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Stigmatisation du halal et fausse construction d’un problème musulman

Mardi 17 Novembre 2020

Pr Khadiyatoulah Fall
Pr Khadiyatoulah Fall
Suite à la décapitation de l’enseignant Samuel Paty en octobre 2020, le ministre de l’Intérieur français, Gérard Darmanin, également en charge des cultes,  s’est dit être « choqué de rentrer dans un hypermarché et de voir qu’il y avait un rayon de telle cuisine communautaire et de telle autre à côté (…). C’est comme ça, que ça commence le communautarisme ». Cette  déclaration est révélatrice de la manière dont plusieurs  autorités françaises appréhendent la question du communautarisme religieux, du «séparatisme»  et partant de la radicalisation.
 
La réaction du ministre indexe  en fait la présence  du halal comme reflet d’un autre signe de visibilité de l’islam qui renforcerait  le  communautarisme et affaiblirait  le vivre ensemble, le faire société  et la laïcité. Nos enquêtes dans plusieurs pays occidentaux  indiquent bien que la visibilité du halal n’est ni l’expression du fondamentalisme, ni celle d’un communautarisme ou d’un projet d’islamisation des sociétés.
 
Même si des  organismes de certification sont tenus, pour des raisons de légitimité religieuse par des musulmans, force est de constater que ces derniers ne défendent pas l’idée d’une rupture avec les sociétés d’accueil. Il faut rappeler encore que la majorité des opérateurs économiques mondiaux du business halal ne sont pas de culture islamique, ni ne sont des islamistes ou djihadiste, comme le prouve bien la domination du marché par les multinationales comme Nestlé, Mc Donald, Walmart, Carrefour  ou l’Oréal (cosmétiques). Les grands pays exportateurs de viande halal dans le monde sont l’Argentine, le Brésil,  l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Mexique  etc. Signalons aussi que le Canada prend de plus en plus une place significative parmi ces exportateurs.  Ainsi des logiques de rentabilité surtout portées par des pays non musulmans et non des considérations religieuses ou politiques orientent l’expansion du  marché du halal. Gagner de l’argent plutôt qu’islamiser la société et satisfaire le client plutôt que nourrir un projet politique, sont les motivations des grands ou petits entrepreneurs du halal. En effet, le halal repose sur les logiques de l’ethnomarketing qui a « compris que les valeurs identitaires sont des ressorts gagnants pour créer un lien affinitaire profond et durable entre marques et consommateurs » selon Nacima Ourahmoune.
 
Nos enquêtes de terrain révèlent de plus en plus un découplage entre des pratiques religieuses quotidiennes que l’on pourrait qualifier orthodoxes ou  ultra-orthodoxes et la consommation des produits halal. Nous rencontrons de nombreux musulmans, adeptes du halal, mais qui ne prient ni ne vont dans les  mosquées. De nombreux occidentaux non musulmans fréquentent les restaurants halal et parfois y sont les plus nombreux. Si au début du développement de cette économie chez les musulmans occidentaux, l’alimentation halal ne concernait que les franges les plus engagées religieusement, elle a évolué aujourd’hui pour devenir une habitude de consommation « banale » pour la grande majorité  des musulmans. Parmi les signes de visibilité de l’islam en Occident, le halal est celui qui porte le plus les manifestations de l’intégration des communautés musulmanes. La pratique du  halal occasionne d’ailleurs une relecture, une modulation des normes religieuses qui prennent distance par rapport aux lectures puristes et rigoristes.
 
On trouve dans nos épiceries et dans les fastfood du jambon halal, du saucisson halal, de la bière halal, du vin halal, du champagne halal, du hamburger halal, de la choucroute halal et même de la poutine et de la tourtière halal. Ce sont ainsi des dynamiques d’adaptation du halal qui  constituent des fusions avec «les traditions des terroirs». Si une religiosité s’exprime à travers la consommation du halal, elle  fait  ressortir plutôt une facette de l’islam évolutif et proactif, loin des représentations habituelles de l’islam comme religion fossilisée.  Le halal, en Occident, devient l’objet d’une ijtihad qui amène à repenser sa normativité en contexte d’islam diasporique.  Quand des théologiens musulmans étendent  le concept du halal aux produits bios ou lorsque des militants musulmans, par des arguments religieux, appellent au végétarisme en raison de la maltraitance animale, quand des banques traditionnelles ouvrent des fenêtres de finance islamique,  ce sont là des exemples de la capacité de la religion musulmane à  être dans sa  normativité, dans  une écoute de ses  contextes et de son temps. Les meurtres et les violences survenus dernièrement ainsi que d’autres perpétrés par des fanatiques islamistes ou djihadistes ont entrainé révolte et indignation de tous, y compris de la grande majorité des musulmans. Ces barbaries auxquelles viennent se greffer des repositionnements politiciens des uns et des autres ne devraient pas occulter cet islam passerelle que les communautés musulmanes tentent de construire.
 
Nous terminons cette contribution en félicitant le Président de la république, monsieur  Macky Sall qui, lors du Forum de Paris sur la Paix,  s’est illustré comme un des grands leaders de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI). Sa réaction était attendue depuis la réédition des caricatures du Prophète Mohamed (PSL) par Charlie Hebdo ainsi que les propos du Président Emmanuel Macron sur la liberté d’expression et le blasphème religieux. Avec les mots bien choisis, avec la diplomatie qui convient lors d’une telle rencontre et devant d’éminents leaders du monde, le Président Sall a su exprimer, avec un grand écho international, l’indignation des Sénégalais et des musulmans dans leur ensemble. Il a fait entendre que nous sommes tous à la quête d’un universel des valeurs qui favorise la paix mondiale et la paix des sociétés. Cependant cet universel des valeurs ne peut se décliner comme l’expression d’une hégémonie de la pensée de l’un sur l’autre, ni comme injonction d’expression de l’un par l’autre. Ces valeurs de convergence se construisent dans l’égalité, dans l’expression et le respect de la différence, des sensibilités et des sacrés des uns et des autres.
 
Khadiyatoulah Fall,  Professeur chercheur, Chaire CERII,  Université du Québec à Chicoutimi, Canada
Saad Mansouri Samir, Assistant chercheur, CERII, Université du Québec à Chicoutimi, Canada
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1.Posté par Me François JURAIN le 23/11/2020 18:20
S'il fallait s'arrêter à toutes les stupidités que peuvent dire un ministre, français ou autre, je crois que l'on passerait beaucoup de temps pour rien, et ce serait vraiment du temps gâché, car il y a quand même mieux à faire, pour s'instruire ou se cultiver, que de lire ou écouter les réflexions de Monsieur DARMANIN, dont je reconnait que cette dernière en date à laquelle vous faites allusion m'avait échappée, comme les précedentes et certainement les suivantes.
A titre personnel, je ne mange pas Hallal, je ne suis pas musulman, et qu'il y ait un rayon Hallal dans les magasins en FRANCE ne m'a jamais créé le moindre problème! encore moins ici au SENEGAL; Lorsque j'invit des musulmans à ma table, ils n'ont pas de produits Hallal mais des plats que j'aime à confectionner, avec de la nouriture conforme à leur croyance, sur la table se troue toujours du vin pour ceux qui en boivent, de l'eau pour ceux qui préfèrent et des jus de fruits pour qui veut. La croyance est une affaire personnelle, qui ne regarde que la personne concernée, et la respecter me semble être une règle élèmentaire de politesse et de (bonne) éducation.
Ceci dit, on aurait bien tort de croire, penser ou écrire, qu'il s'agit d'une guerre contre les occientaux et les musulmans. C'est une guerre menée par des soit disant musulmans, contre une immense majorité de musulmans, qui vivent leur foi en silence et en paix, sans ennuyer qui que ce soit le moins du monde avec leur religion, et je peux en témoigner, que ce soit ici, au SENEGAL, où je n'ai jamais eu le moindre problème avec ca, ou en FRANCE, idem. Les principales victimes, ce sont quand même les musulmans eux mêmes, qui tomben sous les armes de ces fous qui ne sont en fat que des délinquants de droit commun, qui prennent pour prétexte la religion, pou s'enrichir et semer la terreur dans le monde entier. Les victimes occidentales, avec tout le respect que je meur doit ainsi qu'à leur fammilles, ce sont des victimes "collatérales".
J''aimerai entendre plus haut et plus fort, les musulmans, les vrais, pour dire et répéter que la guerre est menée contre eux, les vrais musulmans dont les armes principales sont la rolerance, le respect de l'autre, et la foi en ALLAH, car je regrette d'avoir à l'écrire, mais je n'entend pas beaucoup cette immense majorité de croyant sincères et véritables, que ce soit ici ou ailleurs: ce sont eux qui sont attaqués, ce sont leur frères, fils ou pères qui sont assassinés lâchement par une bande de malfrats qui n'ont strictement rien, mais alors rien à voir avec la religion musulmane (que l'on me reprenne si je me trompe) car le but final, c'est bien quand même l'extermination de tous les fidèles, pour les remplacer par des pseudos croyants qui pensent lire le coran, oubliant qu'ils ne savent même pas lire!
J'attend le jour où cette "amée de l'ombre", animée uniquement par la sincerité de leur foi, se lève et fasse savoir au monde entier que les musulmans n'ont rien à voir avec cette horde d'assassins .
Mais cela passe peut être 6aussi par une organisation de la religion musulmane, une struturation peut être, je ne sais pas, et les musulmans eux mêmes ont peut être des idées la dessus qu'il ne serait pas inintéressant de connaitre.
Me François JURAIN

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