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EDITORIAL
CONSTRUCTION D’AUTOROUTES: Macky Sall prend la grosse tête !

En inaugurant ce lundi 24 octobre l’ouverture de l’autoroute à péage Diamniadio-Aibd-Sindia, le président de la république ne s’est pas privé de s’en prendre, sans avoir l’air d’y toucher, à l’absence significative de grands projets infrastructurels des régimes Senghor à Wade en passant par Diouf.
 
« De l’indépendance à 2012, soit en 52 ans, le réseau autoroutier du Sénégal était de 35 km, entre Dakar et Diamniadio », a souligné le chef de l’Etat. « Nous en avons rajouté 36 km en 4 ans avec la réalisation des tronçons Diamniadio-Aibd (17 km) et Aibd-Sindia distant de 19 km. »
 
Si ce n’est pas une critique, cela y ressemble. Cette déclaration présidentielle est au moins une façon de mettre en évidence ses propres réalisations en termes d’infrastructures. En même temps, elle jette l’anathème sur les carences accumulées par les gouvernants socialistes dans ledit domaine au cours des 40 ans de leur magistère.
 
Plus surprenant est la pique lancée contre Abdoulaye Wade alors que ce dernier est celui qui a fait prendre au Sénégal le virage stratégique vers les gros investissements sur les infrastructures. Lui-même, Sall, a été l’exécuteur des premiers chantiers du régime libéral.
 
En politique, comme dans beaucoup d’autres domaines, les circonstances historiques peuvent être surdéterminantes. Il faudra donc bien rappeler – en toute objectivité - que c’est Abdoulaye Wade qui est à la base de la construction de l’autoroute Patte d’oie-Diamniadio – dans des termes d’ailleurs parfaitement scandaleuses au profit de l’entreprise Eiffage-Senac. C’est Wade qui est également à la base de l’érection de l’aéroport international Blaise Diagne, une infrastructure que Macky Sall a héritée et qu’il a d’ailleurs beaucoup de mal à finaliser pour diverses raisons. Alors, on se demande ce que l’actuel président de la république aurait pu revendiquer de concret sans les jalons posés par ses prédécesseurs.
 
L’Etat est une continuité, dit-on. Il ne sert à rien donc de revendiquer de manière aussi adroite (sic), en public, des choses sauf à vouloir prendre l’opinion à témoin sur ses propres compétences, elles-mêmes très souvent remises en cause par des adversaires politiques et de larges secteurs de la vie publique. Ceci expliquerait cela.
 

L’instinct de répression
Le président de la république doit être fier d’avoir fait réprimer avec une violence suspecte une marche des partis d’opposition « autorisée » par les services du ministère de l’Intérieur, le vendredi 14 octobre 2016 dernier. Fier d’avoir rendu possible que des grenades lacrymogènes ultra-suffocantes soient systématiquement balancées et en grand nombre sur des citoyens sénégalais désireux d’exercer de manière pacifique des droits légaux et constitutionnels. Fier d’avoir contribué à faire couler le sang de citoyens sénégalais ni armés ni comploteurs contre l’ordre public. Fier d’avoir donné au monde entier, à travers les médias classiques et les réseaux sociaux, une si dégradante image de la démocratie sénégalaise, de la conception qu’il a lui-même de la démocratie.
 
Fondamentalement, Macky Sall est incapable de s’extirper de la logique du rapport de forces  dans laquelle il s’est enfermé depuis son arrivée inattendu au pouvoir. Il faut s’y habituer. Cette logique a installé dans son Moi un mécanisme de répression brutale de l’adversité qu’il considère consubstantiel à la pérennité de son pouvoir. La brutalité gratuite dont sa police a fait montre à l’endroit de Sénégalais munis de slogans et de pancartes est la réponse d’une autorité consciente des incompétences soulevées par sa gouvernance.
 
Quel but visait le chef de l’Etat en réprimant une manifestation politique naturellement pacifique, même si les divergences ont persisté jusqu’au bout sur l’itinéraire de la marche ? La mort d’homme (ou de femme) pour décourager définitivement toute initiative populaire qui ne serait pas soumise au giron de son régime ? La rancune l’aurait-il poussé à faire payer à « ces gens là » l’outrecuidance d’avoir dit haut et fort qu’il y a eu des soupçons de magouille et de corruption dans certains contrats pétroliers signés par ses soins ?
 
Cette marche réprimée dans le sang assoit encore plus la thèse selon laquelle le président de la république fait face à une vraie défiance populaire avec laquelle il va devoir composer. Patiemment, il organise le recul des acquis démocratiques et populaires du peuple sénégalais, se mettant à contre-sens de la marche de l’histoire. C’est l’instinct de répression, ersatz du forcing électoral de 2002 à Fatick, qui a prévalu. Cette violence sans cause est entrée dans le livre d’histoire des libertés publiques au Sénégal. Ses mots de désolation prononcés au lendemain des violences policières resteront comme des aveux…
 
 
 

Femme de pouvoir !
 
A entendre et à écouter tout ce qui se dit sur Marième Faye Sall, la question qui fâche s’impose : qui gouverne le Sénégal ? Il y a une certitude, c’est Macky Sall que les électeurs sénégalais ont élu à la présidence de la République. Mais une incertitude émerge en parallèle : que sont les véritables pouvoirs de la première dame du pays ? Entre réalités, fantasmes, supputations diverses, passions intéressées, démêler le vrai du faux par rapport à la vraie place de la Saint-louisienne dans la gouvernance du pays est un exercice à risques.
 
Cependant, les éléments d’enquête rapportés et récoltés à différentes sources se recoupent de façon si coordonnée que l’on en vient à tirer une conclusion : Marième Faye Sall n’est pas du genre à se suffire des aspects strictement protocolaires de sa fonction. Elle est dans l’action politique derrière les paravents officiels qui fixent les prérogatives. Son histoire avec le président de la République, l’extrême dureté du conflit avec les Wade, les années de disette financière et de solitude, la traversée du désert ont permis au mari de devenir président de la République. Elles ont aussi fondamentalement structuré ce que devaient être la place et l’influence de l’épouse dans la gestion du pouvoir. Le symbole de la «puissance» de la dame, c’est cette séance inédite de coaching à laquelle elle soumet son homme afin de le préparer à un tête-à-tête redouté et périlleux avec l’ogre Wade. C’était en 2008.
 
Depuis quatre ans et plus, celle «sans qui Macky Sall n’existerait pas» incarne une gouvernance de l’ombre, étendant ses tentacules aux quatre coins du palais de la République, surveillant les nominations qui ont du sens pour elle, refoulant à la périphérie ceux et celles qui ne serviraient pas les intérêts de son mari (et les siens), promouvant ses fidèles et courtisans là où elle pense tirer le meilleur d’eux. La famille est venue l’entourer. Des journalistes aussi. Et les affaires ont sans doute prospéré. Le pouvoir doit bien servir à quelque chose…
 
 

La sclérose des acteurs et des attitudes va s’amplifiant dans l’arène politique sénégalaise. Et le pire, c’est que le fameux bout de tunnel que tout un chacun s’efforce d’entr’apercevoir à chaque séquence politique est carrément invisible. L’impotence et les incompétences accumulées du pouvoir qui est dans les affaires depuis près de cinq ans n’a d’égal que les tactiques insignifiantes d’une opposition inaudible et qui, trop souvent, vadrouille dans des postures inconséquentes.
 
Le langage du forcing permanent soutenu par une administration publique partisane et soumise est devenu l’arme favorite du président de la République, en toutes circonstances. Farce virale de l’été sénégalais, le «dialogue national» a fini en eau de boudin quand ses parties prenantes d’opposition ont bien voulu constater qu’ils étaient tombés dans un attrape-nigaud dont l’objectif était juste de rafistoler l’armure dégradée et décatie de Macky Sall après «son» référendum remporté de très haute lutte !
 
Aujourd’hui, alors que les élections législatives apparaissent comme la prochaine grande bataille politique, on est bien en devoir de nous interroger sur la qualité de la «marchandise» que les appareils des partis et coalitions prévoient de nous fourguer comme projets pour le présent et pour l’avenir.

Un Président manifestement impréparé en 2012 nous coûte les yeux de la tête aujourd’hui – et ce n’est pas fini. Une opposition éclatée en factions qui font mine d’être ensemble et qui sont capables de trahison à chaque cycle, désespère une bonne frange de l’opinion. Entre ces deux extrêmes, le radicalisme salutaire d’Ousmane Sonko pourrait avoir imposé un modèle d’opposition de qualité dont la fraîcheur, la pro-activité et l’acuité des perspectives posées en débat public ne pourraient que consolider la démocratie sénégalaise.
 
Malheureusement, le Sénégal est en panne d’institutions crédibles en mesure de supporter les tendances démocratiques et patriotiques qui vont s’affirmer de plus en plus dans les espaces de la cité. Une dynamique qui menace directement les gouvernants actuels emmurés dans des certitudes fragiles alimentées par les illusions d’une croissance plus pluviométrique que structurante dans ses fondements. 

 

Le failli et la baïonnette !
Cela ne fait plus aucun doute : notre Président a fait faillite. Politiquement. Moralement. Personnellement. Et plus gravement encore que ce que l’on peut en dire ! Ce ne sont pas les litanies sur les «réalisations grandioses» de son gouvernement, ni les fanfaronnades de la cour, ses obligés autour d’une gouvernance proprement hallucinante de carence qui changeront la donne. Clairement, cet homme n’a visiblement pas l’envergure et les capacités pour diriger ce pays à l’abri des clans et des lobbies d’influence.
 
Ses limites objectives (où celles de ses collaborateurs), percevables dans les jeux de yoyo auxquels il nous a habitués, ont déjà coûté plusieurs dizaines de milliards de francs Cfa aux finances de l’Etat. Clairement, sa gouvernance chaotique et ombrageuse est un contre-modèle fondamental dont une République et un Etat soucieux de principes de justice et d’équité ne pourront jamais s’accommoder. Clairement, sa propension à favoriser les membres de sa famille et à protéger ses amis en font un adepte irréductible du principe partisan. Quand on est capable d’offrir une promotion imméritée à une personne inculpée et en attente de son jugement, on ne laisse pas tomber les siens quoi qu’ils fassent. Mais les autres, adversaires radicaux comme Ousmane Sonko, il les fait passer à la baïonnette de «ses» décrets… A qui le tour ? 
 
Aujourd’hui, nous sommes en droit de nous poser des questions sur la trajectoire du Président, ses objectifs immédiats et futurs, ses réseaux d’amitiés et de soutien d’ici et d’ailleurs… Pourquoi ? C’est simple : voir un chef d’Etat «muter» aussi radicalement au contact du pouvoir politique suprême n’est pas anodin. Sa nervosité légendaire n’était pas inconnue de tous, de même que son autoritarisme fiévreux. Ce qui semble nouveau, c’est son aptitude mécaniquement réfléchie à «gérer» ses dossiers avec des états d’âme à géométrie variable. Le tout, entre des tentatives forcées de sourire en coin, une allergie inquiétante à la critique qui dérange, des silences prolongés…
 
Heureusement, en arrivant au pouvoir, il connaissait ses faiblesses. Une vigilance et un réalisme qui l’ont aidé à dompter le trio infernal de vieux briscards à l’origine de la décadence du plus vieux des partis politiques sénégalais, aujourd’hui sans plus aucune perspective de grand large. Il y a réussi au-delà de toute espérance. Il était une fois notre Président…

 

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