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Zuzana Caputova, une militante anticorruption en tête de la présidentielle en Slovaquie

Vendredi 22 Mars 2019

Inconnue il y a encore quelques semaines, l’avocate environnementaliste Zuzana Caputova est en passe de devenir la première femme présidente de la Slovaquie. Elle est donnée favorite du second tour prévu pour le 30 mars, après avoir très largement devancé au premier tour, samedi, son rival populiste de gauche Maros Sefcovic avec 40,57 % des suffrages contre 18,66 % pour ce dernier.
 
À 45 ans, cette acharnée de la lutte contre la corruption profite d’un contexte de ras-le-bol des Slovaques, excédés par les affres des hommes politiques au pouvoir. Présente dans la rue à leurs côtés, Zuzana Caputova compte au rang de ces dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté en février 2018 après l’assassinat du journaliste Jan Kuciak et de sa compagne Martina Kusnirova.
 
Un crime commis juste avant la publication d’une enquête sur les liens présumés entre des hommes politiques slovaques et la mafia italienne. L’affaire avait alors provoqué une vague d’indignation et une crise politique sans précédent depuis la chute du communisme au début des années 1990 dans ce pays de 5,4 millions d'habitants aujourd’hui membre de l’Union européenne (UE).
 
Pro-ivg
 
Devenue numéro deux de Slovaquie progressiste, un nouveau parti libéral, Zuzana Caputova a fait de la lutte anti-corruption son cheval de bataille pour la présidentielle. Mais le changement qu’elle incarne porte sur des questions sociétales plus profondes encore. Dans une Slovaquie traditionnelle, religieuse et conservatrice, Zuzana Caputova est mère de famille, divorcée et diplômée. Elle est aussi la seule candidate à défendre le droit à l’IVG, le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. La favorite de l’élection a ainsi déclaré qu’un enfant vivra "mieux avec deux êtres amoureux de même sexe" que dans un orphelinat.
 
"Zuzana Caputova incarne un désir de changement complet. Pas étonnant que 53 % des femmes aient voté pour elle", estime Martin Michelot, directeur adjoint de l’institut Europeum à Prague, interrogé par France 24. Selon les analystes slovaques, pour être élue, elle peut compter sur le soutien des électeurs libéraux des villes. La population des campagnes, plus conservatrice, lui est moins favorable. "Ses prises de position sur de nombreuses questions sensibles et ses réponses très directes risquent d'irriter un peu la majorité des électeurs" avant le second tour du scrutin, dans quinze jours, prévient l'analyste politique Pavol Babos.
 
Accusée d’être une espionne de George Soros
 
Il pointe également les résultats des deux autres candidats à la présidence, parmi treize au total, ayant obtenu un score important- le juge de la Cour suprême Stefan Harabin, aux positions anti-immigration (14,34 %) et le député d'extrême droite Marian Kotleba (10,39 %). "Marian Kotleba est un fasciste pur et dur. Cet homme, qui est aussi gouverneur d’une région du centre de la Slovaquie, n’hésite pas à porter l’uniforme et à faire des références nazies dans ses meetings" précise Martin Michelot. Or ces deux candidats ont rassemblé 25 %, ce qui ne constitue pas une partie négligeable de la société" précise Pavol Babos.
 
Cible de ses adversaires d’extrême droite, Zuzana Caputova est aussi attaquée par son rival du Smer-SD, le socialiste Maros Sefcovic sur ses prises de positions en faveur du droit des couples homosexuels. À cela sont venues s’ajouter "des attaques personnelles et conspirationnistes, qui la présentent entre autres comme "la candidate du financier d'origine hongroise George Soros", indique Alexis Rosenzweig, le correspondant régional de RFI à Prague.
 
Dans ces conditions, la campagne pour le deuxième tour prévu le 30 mars, s’annonce plus agressive contre la favorite. Nul doute qu’elle ne se laissera pas impressionnée pour autant. Zuzana Caputova est coriace.
 
Une défenseuse de l’environnement acharnée
 
Pour preuve, avant de remporter le premier tour de l’élection présidentielle, son fait d’arme le plus connu est d’avoir mené 14 années durant, une campagne pour bloquer l'installation d'une décharge publique de la taille de 12 terrains de football à Pezinok, sa ville d’origine, voisine de la capitale. À l’époque, l’avocate a réussi à organiser contre cette pollution, la plus grande mobilisation citoyenne depuis la révolution de 1989 qui a renversé le régime communiste en Tchécoslovaquie. En 2013, la Cour suprême slovaque a donné raison aux habitants de Pezinok, en annulant le permis de construire de la décharge.
 
L'affaire a eu un impact international et a poussé la Cour de justice de l’UE à établir des règles de consultations ouvertes dans le cas des projets d'urbanisme qui peuvent affecter l'environnement. Pour couronner le tout, en 2016, les efforts de Zuzana Caputova sont récompensés par le très prestigieux prix Goldman pour l'environnement, une sorte de Nobel pour les défenseurs de l'environnement.
 
En Slovaquie, les pouvoirs du président sont limités. Mais il lui sera possible, si elle est élue, de donner des impulsions politiques. Et surtout, elle pourra utiliser son droit de véto sur la nomination des juges quand viendra le temps de s’attaquer à la corruption, ce qu’elle a promis de faire. (AFP & france24)
 
 
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