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Arrêtée, Aung San Suu Kyi appelle à refuser le «putsch»

Lundi 1 Février 2021

Photo d'illustration
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La puissante armée birmane a organisé un coup d’État lundi, arrêtant la cheffe de facto du gouvernement civil Aung San Suu Kyi, désignant un général comme président de la république par intérim et proclamant l’état d’urgence pour un an. Cette décision est nécessaire pour préserver la «stabilité» de l’État, ont fait savoir les militaires dans une annonce sur leur chaîne de télévision, NAME.
 
Ils accusent la commission électorale de ne pas avoir remédié aux «énormes irrégularités» qui ont eu lieu, selon eux, lors des législatives de novembre, remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), au pouvoir depuis les élections de 2015. L’armée s’est emparée de l’Hôtel de Ville de Rangoun, la capitale économique du pays, a constaté un journaliste de l’AFP.
 
Quelques heures plus tôt, Aung San Suu Kyi et le président de la République, Win Myint, ont été arrêtés. «Nous avons entendu dire qu’ils étaient détenus à Naypyidaw», la capitale du pays, a précisé à l’AFP le porte-parole de la LND, Myo Nyunt. Plusieurs autres responsables ont aussi été interpellés, selon lui.
 
Les États-Unis et l’Australie ont rapidement réagi, appelant à la libération immédiate des dirigeants de la LND et au rétablissement de la démocratie. «Les États-Unis s’opposent à toute tentative de modifier le résultat des récentes élections (…) et prendront des mesures contre les responsables», a averti la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, dans un communiqué.
 
Régime militaire
 
«Nous appelons les militaires à respecter l’État de droit, à résoudre les différends par des mécanismes légaux et à libérer immédiatement tous les dirigeants civils et autres personnes détenues illégalement», a fait valoir de son côté la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne.
 
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a de son côté «condamné fermement» l’arrestation d’Aung San Suu Kyi. Avec «la déclaration du transfert de tous les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires aux militaires», «ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques au Myanmar», a-t-il ajouté.
 
L’Union européenne a «fermement» condamné le coup d’Etat et a réclamé «la libération immédiate» des personnes détenues. «Je condamne fermement le coup d’État en Birmanie et appelle les militaires à libérer tous ceux qui ont été illégalement détenus lors de raids à travers le pays. Le résultat des élections doit être respecté et le processus démocratique doit être rétabli», a écrit le président du Conseil européen, Charles Michel, sur Twitter.
 
«Le peuple du Myanmar veut la démocratie. L’UE est avec lui», a renchéri le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell sur le même réseau social.
 
Ce coup d’État intervient alors que le Parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session ce lundi. L’ex-Birmanie est sortie il y a tout juste 10 ans d’un régime militaire au pouvoir pendant presque un demi-siècle. Les deux derniers coups d’État depuis l’indépendance du pays en 1948, remontent à 1962 et 1988.
 
L’accès à internet et les télécommunications étaient gravement perturbées dans le pays, a relevé l’ONG spécialisée Netblocks. L’accès à l’aéroport international de Rangoun était bloqué, a constaté l’AFP.
 
Fraudes par «millions»
 
Les militaires dénonçaient depuis plusieurs semaines plus d’une dizaine de millions de cas de fraudes lors des législatives de novembre. Ils exigeaient que la commission électorale dirigée par le gouvernement publie la liste des électeurs à des fins de vérification – ce que la commission n’a pas fait.
 
Les craintes s’étaient encore renforcées quand le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing – sans doute l’homme le plus puissant du pays – avait déclaré que la constitution pouvait être «révoquée» dans certaines circonstances.
 
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres ainsi que plusieurs ambassades avaient alors exprimé leur «grande inquiétude».
 
«Relation compliquée»
 
Le parti d’Aung San Suu Kyi, très critiqué à l’international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas (des centaines de milliers d’entre eux ont fui en 2017 les exactions de l’armée et se sont réfugiés au Bangladesh voisin) mais toujours adulée par une majorité de la population, avait remporté une victoire écrasante en novembre.
 
Il s’agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte. En 2015, la LND avait obtenu une large majorité. Mais elle avait été contrainte à un délicat partage du pouvoir avec l’armée qui contrôle trois ministères clés (l’Intérieur, la Défense et les Frontières).
 
«La relation entre le gouvernement et les militaires était compliquée», déclare à l’AFP Hervé Lemahieu, spécialiste auprès de l’institut Lowy en Australie. «Ce régime hybride, pas tout à fait autocratique ni tout à fait démocratique, s’est effondré sous le poids de ses propres contradictions».
 
Longtemps exilée en Angleterre, Aung San Suu Kyi, aujourd’hui âgée de 75 ans, est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l’opposition face à la dictature militaire. Elle a passé 20 ans en résidence surveillée avant d’être libérée par l’armée en 2010. Arrêtée ce lundi lors de ce coup d’Etat, elle a exhorté la population à «ne pas accepter» ce putsh militaire, d’après une lettre diffusée sur les réseaux sociaux par son parti.
 
La cheffe de facto du gouvernement civil «a laissé ce message au peuple», a expliqué sur Facebook Win Htein, le président de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie. L’armée a proclamé l’état d’urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes. (AFP)
 
 
 
 
 
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