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L’enjeu caché des réserves de change du CFA détenues par la France (Martial Ze Belinga, économiste camerounais)

Lundi 13 Janvier 2020

Martial Ze Belinga
Martial Ze Belinga
« Le montant des réserves varie avec la situation des échanges extérieurs de marchandises, de services et de capitaux. Un point quotidien est fait par les banques centrales africaines et envoyé au Trésor français, et les soldes sont rémunérés (0,75 %). Dans l’Uemoa en croissance économique significative et bénéficiant d’une crédibilité financière, le stock des réserves se montait à 8.561 milliards de FCfa en fin décembre 2018 (environ 13 milliards d’euros), soit 12,4 % du Pib nominal de l’espace Umoa, représentant presque cinq mois d’importations et un taux de couverture de l’émission monétaire de 77 % au-dessus du taux statutaire de 20 %. »
 
ENJEU A 4 NIVEAUX
 
« L’enjeu du contrôle des réserves se décline à quatre niveaux. Le premier, c’est le financement des achats internationaux à partir des devises gagnées par chaque pays. Les réserves assurent cette fonction, mais elles sont normalement logées ou utilisées à cette fin par des banques centrales, généralement pas par un service (Trésor public) qui relève du Ministère des Finances d’un pays étranger.
 
Au deuxième niveau, la centralisation des réserves et l’utilisation du marché des changes de Paris pour les paiements internationaux fournissent au Trésor français une information stratégique sur les 15 pays de la zone en incluant les Comores. Cette part invisible et qualitative de la souveraineté n’est pas toujours clairement perçue. Elle est pourtant d’une importance stratégique éminente.
 
Le troisième niveau, c’est que disposer de ses réserves, c’est avoir à sa portée un outil financier et de développement. Bien sûr, on ne peut pas réinjecter les réserves dans les économies puisqu’elles correspondent à des créances d’acteurs économiques, mais plusieurs pays ont réussi, avec une gestion rigoureuse et active de leurs devises, à mettre sur pied des fonds souverains et à contribuer au financement des investissements productifs. Une telle option est fort peu probable si les réserves sont totalement ou partiellement inaccessibles. La littérature économique sur l’utilisation des réserves est malheureusement négligée en zone Franc. Pourtant on sait au moins, depuis l’insistance de l’économiste et banquier central de la Barbade Courtney Blackman, que les réserves sont un instrument économique essentiel, particulièrement pour les pays en développement.
 
Enfin, le quatrième niveau concerne l’intérêt de la France à détenir les réserves africaines. Le soupçon permanent, vécu très émotionnellement par beaucoup, est que la France utiliserait ces réserves pour ses besoins propres. À ce sujet, les banques centrales africaines répondent que ces réserves sont rémunérées à des taux acceptables compte tenu des prix du marché. Il est certain que si le Trésor rémunère ces dépôts, c’est qu’il peut vraisemblablement les faire fructifier sur les marchés. »
(Source : Le Soleil du 13 janvier 2020)
 
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