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EDITORIAL
Le père-fouettard et les libertés
La mauvaise foi des politiciens est légendaire sous nos cieux. Quand ils sont en quête du pouvoir, ils sont presque des anges, des espèces rares nourries à la sève bien agréable des principes démocratiques universels. Ils sont alors des parangons invétérés de la liberté d’expression, de réunion, de rassemblement, fustigeant les moindres incartades de leurs adversaires régnants.

Euphoriques et stoïques en attendant leur heure de gloire, ils promettent monts et merveilles, y rajoutent même veaux, vaches, cochons, zèbres au point que le peuple, conquis par tant de conviction affichée, se mette à rêver du Grand soir. Aux premières heures du pouvoir nouveau, les masques tombent car la ficelle était un peu trop grosse, la déception, pas moins.
 
Les éléments de duplicité auxquels s’est habitué à recourir le régime en place sont la marque de fabrique déposée d’un président précaire pour qui inaugurer à tour de bras des infrastructures (à travers des marchés publics minutieusement attribués) suffit à solder les comptes politiques et moraux d’une gouvernance calamiteuse sous plusieurs angles. Il nous avait promis une ère nouvelle de libertés, il s’est surpris lui-même à être un père fouettard ostensiblement réfractaire à l’expression minimale de ces mêmes libertés dans l’espace public.
 
Faire voter une nouvelle Constitution par une frange minoritaire de l’électorat national, y célébrer des droits nouveaux formels pour les citoyens, proclamer le droit des populations sur les biens de leurs terroirs, ce n’est pas franchement accomplir une œuvre de Sisyphe surtout si, en amont, le reniement d’une grande promesse justement liée au…Grand soir en a été le fil conducteur. 
 
Au fils des temps et des occasions manquées, les peuples semblent avoir acquis une maturité plus en adéquation avec les exigences de la bonne gouvernance et du respect des libertés fondamentales, moins perméable aux discours formalistes sans substance véritable. Ils ne veulent plus vivre à l’état de nature démocratique, ils préfèrent simplement vivre la modernité démocratique à l’état de vérité.
 
En attendant, que fait l’Etat pour rendre aux populations de Diokoul et d’ailleurs au Sénégal  les terres habitables et cultivables par lesquelles elles assurent leur dignité de citoyens à part entière ?
 

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond !
Le « Sénégal » des autorités au pouvoir est aux anges. Tout lui sourit, et à pleines dents. S’appuyant sur les indicateurs macro-économiques des organes d’études et de recherches rattachés au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, et brandissant fièrement les prévisions et constats du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, le chef de l’Etat vante, avec un réel plaisir, un pays en phase de décollage irréversible pour la station Emergence.
 
On parle de « révolution solaire et énergétique », de « renouveau productif » d’«attraction touristique », du « Train express régional »,  de « justice sociale et solidarité », etc. Les posters du Président trônent à chaque coin de rue ou de boulevard, portant chacun un slogan dédié.
 
Omniprésent sur le terrain, Macky Sall donne l’impression d’être sur une cadence infernale qui ne lui donnerait même plus le temps de faire un break pour repos. Sa propension à lancer des projets et à inaugurer sans arrêt divers types d’infrastructures ne semble pas avoir de limites, la propagande médiatique lui étant d’un secours inestimable pour rendre crédible le tableau national. Les législatives, selon ses dires, auront lieu en juillet prochain, mais lui est dans une campagne électorale ininterrompue depuis plus de trois ans.
 
Mais cet optimisme débridé que l’on dit basé sur des faits irréfutables n’est pas forcément partagé, pour peu que l’on s’éloigne du centre lucratif qui gouverne et de ses périphéries profiteuses. Il y a bel et bien, dans de larges franges de l’opinion publique, une perception divergente des initiatives et actions sociales et économiques  du gouvernement. Aujourd’hui plus qu’hier, il est dit un peu partout que « Deukeu-bi dafamacky. » Le pays ne va pas si bien que veulent le croire Macky Sall, ses ministres, ses conseillers, ses députés et autres militants et sympathisants.
 
Il y a donc un mystère à percer. Il consiste à appréhender les raisons qui pourraient expliquer cet écart d’appréciation flagrant et abyssal qui sépare la gouvernance des gouvernés. Car nulle part au monde, il n’est possible qu’un pouvoir qui revendique autant d’avancées dans la prise en charge des facteurs de bien-être social généralisé fasse l’objet d’unedéfiance aussi visible sur ce même terrain. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire sénégalaise.

C’est pourquoi nous avons jugé utile de donner la parole à un groupe de cinq personnalités d’horizons divers qui ont accepté de livrer leur point de vue sur l’équation ainsi posée. ( Momar Dieng)
 

OTD, grand seigneur dans un cul-de-sac
Inamovible. Indécrottable. Imperturbable. Ousmane Tanor Dieng, patron discret du parti socialiste depuis deux décennies, mérite respect et considération, en dépit de tout. Tenir un parti d’une nature aussi particulière, d’une histoire à nulle autre pareille, face à une adversité impitoyable, au milieu d’un pays compliqué à tout point de vue n’est pas forcément une sinécure encore moins une partie de plaisir.
 
A partir de l’an 2000 et l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir, il a bien sauvé le Ps de la disparition ou, à tout le moins, empêché qu’il soit réduit à sa plus simple expression. Les socialistes lui reconnaissent ce don du sacrifice qu’il s’est appliqué à lui-même et, comme récompense, lui ont laissé mains libres pour s’occuper de leur destin politique dans un environnement ultra-concurrentiel. Les égards pour lui peuvent se perpétuer, mais sa mission historique a pris fin. Il y a un terme à tout !
 
Les événements dramatiques qui secouent le Ps sont le résultat expressif d’un management autoritaire et d’un ras-le-bol partagé à différents niveaux du parti. A cet égard, la justification qui consiste à invoquer un fonctionnement démocratique interne est un attrape-nigaud face au verrouillage massif de toutes les instances, du sommet à la base.
 
La réalité au Parti socialiste nous paraît toute simple. Ousmane Tanor Dieng devait passer la main au lendemain de la dernière présidentielle, il en avait pris l’engagement, solennellement. Pourquoi n’est-il pas parti ? L’ampleur de ses divergences avec le maire de Dakar l’a-t-il refroidi ? Macky Sall l’avait-il convaincu de rester pour s’éviter en début de mandat une opposition incontrôlable et moins accommodante avec Khalifa Sall, Aïssata Tall Sall et une jeunesse qui peut volcanique ? Nous l’ignorons.
 
Ce dont nous sommes convaincus, par contre, c’est qu’il n’est pas raisonnable de perdre deux élections majeures successives et continuer à rester le centre et le cœur du parti socialiste. L’honneur d’Ousmane Tanor Dieng, c’est de favoriser une succession qui laisse le Ps libre de ses choix électoraux, et donc de don destin. Mais il a imposé le choix d’un engagement total auprès du président de la république dans une alliance qui a fini par se transformer en cul-de-sac. Le piège sans fin.
 
 

Diaspora, la suite des dérives sans fin du président par défaut
Par Momar Dieng
Quinze députés supplémentaires pour une institution maladivement incompétente et vassalisée ! Il faut être dans la tête du président Macky Sall pour appréhender mieux cette folie politicienne de plus à l’intérieur d’un mandat piraté avec des armes non conventionnelles : dissimulation, mensonge, reniement. Que faire avec 165 « représentants du peuple » lorsqu’avec 150 les Sénégalais sont quasi unanimes à considérer que l’assemblée nationale ne sert à rien du moment qu’elle refuse d’assumer les prérogatives que lui assignent les lois de la république ?
 
Il y a un dans la conduite du processus électoral la prédominance d’un principe, celui d’une volonté de puissance sans limites d’un pouvoir qui passe en force sur tous les grands dossiers d’essence démocratique, qui recule dès qu’il se voit traiter de dictateur unilatéraliste dans la gestion d’un « patrimoine » national. Le reniement du président de la république sur la réduction de son mandat a été le signe annonciateur d’une fuite en avant institutionnalisée. Macky Sall est décidément mal à l’aise avec la gouvernance démocratique : pas surprenant au regard de certains de ses faits d’armes…
 
Elucubrations de flibustiers
Les élucubrations ressassées par les flibustiers qui défendent l’inflation parlementaire exhibent souvent le cas de la Côte d’Ivoire pour meubler leur argumentaire. Et c’est pour dire que ce pays a jugé nécessaire d’augmenter le nombre de ses députés en tenant compte de son poids démographique. C’est vrai. Mais leur démonstration s’arrête au milieu de la Lagune Ebrié.
 
En poussant la comparaison jusqu’au bout de leur logique, on s’aperçoit que des facteurs pertinents sont volontairement ignorés. Primo, la Côte d’Ivoire a une population qui double presque celle du Sénégal – 24 millions d’habitants contre 13 millions. Deuxio, ce pays a une superficie largement supérieure à celle de notre pays – 323 mille kilomètres carrés contre 197 mille. Tertio, ce pays est largement plus riche et plus avancé que le Sénégal, si tant est que cet élément doit être un critère à prendre en compte. Où est l’erreur ?
Autre exemple : la France. Avec presque 66 millions d’habitants, elle ne compte que 11 députés (pour 11 circonscriptions hors de France) et 12 sénateurs pour représenter 1 million 69 mille 813 Français de l’étranger. On pourrait bien multiplier les cas contradictoires avec les affabulations que l’on entend ici…
 
Passons sur les enfantillages mesquins et peu dignes d’intérêt tendant à mettre à mal nos compatriotes avec ceux qui désapprouvent la mesure adoptée par l’assemblée nationale. Parlons donc politique pour dire que cette initiative lancée en procédure d’urgence par le gouvernement et défendue par le ministre de l’Intérieur est une entreprise de captation (espérée) des suffrages de nos compatriotes disséminés à travers le monde.
 
Caprices et pressions de cour
D’une certaine manière, cette croissance exponentielle des députés de l’extérieur est pour le pouvoir une soupape de sécurité en cas de coup dur au niveau local lors des législatives de cette année ( ?). En partant du principe qu’il est allé plusieurs fois, depuis 2012, à la rencontre des Sénégalais hors du pays, le chef de l’Etat s’est installé dans une posture optimiste qui lui fait croire que les suffrages de ceux-ci lui sont d’ores et déjà acquis. C’est le fondement politicien de ce jeu à quinze. Le reste ? Des fariboles enlacées dans des discours creux. Ce pouvoir n’est sûr de rien, en dépit de tout !
 
Comme sur d’autres sujets, Macky Sall a cédé à la fois aux pressions de sa cour et à ses caprices personnelles de président par défaut. Cette loi qui attribue 15 députés aux Sénégalais de l’extérieur est une hérésie innommable qui reflète le rapport particulier que nos gouvernants actuels entretiennent avec le phénomène du pouvoir. Elle est une expression des dérives inaugurées en 2012, celles d’un pouvoir qui a fait de l’aveuglement et de l’arrogance sa boussole. Elle vient encore alourdir les charges financières et matérielles que la communauté nationale est contrainte de supporter par des politiciens alimentaires. Les alliés Ps, Afp, Ld, Pit et tutti quanti vont encore applaudir… Mais où sont-ils au fait, ces parangons qui menaient la vie dure à Wade et compagnie ? Ils se rattrapent des jouissances manquées pendant douze ans… Il fallait y penser!
 

Sall, Allégeance à la France !
Ainsi donc, tout le monde (ou presque) a finalement déniché le ressort de la visite d’Etat du président Macky Sall en France : le Train express régional dakarois qui établit un lien entre le Sénégal et la croisade (feinte ou réelle) du gouvernement français contre la désindustrialisation dans l’Hexagone. Une visite d’Etat comme celle-ci, dans l’état de rapports de forces que l’on peut imaginer entre la 5e puissance mondiale et un pays en voie de développement, ne peut qu’être le couronnement d’un processus de vampirisation qui semble totalement débridé. Elle ne peut souffrir la moindre ambiguïté quant aux devoirs qui incombent à chaque partie: au dominant, au dominé.
 
Depuis son arrivée au pouvoir, la gouvernance de Macky Sall est imbibée par deux marqueurs indélébiles : son reniement fondamental du 16 février 2016 qui renvoyait au diable un engagement solennel de réduire son mandat de sept à cinq ans ; et son inclinaison manifeste vers le système d’affaires français. Il est l’Homme de la France au Sénégal.
 
Le (futur) TER sénégalais, au-delà de l’attribution du marché de sa construction à des entreprises hexagonales, est comme l’aboutissement d’un cheminement entre deux hommes dont il n’était pas prévu – par les oracles de la politique - qu’ils exerceraient le pouvoir au plus niveau : François Hollande et Macky Sall. Le premier en aura bientôt fini avec l’Elysée d’ici à cinq mois, le second n’est pas encore certain de rempiler pour un second mandat en dépit d’un investissement personnel qui frise l’obsession.
 
En acceptant de se mettre très tôt sous l’aile protectrice de la France, le président sénégalais a dû en payer le prix fort. Concrètement, il a fait allégeance à la Gaule pour espérer en jouir à sa manière. Politiquement, militairement, économiquement, il a pris le parti de la France en sacrifiant bien trop souvent les intérêts intrinsèques du Sénégal.
 
Cette démarche est patente à trois niveaux au moins: l’alignement systématique du Sénégal sur les positions de Paris dans les grands dossiers internationaux, notamment au Conseil de sécurité des Nations-Unies, l’implantation gratuite et durable des bases militaires françaises dans notre pays, les pressions sénégalaises sur les pays de la Cedeao en faveur de l’adoption de l’accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne.
 
Pour Macky Sall, cela s’appelle peut-être réalisme ou nécessité en rapport avec son agenda politique.
Mais au fond, il a fait le choix d’une perte d’indépendance assumée. C’est son problème, c’est aussi le nôtre.
 

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