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Macron reconnaît un "système" recourant à la "torture"

Vendredi 14 Septembre 2018

 
PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron a reconnu jeudi la responsabilité de l’Etat français dans la mort “sous la torture” de Maurice Audin (photo), un mathématicien communiste et anticolonialiste arrêté le 11 juin 1957 pendant la bataille d’Alger, une décision réclamée de longue date et qualifiée d’”historique”.

Soixante-et-un an après l’arrestation de ce militant de l’indépendance algérienne, le chef de l’Etat a remis en main propre à sa veuve, Josette Audin, “une déclaration reconnaissant que Maurice Audin est mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France”.

“Vous n’avez jamais cédé pour faire reconnaître la vérité, la seule chose que je fais, c’est la reconnaître”, lui a-t-il dit lors d’une rencontre à son domicile à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), demandant “pardon” et précisant qu’il demanderait aux autorités algériennes leur aide pour la recherche du corps.

“On ne peut pas régler (certains points) si on ne redéploie pas tout cela, sinon on restera bloqué dans les ressentiments, les secrets”, a-t-il ajouté. “Il y a une page qui s’ouvre aujourd’hui (...) et je l’espère une nouvelle ère pour nos mémoires”.

Dans sa déclaration écrite transmise par l’Elysée, le chef de l’Etat “reconnaît, au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile”.


“Il reconnaît aussi que si sa mort est, en dernier ressort, le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par le système ‘arrestation-détention’ mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période.”

“HISTORIQUE”

Au-delà du cas de Maurice Audin, Emmanuel Macron “souhaite que toutes les archives de l’Etat qui concernent les disparus de la guerre d’Algérie puissent être librement consultées et qu’une dérogation générale soit instituée en ce sens”.

Cette décision, qualifiée d’”historique” par plusieurs historiens qui dressent un parallèle avec la reconnaissance par Jacques Chirac en 1995 de la responsabilité de la France dans la déportation des juifs, était attendue.

Lors d’une rencontre avec l’Association de la presse présidentielle en février, il avait promis que “toutes les pièces (seraient) ouvertes, y compris celles qui ne l’ont pas été” et assuré que tout serait mis en oeuvre pour établir s’il s’agissait d’un crime d’Etat.

Selon la présidence algérienne, le président Abdelaziz Bouteflika et Emmanuel Macron se sont entretenus jeudi au téléphone de “sujets bilatéraux”, ainsi que des dossiers malien et libyen. Il n’a pas été précisé si le cas de Maurice Audin avait été abordé par les deux hommes.

En 2014, le prédécesseur d’Emmanuel Macron, François Hollande avait fait un premier geste en infirmant “la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque” et en confirmant la mort de Maurice Audin “durant sa détention”.

“C’est un moment historique”, a estimé l’historien et président du Musée de l’Immigration Benjamin Stora, qui a accompagné le chef de l’Etat au domicile de Josette Audin. “Jusqu’ici il n’y avait pas eu de reconnaissance de la torture.”

“C’est un moment très important parce qu’on va pouvoir avancer sur d’autres affaires liées à cette histoire douloureuse”, a-t-il ajouté devant des journalistes.

LE PCF CRIE “VICTOIRE”, LE PEN S’INSURGE

Pour le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent, cette reconnaissance “est une victoire historique de la vérité et de la justice.”

Le rôle du chef de l’Etat, “ça n’est pas d’aller rechercher des responsabilités criminelles dans une opération extrêmement confuse comme l’a été cette guerre civile, complexe comme l’a été la guerre d’Algérie”, a en revanche estimé sur BFM TV le cofondateur du Front national Jean-Marie Le Pen, qui a récusé dans le passé des témoignages l’accusant d’avoir pratiqué la torture durant le conflit algérien (1954-62).

“Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle (la guerre) a meurtris, dont elle a bouleversé les destins, tant en Algérie qu’en France”, peut-on lire dans la déclaration sur la mort de Maurice Audin. “Une reconnaissance ne guérira pas leurs maux. Il restera sans doute de l’irréparable en chacun mais une reconnaissance doit pouvoir, symboliquement, délester ceux qui ploient encore sous le poids de ce passé”.

La France espère que cette décision permettra d’avancer sur certains dossiers, notamment la question d’un droit au retour des Harkis en Algérie, selon l’entourage du chef de l’Etat.

Le texte prend également soin de “décharger du soupçon” une grande partie des militaires français en assurant qu’il “en va de l’honneur de tous les Français qui, civils ou militaires, ont désapprouvé la torture, ne s’y sont pas livrés ou s’y sont soustraits, et qui, aujourd’hui comme hier, refusent d’être assimilés à ceux qui l’ont instituée et pratiquée.”



 
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