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François défend les migrants et embarrasse la France

Dimanche 24 Septembre 2023

Centré sur le drame des migrants et le dialogue entre les civilisations, le voyage du pape à Marseille contredit ceux qui prônent la fermeture des frontières.

Après la Rolls-Royce de Charles III, la petite Fiat 500 du pape François, où il prend place à l'avant et dont il abaisse la fenêtre. Le symbole est éloquent, c'est le pape des pauvres qui arrive vendredi après-midi à Marseille. Accueilli par la première ministre Elisabeth Borne, il évacue le protocole en quelques minutes avant de gagner la basilique Notre-Dame-de-la-Garde.

Deuxième symbole: il ne s'agit pas d'une visite d'État en France, mais d'un déplacement à Marseille pour honorer cette ville multiculturelle où il donnera samedi une messe devant 57'000 fidèles au Vélodrome.
 

«Cette mer magnifique où de nombreux frères et sœurs sont privés du droit à une tombe et où seule est ensevelie la dignité humaine.» (François)


Après un moment de prière à la basilique, troisième symbole, le plus émouvant: il va se recueillir auprès d'un petit mémorial érigé à la mémoire des marins et migrants disparus en mer. Là, le cardinal et archevêque de Marseille, Jean-Marc Aveline, accuse: «Quand les institutions politiques interdisent aux ONG de porter secours aux naufragés, c'est un crime.»

Le pape prend alors la parole et dénonce «le fanatisme de l'indifférence» face aux «naufrages provoqués par des trafics odieux». Il parle de «cette mer magnifique devenue un immense cimetière où de nombreux frères et sœurs sont privés du droit à une tombe et où seule est ensevelie la dignité humaine». 

Et pour ceux qui survivent, il ajoute: «Souvent lorsque nous les renvoyons, ils vont être encore emprisonnés et torturés.»

Darmanin à contre-pied

 

En France, ce message papal prend une dimension politique aiguë au moment de la brusque augmentation des arrivées de migrants sur l'île de Lampedusa. Mardi soir, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a fermé symboliquement les portes du pays: 

«La France n'accueillera pas de migrants qui viennent de Lampedusa», a-t-il affirmé, annonçant un renforcement des forces de police qui surveillent la frontière italienne. Un discours de fermeté qui tranche avec celui du pape.

L'autre contexte d'actualité est le projet de loi sur l'immigration que le gouvernement présentera bientôt au parlement. Il vise à accélérer les procédures d'asile et le renvoi des déboutés, mais prévoit aussi une régularisation des migrants illégaux employés dans des secteurs en manque de main-d’œuvre. 

Favorables au premier volet, les Républicains refusent le deuxième; récemment, le chef du groupe au Sénat, Bruno Retailleau, dénonçait même «la submersion de migrants». Pour LR aussi, le message papal est encombrant.

Mais les plus embarrassés par cette visite sont la droite nationaliste et particulièrement le parti Reconquête! d'Eric Zemmour, ardent défenseur de la civilisation occidentale et de ses racines chrétiennes. 

Or, les valeurs chrétiennes mises en avant par le pape à Marseille ne sont décidément pas les leurs. Non seulement par sa défense de la dignité des migrants, mais aussi par la préoccupation du dialogue interreligieux et interculturel qui est un des thèmes majeurs des Rencontres méditerranéennes.

C'est d'ailleurs de Reconquête! que sont venues les attaques les plus vives. «Je suis en désaccord avec le pape François», a déclaré la semaine dernière Marion Maréchal: 

«Il a son prisme de Sud-Américain qui ne connaît pas le type d'immigration que nous connaissons et qui manifestement ne mesure pas ce à quoi nous sommes confrontés.» 

Stéphane Ravier, l'unique sénateur du parti, accuse le pape «d'accentuer le suicide européen par l'immigration», tandis qu'Eric Zemmour est encore plus tranchant: «Qu'est-ce qu'il veut, le pape? Il veut que l'Europe chrétienne, berceau du christianisme, devienne une terre islamique?»

Le patron de Reconquête! a même cité saint Augustin sur BFMTV: «On ne peut pas faire le bien jusqu'au mal.» Citation que les spécialistes ont vainement recherchée et jugent fantaisiste. 

«Pour l'interprétation de l'Évangile, je vais m'en remettre au Saint-Père plutôt qu'à M. Zemmour», a même tranché l'abbé Simon d'Artigue, curé de la cathédrale de Toulouse.

La gauche exulte

 

Autant la droite ronchonne, autant la gauche exulte. «Ce voyage du pape à Marseille est une bénédiction», s'enthousiasme l'éditorialiste de «Libération». «Son action pour les migrants en Méditerranée peut être décisive», poste Jean-Luc Mélenchon sur X.

C'est oublier que sur le droit à l'aide active à mourir, qui devrait très bientôt faire l'objet d'un projet de loi – peut-être déjà la semaine prochaine –, le pape combat l'idée d'aide au suicide ou d'euthanasie avec autant d'ardeur qu'il condamne le droit à l'avortement. 

S’il se prononce sur cette question lors de son séjour à Marseille, il n'est pas sûr que ceux qui l'approuvent sur la migration en seront tous enchantés. Il y a toujours un moment où le message chrétien nous embarrasse…

 

 

 

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