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SENEGAL : Pourquoi le Baccalauréat et le BFEM 2021 doivent être reportés

Mardi 25 Mai 2021

SENEGAL : Pourquoi le Baccalauréat et le BFEM 2021 doivent être reportés
L’école sénégalaise traverse une situation difficile depuis l’avènement de la pandémie de la COVID-19. En effet, le semi confinement des populations avait poussé les autorités étatiques à ordonner la fermeture des établissements scolaires du 16 mars au 25 juin 2020 pour les candidats aux différents examens (CFEE, BFEM et Baccalauréat). Ceux des classes intermédiaires ont eu des vacances plus longues : du 16 mars au 12 novembre 2020, soit huit mois de repos forcé. Ainsi, le retard noté dans le démarrage des cours conjugué à une mauvaise mise en œuvre des Progressions harmonisées et Évaluations standardisées (PHARES), renforcé par des perturbations dues aux longues vacances scolaires, ont fini de charcuter le quantum horaire. Au regard de toutes ces considérations, n’est-il pas aujourd’hui opportun et réaliste de reporter la date des différents examens scolaires ?
 
Les effets d’une rentrée scolaire mouvementée.
 
Le démarrage tardif des Enseignements/Apprentissages pour l’année scolaire 2020-2021 restera gravé à jamais dans la mémoire des populations et particulièrement celle des élèves. En effet, après plusieurs reports, c’est finalement la date du 12 novembre 2020 qui a été retenue par les responsables du système éducatif sénégalais. Pour combler ce déficit, des séances de remédiation avaient été prévues jusqu’au mois de janvier 2021. C’est dans cette optique qu’un nouveau calendrier de découpage de l’année scolaire avait été publié par le Chef de l’État.
 
Tenant compte des difficultés de l’heure, le Ministère de l’Éducation nationale, à travers l’Inspection générale de l’Éducation et de la Formation, avait pris la décision de réajuster les programmes scolaires de certaines disciplines. Ce nouveau dispositif devait être rendu opérationnel par les PHARES.
 
Une mise en œuvre chaotique des PHARES
 
La mise à disposition des Progressions harmonisées et Évaluations standardisées (PHARES) aux équipes pédagogiques a connu un retard inexplicable. Ces documents, en plus d’être des guides pédagogiques, sont aussi de très bons outils d’harmonisation des contenus à enseigner. Les Centres régionaux de Formation des Personnels de l’Éducation (CRFPE) auraient dû anticiper sur les éventuelles difficultés en étroite collaboration avec les coordonnateurs des cellules pédagogiques des établissements. La longue période de fermeture des écoles aurait dû être mise à profit pour finaliser les PHARES. Cela n’a pas été fait. Mieux, on a attendu jusqu’au mois de janvier pour réajuster certains programmes scolaires. Ce pilotage à vue a causé d’énormes perturbations. Certains contenus déjà déroulés en classe ont été finalement élagués dans le document définitif.
 
Á partir de ce moment, on assiste à une perte de temps considérable due aux évaluations standardisées qui ont créé beaucoup de couacs surtout dans les établissements à cycle long comme le lycée Amath DANSOKHO de Ouakam. Par exemple, les évaluations ont occasionné une perte de temps estimée environ à quelques huit (08) semaines sans cours. Au premier semestre de l’année scolaire, la mise en œuvre des PHARES a entraîné au total une perte de quatre (04) semaines sans cours. La tenue des premières évaluations standardisées en interne (niveau établissement) des premiers devoirs du 1er semestre a causé un arrêt des cours pendant deux (02) semaines : Cycle secondaire du 04 au 11 janvier 2021 et Cycle moyen du 11 au 18 du même mois. Il en est de même pour les Secondes évaluations du Premier semestre (Premier et Second cycle du 22 au 29 février 2021). L’organisation des Compositions du 1er semestre au niveau académique (Inspection d’académie de Dakar) a aussi entraîné le même effet : une perte de temps. En effet, du 02 au 05 mars 2021, le Second cycle a été évalué tandis que le Premier cycle a composé du15 au 19 du même mois.
 
Le 2nd semestre a aussi connu les mêmes perturbations car les deux évaluations surveillées ont occasionné un arrêt de dix (10) jours des Enseignements/Apprentissages : d’abord du 26 au 30 avril, ensuite du 17 au 20 mai 2021. Les épreuves sportives du BAC prévues du 1er au 12 juin vont priver certains enseignants de leurs élèves pendant au moins une dizaine de jours, car ils seront répartis dans plusieurs Jurys.
 
Ces évaluations constituent alors une catastrophe à tout point de vue. D’abord, elles ont été trop rapprochées les unes aux autres. Une telle situation a entraîné un certain nombre de conséquences dont les plus désastreuses sont : une sous-évaluation des élèves car entre les deux évaluations du 2nd semestre et la tenue des compositions, une surcharge de temps de correction pour les enseignants et un manque de préparation pour les élèves. Ces évaluations ne sont ni efficaces et encore moins efficientes parce que les enseignants n’ont pas eu le temps nécessaire pour dérouler correctement leurs Enseignements/Apprentissages. Les élèves ont pratiquement été évalués sur les mêmes contenus. Une évaluation sérieuse ne se décrète pas, elle se prépare, elle doit mûrir pour avoir du sens car évaluer n’est pas une chose aisée, elle doit être la résultante d’un processus d’apprentissage.
 
Des vacances scolaires sources de perturbation
 
Au 1er semestre, les cours ont vaqué à trois reprises. D’abord du 30 janvier au 08 février (vacances du 1er trimestre reportées), ensuite du 08 au 15 mars à cause de la tension socio-politique qui régnait au Sénégal et du 30 avril au 06 mai (vacances du second semestre). Cette situation est à l’origine d’énormes perturbations qui ont nécessairement un effet négatif sur le quantum horaire de cette année. Á cela, s’ajoutent les vacances dues aux nombreuses fêtes religieuses. Ce déséquilibre entre les deux semestres pose beaucoup de problèmes quant à l’atteinte du quantum horaire. Le Second semestre a été particulièrement perturbé voire charcuté car il a officiellement démarré le 06 mai. Á l’arrivée, l’année scolaire 2020-2021 n’aura finalement duré que cinq mois.
 
Dès-lors, il devient impérieux de se poser un certain nombre d’interrogations. Comment dans ces conditions, les autorités éducatives comptent-elles organiser l’examen du Baccalauréat à partir du 1er juillet 2021 et celui du BFEM à compter du 27 du même mois ? Pourquoi cette obstination ? Serait-il opportun et même logique d’organiser des évaluations certifiées quand on sait que les programmes ne sont pas bouclés ? Nous considérons qu’une telle décision est absolument absurde.
 
Aujourd’hui, si la date du 1er juillet 2021 est maintenue pour le baccalauréat, certains candidats du BFEM qui sont dans des établissements à cycle long (6e jusqu’à la Terminale), seront privés de leurs professeurs. En effet, parmi ces enseignants, certains pourraient être convoqués pour corriger le BAC, alors qu’au même moment, d’autres auront le temps de terminer tranquillement leurs programmes. Cet état de fait entraînerait indubitablement injustice et iniquité.
 
Cette situation doit interpeller la conscience de tous les acteurs du système éducatif : autorités éducatives (Ministère de l’Éducation nationale, Ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, par ailleurs principal organisateur du BAC à travers l’Office du Bac), les enseignants et en particulier les Syndicats, les organisations de la Société civile comme la Coalition des Organisation en Synergie pour la Défense de l’Éducation publique (COSYDEP), la Fédération nationale des Associations de Parents d’Élèves et Étudiants du Sénégal (FENAPES).
 
Quelques pistes de solutions
 
Aujourd’hui, les candidats sont inquiets à cause de cette précipitation qui n’augure pas de lendemains meilleurs. Les psychologues conseillers sont aussi interpellés. Ils doivent jouer pleinement leur rôle de conseil et d’orientation. En effet, un tel désordre pourrait entraîner chez certains candidats, le "burn out" pouvant conduire au surmenage ou au bourrage de cerveau.  Candidats et enseignants sont on ne peut plus stressés du fait d’un pilotage à vue alimenté par une précipitation à vouloir terminer l’année scolaire. Si on ne prend garde, des conséquences catastrophiques pourraient être notées sur le taux de réussite aux différents examens en fin d’année.
 
Pour éviter de telles conséquences, nous pensons que les trois Ministères en charge de notre système éducatif, doivent s’asseoir autour d’une table et discuter sereinement afin de trouver la meilleure solution qui consistera à veiller à la centralité de l’apprenant sans quoi, toute initiative contraire à ce principe sacro-saint, n’est que pur égarement.
 
Nous estimons aussi que, pour plus d’efficacité et d’efficience, des examens du Baccalauréat et du BFEM doivent être reportés. Ceci permettrait, d’une part, aux enseignants de terminer correctement leur programme sans pression aucune et, d’autre part, aux candidats d’y aller sans aucun stress. Par pragmatisme et réalisme, nous proposons que la date du Baccalauréat soit reportée jusqu’au lundi 26 juillet et pour le BFEM à partir du 05 août 2021. Ces dates permettront de bien terminer une année scolaire qui a été entamée avec beaucoup de retard même si par ailleurs certains programmes ont été réajustés.
 
Yaya DIAW,
Professeur d’Enseignement Secondaire d’Histoire et Géographie
Lycée Amath Dansokho, ex-Lycée Ouakam.
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