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Mali/Cedeao : les mesures coercitives d’hier ne peuvent prospérer dans le contexte actuel de stabilité précaire de la sous-région

Dimanche 23 Août 2020

Le coup d’État de Mars 2012 a vu l’exacerbation de l’offensive des rebelles du MNLA[[1]]url:#_ftn1 qui s’emparent de Kidal, Tombouctou et Gao, avec le soutien des groupes de groupes Djihadistes d’Ansar Dine, AQMI et du MUJAO ; mettant ainsi à rude épreuve l’intégrité territoriale du Mali et s’étant soldé de centaines de morts.

Dans ce contexte, la CEDEAO avait lancé un ultimatum à la junte pour rétablir l’ordre constitutionnel sous peine de représailles diplomatiques et financières, après avoir fait une menace d’une action armée. L’armée, qui se préoccupait de l’intégrité territoriale et qui avait déjà était affaiblie par la rébellion et les djihadistes au Nord et centre du pays, signa alors un accord de sortie de crise en s’engageant à rendre le pouvoir aux civils.

Aujourd’hui, l’ensemble des mouvements de l’AZAWAD[[2]]url:#_ftn2 , réunis dans la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) signent en Juin 2015 un accord de paix, encore fragile, issu du Processus d’Alger[[3]]url:#_ftn3 , comportant un certain nombre de points dont la préservation de l’intégrité territoriale et l’unité du Mali, une équité territoriale dans le développement des diverses régions, la lutte contre le terrorisme, le recours au dialogue et le renoncement à la violence, le respect des droits de l’homme entres autres.
Dans leur adresse aux populations suite à leur coup de force et la démission de IBK, les officiers du Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP) affirment leur attachement à cet accord d’Alger. De son côté, la CMA s’est fendue d’un communiqué[[4]]url:#_ftn4 dans lequel elle prend acte des événements et de la déclaration des militaires et lance également un appel « à la construction d’une résolution globale de toutes les crises qui entravent la bonne marche du pays, et surtout la mise en œuvre intégrale et diligente de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger avec l’accompagnement de tous les partenaires internationaux. »

On peut comprendre à travers ses différentes déclarations, une volonté commune des parties d’accéder à la paix par la mise en œuvre du protocole d’Alger – mais surtout un besoin de soutien et d’accompagnement dans ce processus.

Le Colonel Assimi Goita, qui préside le CNSP, a fait partie de l’unité d’élite très discrète au sein de l’armée malienne (les Fama), qui a été très active ces dernières années au centre du pays durement touché par le terrorisme et la violence. C’est dire donc, qu’il est parfaitement au courant des enjeux sécuritaire et de défense.

Dans ce contexte, il est clair que les menaces de la CEDEAO visant au rétablissement du président IBK n’entraîneront que le chaos, car il est évident que le président déchu, qui avait plongé le pays dans l’impasse, semblait ne pas prendre les véritables enjeux du pays au sérieux et avec un échec total de sa politique économique et sociale, une gouvernance clanique et une gestion catastrophique de la défense nationale. Comment peut-on concevoir un Président de la Commission Défense à l’assemblée, en l'occurrence son fils Karim, dilapider les ressources du pays au vu et su de tout le monde, alors que l'intégrité nationale souffre et que rien n’est maîtrisé ?

Avec le risque d'instabilité et de chaos redouté dans le pays, il sera plus JUDICIEUX d’accompagner le CNSP dans la transition plutôt que de rétablir un président qui est très contesté et de surcroît ayant déjà démissionné. D’ailleurs, dans ses premières déclarations après sa conférence, la CEDEAO soutient que « Le Mali est dans une situation critique, avec des risques graves qu'un affaissement de l'Etat et des institutions n'entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, avec toutes les conséquences pour l'ensemble de notre communauté". Elle reconnait donc elle-même le risque lié au terrorisme et ses conséquences.

La CEDEAO devra à l'avenir reconsidérer sa stratégie de résolution de ce genre de conflit en apportant des réformes en profondeur dans ses protocoles pour tenir compte de certains cas de soulèvement ! Nos chefs élus pourront, par exemple un jour, prêter serment à la CEDEAO et être destitués s’il est prouvé une impopularité au sein du peuple ou bien une mal gouvernance ! Car le renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance est pour l’intérêt du peuple souverain. Il faut une CEDEAO des peuples !

Il est évident que la démarche de la CEDEAO ne fait pas l’unanimité, notamment dans ses mesures économiques préalablement posées, alors que l’objectif est d’éliminer la souffrance du peuple dans ce contexte de pandémie de surcroît. Je salue au passage les propositions salutaires et humanitaires de son Excellence le Président Macky Sall, qui par sa vision et dans un langage diplomatique, pense d’abord aux populations en refusant une intervention armée et en priorisant l’approvisionnement du pays en denrées de première nécessité.

Certains analystes, à raison d’ailleurs, attribuent une grande part de responsabilité de la CEDEAO dans ce qui se passe au Mali, car l’organisme a été par le passé très pressé de rétablir l'ordre constitutionnel après les coups de force, en ``propulsant’’ de l’avant des ``incompétents’’sans aucune conscience des réalités et des défis ! Juste parce qu’on a été ministre, ou haut cadre dans une institution internationale ou recommandé par je ne sais quelle puissance !

Le CNSP n’est pas contre un retour à l’ordre constitutionnel et il l’a affirmé et l’a démontré de par son mode d’action qui a permis jusque-là de ne déplorer aucune perte de vie humaine. Mais, cette présente transition devra prendre le temps et être encadré avec tous les moyens ; elle devra être inclusive et tenir compte des différentes composantes, des accords et des sources de discordes.
Comme l’a si bien souligné le Président Macky Sall, il faudra user de « ... lucidité concernant le recours à la force qui nécessiterait un mandat de l’ONU. Il faut accompagner le Mali par le dialogue pour un retour à l’ordre constitutionnel… ».
En termes clairs, la CEDEAO ne doit pas recourir à une action armée et se doit d’accompagner le Mali vers le retour à la normalité par un dialogue consensuel.
Cheikh Oumar Dieng
APR-DSE Canada
Chodieng@gmail.com
 
 
[[1]]url:#_ftnref1 Mouvement National de Libération de l’AZAWAD
[[2]]url:#_ftnref2 MNLA, HCUA, MAA, CPA…
[[3]]url:#_ftnref3 L’accord d’Alger est signé en 2015 entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), une alliance de groupes armés rebelles touareg et arabes regroupant le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), une aile du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) et une aile de la Coordination des Mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR2)
(Source : http://www.afrique-gouvernance.net )
[[4]]url:#_ftnref4 Communiqué N° 11/CD/CMA/2020 du 20 Août 2020, par son porte-parole Almou AG Mouhamed
 
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