou non. Le Président de la république n’en dit rien en dépit de ses multiples interventions, les interprètes de sa «pensée» encore moins. Ne donne-t-on pas ainsi à des organisations de la société civile sénégalaise dont la sympathie pour les causes homosexuelle et lesbienne est avérée, une base juridique qui leur permettrait de réclamer demain des «droits inaliénables» pour cette catégorie de citoyens ? Qu’en disent les chevaliers du président ? Rien, où presque, alors qu’ils auraient pu suggérer que ces «nouveaux droits» constitutionnalisés soient strictement encadrés par des lois clairement écrites. 
 
«Slogans-gadgets»
Le «Non» est une alerte contre ce discours rassurant et tranquillisant qui placerait le Sénégal dans une situation post-démocratique, comme une personne riche le serait sur la pyramide des besoins de Maslow. Nous sommes en 2016, sous la gouvernance d’un Président de la république qui, quatre ans auparavant, avait retenu l’attention de son peuple, l’avait regardé droit dans les yeux pour lui faire la promesse suivante : je réduirai mon premier mandat de sept à cinq ans.
Ce type de volte-face, d’ailleurs défendu sans conviction devant les caméras de «sa» télévision, n’est pas acceptable dans une démocratie, encore moins lorsqu’il est  gonflé par des slogans-gadgets du genre : «renforcement des droits de l’opposition », «augmentation du nombre des membres du conseil constitutionnel», «élargissement des pouvoirs de l’assemblée nationale», etc. C’est pourquoi, il faut décourager hic et nunc les petits malins qui, dans le pouvoir comme l’opposition, seront un jour tentés de recourir au forcing pour assouvir leurs «ambitions nocturnes». D’où cette question de fond qui résulte de la précipitation suspecte avec laquelle le chef de l’Etat est passé aux actes : pour qui travaille réellement Macky Sall ?

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