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Ethiopie: les Oromos manifestent, un an après un festival meurtrier

Dimanche 1 Octobre 2017

Le festival religieux éthiopien Irreecha s'est mué dimanche en manifestation anti-gouvernementale pacifique, placée sous le signe de la commémoration, un an après la mort de plus de 50 participants dans un mouvement de foule provoqué par l'usage de gaz lacrymogènes par la police.
 
Comme chaque année, des dizaines de milliers de membres de l'ethnie oromo, la plus importante du pays, se sont rassemblés à Bishoftu, à environ 50 km au sud-est d'Addis Abeba, pour célébrer la fin de la saison des pluies. Mais l'évènement a pris, comme un an plus tôt, une dimension très politique.
 
Chose rare dans un pays habitué à une répression implacable des manifestations anti-gouvernementales, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues lorsque les participants ont entonné des slogans tels que "A bas le Woyane", utilisant un surnom péjoratif du gouvernement, a constaté un journaliste de l'AFP.
 
Restés à bonne distance du site festival, des policiers armés n'ont pas non plus sourcillé alors que se succédaient sur une scène de nombreux jeunes croisant les bras au dessus de la tête, signe devenu le symbole des manifestations anti-gouvernementales menées en 2015 et 2016 dans les régions Oromo (sud et ouest) et Amhara (nord), qui s'estiment marginalisées par l'exécutif éthiopien.
 
"Le gouvernement essaye de nous contrôler et de nous priver de nos droits, de nos vies et de notre sécurité", a déclaré à l'AFP Sabana Bone, un des participants. "Nous nous souvenons de ce qui s'est passé l'année passée et cela nous met en colère. Nous avons besoin de liberté".
 
Lors de l'Irreecha 2016, la police avait tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule après la reprise par une partie des participants de slogans alors utilisés depuis de nombreux mois dans les manifestations anti-gouvernementales.
 
Dans le mouvement de foule qui avait suivi, de nombreuses personnes étaient tombées les unes sur les autres dans un fossé, un drame qui avait fait 55 morts selon les autorités, bien plus selon les opposants. Dimanche, plusieurs participants arboraient des t-shirts marqués d'une bougie, en souvenir de ces victimes.
 
- 'Expansionnisme' –
 
Afin d'éviter une nouvelle catastrophe, aucun policier en uniforme n'a été déployé cette année sur le site du festival, au bord d'un lac, et le fossé dans lequel avaient péri des dizaines de personnes en 2016 a été entouré d'une clôture.
 
Les policiers armés ont regardé sans broncher les participants qui quittaient l'évènement en chantant dans les rues de Bishoftu, avant de monter dans les bus qui devaient les ramener chez eux.
 
Les régions Oromo et Amhara avaient été le théâtre en 2015 et 2016 de manifestations anti-gouvernementales, les plus importantes depuis 25 ans, dont la répression a fait plus de 940 morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l'Homme, liée au gouvernement, et mené à quelque 22.000 arrestations.
 
Ces protestations, qui ont débuté en raison d'un projet finalement abandonné d'appropriation de terres oromos pour étendre Addis Abeba, exprimaient avant tout une frustration face à ce que les protestataires perçoivent comme une sur-représentation de la minorité des Tigréens au sein de la coalition régnant sans partage depuis 1991.
 
Ces violences ont largement cessé avec l'instauration de l'état d'urgence quelques jours après l'édition 2016 du festival, mais de nombreux Oromos estiment que leurs doléances n'ont pas été entendues, et des manifestations et grèves sporadiques ont encore lieu. L'état d'urgence a finalement été levé en août.
 
Les récents affrontements inter-ethniques entre membres des ethnies oromo et somali, liés à un différend territorial et qui ont fait des centaines de morts côté oromo, selon le gouvernement, étaient également dans les esprits des participants dimanche.
 
Doyo Wako, originaire d'une région touchée par ces affrontements, a affirmé qu'il "s'agit d'expansionnisme somali, au détriment des Oromos", et "le gouvernement, selon lui, soutient les Somalis".
 
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