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Togo : la sortie de crise passe par l'implication de la communauté internationale

Dimanche 21 Janvier 2018

Faure Gnassingbé et ses principaux opposants
Faure Gnassingbé et ses principaux opposants
Par Jeannine Ella Abatan, Chercheuse et Paulin Maurice Toupane, Chercheur, ISS Dakar
 
Les acteurs politiques et de la société civile sont unanimes sur la nécessité d’un dialogue politique afin de créer les conditions d’une situation stable au Togo. Cependant, des points de divergences demeurent concernant les conditions préalables de ce dialogue, sa nature et son format ainsi que ses objectifs.
 
Suite aux rencontres des 15 et 16 janvier avec la coalition des 14 partis de l’opposition, le président en exercice de l’Union africaine (UA), Alpha Condé, a proposé que ce dialogue – qui avait été annoncé depuis novembre 2017 par le président du Togo Faure Gnassingbé – puisse se tenir les 23 et 26 janvier prochains.
 
Les préalables du dialogue politique, sa nature, son format et ses objectifs demeurent des points de blocages
 
Si la concertation reste la seule issue pacifique pour mettre fin à la crise que traverse le pays depuis août 2017, des points de blocage persistent. D’une part, les 14 partis de l’opposition privilégient des discussions restreintes avec le pouvoir sous l’égide de la communauté internationale, l’objectif ultime étant de définir les conditions du départ du président Faure Gnassingbé et le retour à la constitution de 1992. D’autre part, pour le pouvoir, le dialogue devra être initié et conduit par le gouvernement et élargi aux autres acteurs politiques en vue d’aboutir à l’organisation d’un référendum. Le projet de référendum, annoncé en septembre par le gouvernement et contesté par l’opposition, propose une limitation des mandats du président de la République et des députés à deux, et un scrutin à deux tours.
 
L’enjeu du dialogue ne devrait cependant pas porter seulement sur l’établissement des règles encadrant la compétition pour l’accès, l’exercice et le contrôle du pouvoir politique. Il implique aussi la définition, de façon inclusive, de réformes dont l’objectif est l’approfondissement de la démocratie et la modernisation des institutions de la République pour une meilleure prise en charge des besoins des Togolais.
 
En plus des trois modifications proposées dans le projet de référendum, l’Accord politique global (APG), signé le 20 août 2006, prévoit d’autres réformes constitutionnelles et institutionnelles nécessaires à la consolidation de la démocratie, de l’état de droit et de la bonne gouvernance. Onze ans après la signature dudit accord, l’application de ces réformes se fait toujours attendre.
 
Pour le pouvoir, le dialogue devra être initié et mené par le gouvernement
 
Sont concernées, entre autres, la réforme portant sur le fonctionnement régulier des institutions républicaines, la réforme des forces de défense et de sécurité ainsi que des institutions impliquées dans le processus électoral, à savoir la Cour constitutionnelle, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).
 
À court terme, l’application des réformes électorales est d’autant plus indispensable que le Togo entame un cycle électoral en 2018 avec la tenue des élections législatives et locales, dont l’organisation précédente date de 1987. Sur le moyen terme, leur application permettrait d’éviter les tensions électorales récurrentes dans ce pays notamment dans la perspective de l’élection présidentielle de 2020.
 
La réticence de la coalition des 14 partis à participer au dialogue initié par le gouvernement se fonde sur l’échec de la série de dialogues qui se sont déroulés depuis la signature de l’APG en 2006. Elle n’a d’ailleurs pas participé à la réunion préparatoire du 12 décembre dirigée par le Premier ministre Komi Sélom Klassou. Toutefois, si les réformes prévues depuis plus de 11 ans ne sont jusque-là pas appliquées, c’est en partie en raison du manque de volonté politique du pouvoir en place, mais aussi de la stratégie de l’opposition jugée contreproductive. Ce fut le cas lors du dialogue de Togo télécom de 2014 dont l’échec est dû au manque de consensus des acteurs de l’opposition sur la rétroactivité de la limitation du mandat présidentiel.
 
Les acteurs politiques ne doivent pas perdre de vue les autres réformes prévues dans l'APG
 
La persistance de la crise pourrait exacerber les tensions sociales et compromettre les perspectives économiques du pays.  Le dialogue reste donc la seule issue pacifique pour la mise en œuvre des réformes envisagées, dont certaines ne sont pas prises en compte par le projet de référendum du gouvernement.
 
Pour éviter un enlisement de la situation, il conviendrait que le dialogue soit mené par la Communauté économique des États de l’Afrique de l'ouest (CEDEAO) et l’UA, déjà impliquées dans l’apaisement des tensions au Togo, et qui ont la capacité d’amener les parties à respecter leur engagement. L’accompagnement par ces institutions est d’autant plus important qu’il existe un fort degré de méfiance entre les acteurs politiques togolais.
 
Il devrait aboutir d’une part, à l’adoption d’un projet de réformes consensuel, et, d’autre part, à une feuille de route pour sa mise en œuvre. Au vu des échéances électorales prévues cette année, l’adoption par voie parlementaire du projet de réformes qui résulterait de ce dialogue devrait être considérée lors des discussions.
 
Le dialogue ne pourra cependant déboucher sur une application effective des réformes que si les acteurs politiques impliqués, tant du côté du pouvoir que de l’opposition, font montre de la volonté politique nécessaire pour mettre fin à cette crise.
 
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