Dans le bulletin d’information économique de la Chambre de Commerce d’Industrie et d’Agriculture de Dakar n°997 du 15 au 30 juin 2016 consacré à la « mise en place d’un tribunal de commerce » pour les contentieux bancaires, les auteurs de cette publication disent que : « l’étude du Ministère de l’économie et des Finances révèle que CBAO Attijariwafa bank, SGBS et BICIS …sont les banques les plus impliquées dans les contentieux… »
• Et que selon notre Ministre de la justice qui est présenté par ce journal, le projet d’institution d’un Tribunal de commerce sera le « cadre d’un bon règlement des contentieux qui peuvent opposer les investisseurs et les opérateurs économiques… » Il était question dans ce journal des intérêts de ces banques étrangères, de droit sénégalais.
• La justice, qu’elle soit civile ou commerciale, est beaucoup plus lente en France qu’au Sénégal. La preuve est facile à apporter: la loi qui vient d’être votée (art 26) oblige le magistrat à juger dans un délai de 3 mois, délai attentatoire à l’acte de juger qui est un attribut constitutionnel du magistrat du siège, et aussi attentatoire au principe du procès équitable et des droits de la défense.
• Le tribunal de commerce du Sénégal sera juge des référés et juge des saisies immobilières, etc., alors que les référés et les saisies immobilières constituent en général des systèmes de voies d’exécution qui ne mettent en oeuvre que des règles de droit civil ou de procédure civile, en référence au droit de propriété garanti par la Constitution dont la protection ne peut relever que des magistrats, de même que les décisions de nature à priver les citoyens de cette propriété. Ce texte voté par notre assemblée nationale le 19 juin 2017 est passé inaperçu de la presse, des juges et des clients des banques.
Article 1er « crée des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’appel » article 4 : « le siège et le ressort ………sont fixés …en tenant compte de l’activité commerciale dans la région.
Article 9 : « les tribunaux de commerce comprennent des juges professionnels appelés juges et des juges non professionnels appelés juges consulaires »2
Article 14 : «Les tribunaux de commerce sont composés :
- d’un président ;
- d’un ou de plusieurs vice-présidents ;
- de juges ;
- de juges consulaires.
Les jugements des tribunaux de commerce sont rendus par des juges délibérant en nombre impair, assistés d’un greffier. Toutefois, le nombre des juges professionnels ne peut être supérieur à celui des juges consulaires. Les jugements sont rendus par trois juges au moins dont un juge professionnel, président, et deux juges consulaires, assesseurs »»
Article 27 : « Il est statué sur l’appel des jugements des tribunaux de commerce par la ou les chambres commerciales d’Appel instituées au sein de chaque Cour d’Appel. Outre les magistrats composant la ou les chambres commerciales d’Appel de la Cour d’appel compétente, siègent, dans les conditions prévues aux alinéas 2, 3 et 4 de l’article 14 de la présente loi, des conseillers consulaires nommées au titre III de la présente loi »
En France les juges consulaires s’arrêtent au Tribunal de Commerce. Ils ne sont pas dans les Cours d’appel. Comment quelqu’un qui n’est pas un véritable professionnel du droit et de sa pratique peut siéger dans une Cour d’appel pour reprendre le procès et le jugement signé par un magistrat de première instance ?
Article 34 : « Il est institué un Conseil de Surveillance chargé du suivi et de l’évaluation des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’Appel. Le Conseil adresse chaque année un rapport sur le fonctionnement desdits tribunaux et chambres au Ministre chargé de la Justice. Ce rapport relève notamment les dysfonctionnements et propose des mesures visant à améliorer le service. Le conseil de Surveillance adopte un règlement intérieur, définissant ses modalités de fonctionnement Le Conseil de Surveillance comprend :
- un président de chambre à la Cour suprême, désigné par le président de ladite Cour, président ;
- l’inspecteur général de l’Administration de la Justice, vice-président
- un avocat, désigné par le barreau, membre
- un administrateur des greffes désigné par le Ministre en charge de la justice, membre ;
- deux représentants des chambres consulaires et autres associations d’opérateurs économiques, désignés par le président de la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Dakar, membres
Les membres du Conseil de Surveillance sont nommés par arrêté du Ministre en charge de la Justice. Les indemnités des membres du Conseil de Surveillance sont fixées par décret.
Article 35. – Le Conseil de Surveillance assure la discipline des juges et conseillers consulaires. Il statue comme conseil de discipline des juges et conseillers consulaires. Tout manquement d’un juge ou d’un conseiller consulaire, à l’honneur, à la probité, à la discipline et aux devoirs de sa charge, constitue une faute disciplinaire.
Article 36. – Le Conseil de Surveillance peut prononcer à l’encontre des juges et conseillers consulaires, les sanctions suivantes :
- l’avertissement ;
- le blâme ;
- la déchéance
Ainsi, des hommes d’affaires choisis par les chambres de commerce accompagnés par : un avocat un greffier et un Magistrat constitueront le conseil de sanction des Magistrats du Sénégal officiant au Tribunal de commerce.
Les législateurs ont-ils lu la loi organique sur le statut des Magistrats ? Comment la sanction de la fonction constitutionnelle de juger peut-elle être confiée à des auxiliaires du juge ? et à des personnes étrangères à ce statut ?
L’INVESTISSEUR
Comment au Sénégal, si fier de ce que nous appelons notre Démocratie politique «formelle», a-t-on pu rédiger un tel texte et demander à notre Président de le présenter aux députés, et ceux-ci le voter en ayant le sentiment qu’il s’agit d’une incitation au financement de notre économie par les banques. L’exposé des motifs de cette loi impensable dit qu’il s’agit de rassurer les investisseurs. L’investisseur c’est qui ?
- le Sénégalais émigré, ou resté à l’étranger, qui revient avec son capital-retraite pour créer une société ou ouvrir quelque chose.
- le Sénégalais et l’Européen qui vendent leurs affaires pour venir mettre leur argent dans l’économie de notre pays
- le boutiquier du coin
- le jeune cadre instruit et diplômé qui crée son entreprise
- ---et qui d’autres ?
empruntant aux banques pour compléter leur épargne, donnant leur maison en garantie... Quoi de plus normal que de laisser les Tribunaux normaux juger normalement les choses.
Les banques ne prêtent-elles pas avec l’épargne des Sénégalais pour rapatrier leur bénéfice à l’étranger ? Aucune faveur ne doit être accordée ni aux banques ni à leurs clients.
La nouvelle loi votée le 19 juin 2017 est contraire au Droit et aux droits des hommes et des femmes qui veulent entreprendre au Sénégal. C’est l’insécurité juridique par définition lorsque des hommes d’affaires désignés par d’autres hommes d’affaires, des professions libérales et des greffiers auxiliaires des magistrats, contrôlent ces derniers dans leur travail de juge et reçoivent le pouvoir de juger leur travail et de les sanctionner.
La Constitution, la séparation des pouvoirs et l’indépendance des juges n’ont plus de sens. C’est aussi une hérésie dans l’usage des concepts juridiques et des règles d’organisation judiciaire hérités du droit français que de livrer la propriété immobilière à des juges consulaires désignés par des chambres de commerce. Ce texte pour les banques constitue une agression directe contre nos juges d’une compétence avérée, et contre toutes les personnes morales et physiques qui travaillent au Sénégal avec les banques.
Qui t’a fait Roi ? William Shakespeare au Roi LEAR.
Il y a des choses que nous ne pouvons pas ne pas combattre pendant qu’il est temps. Il y a des choses que le Sénégal, vitrine du droit et des libertés, ne peut admettre.
Me Doudou Ndoye, avocat, ancien député, ancien ministre
• Et que selon notre Ministre de la justice qui est présenté par ce journal, le projet d’institution d’un Tribunal de commerce sera le « cadre d’un bon règlement des contentieux qui peuvent opposer les investisseurs et les opérateurs économiques… » Il était question dans ce journal des intérêts de ces banques étrangères, de droit sénégalais.
• La justice, qu’elle soit civile ou commerciale, est beaucoup plus lente en France qu’au Sénégal. La preuve est facile à apporter: la loi qui vient d’être votée (art 26) oblige le magistrat à juger dans un délai de 3 mois, délai attentatoire à l’acte de juger qui est un attribut constitutionnel du magistrat du siège, et aussi attentatoire au principe du procès équitable et des droits de la défense.
• Le tribunal de commerce du Sénégal sera juge des référés et juge des saisies immobilières, etc., alors que les référés et les saisies immobilières constituent en général des systèmes de voies d’exécution qui ne mettent en oeuvre que des règles de droit civil ou de procédure civile, en référence au droit de propriété garanti par la Constitution dont la protection ne peut relever que des magistrats, de même que les décisions de nature à priver les citoyens de cette propriété. Ce texte voté par notre assemblée nationale le 19 juin 2017 est passé inaperçu de la presse, des juges et des clients des banques.
Article 1er « crée des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’appel » article 4 : « le siège et le ressort ………sont fixés …en tenant compte de l’activité commerciale dans la région.
Article 9 : « les tribunaux de commerce comprennent des juges professionnels appelés juges et des juges non professionnels appelés juges consulaires »2
Article 14 : «Les tribunaux de commerce sont composés :
- d’un président ;
- d’un ou de plusieurs vice-présidents ;
- de juges ;
- de juges consulaires.
Les jugements des tribunaux de commerce sont rendus par des juges délibérant en nombre impair, assistés d’un greffier. Toutefois, le nombre des juges professionnels ne peut être supérieur à celui des juges consulaires. Les jugements sont rendus par trois juges au moins dont un juge professionnel, président, et deux juges consulaires, assesseurs »»
Article 27 : « Il est statué sur l’appel des jugements des tribunaux de commerce par la ou les chambres commerciales d’Appel instituées au sein de chaque Cour d’Appel. Outre les magistrats composant la ou les chambres commerciales d’Appel de la Cour d’appel compétente, siègent, dans les conditions prévues aux alinéas 2, 3 et 4 de l’article 14 de la présente loi, des conseillers consulaires nommées au titre III de la présente loi »
En France les juges consulaires s’arrêtent au Tribunal de Commerce. Ils ne sont pas dans les Cours d’appel. Comment quelqu’un qui n’est pas un véritable professionnel du droit et de sa pratique peut siéger dans une Cour d’appel pour reprendre le procès et le jugement signé par un magistrat de première instance ?
Article 34 : « Il est institué un Conseil de Surveillance chargé du suivi et de l’évaluation des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’Appel. Le Conseil adresse chaque année un rapport sur le fonctionnement desdits tribunaux et chambres au Ministre chargé de la Justice. Ce rapport relève notamment les dysfonctionnements et propose des mesures visant à améliorer le service. Le conseil de Surveillance adopte un règlement intérieur, définissant ses modalités de fonctionnement Le Conseil de Surveillance comprend :
- un président de chambre à la Cour suprême, désigné par le président de ladite Cour, président ;
- l’inspecteur général de l’Administration de la Justice, vice-président
- un avocat, désigné par le barreau, membre
- un administrateur des greffes désigné par le Ministre en charge de la justice, membre ;
- deux représentants des chambres consulaires et autres associations d’opérateurs économiques, désignés par le président de la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Dakar, membres
Les membres du Conseil de Surveillance sont nommés par arrêté du Ministre en charge de la Justice. Les indemnités des membres du Conseil de Surveillance sont fixées par décret.
Article 35. – Le Conseil de Surveillance assure la discipline des juges et conseillers consulaires. Il statue comme conseil de discipline des juges et conseillers consulaires. Tout manquement d’un juge ou d’un conseiller consulaire, à l’honneur, à la probité, à la discipline et aux devoirs de sa charge, constitue une faute disciplinaire.
Article 36. – Le Conseil de Surveillance peut prononcer à l’encontre des juges et conseillers consulaires, les sanctions suivantes :
- l’avertissement ;
- le blâme ;
- la déchéance
Ainsi, des hommes d’affaires choisis par les chambres de commerce accompagnés par : un avocat un greffier et un Magistrat constitueront le conseil de sanction des Magistrats du Sénégal officiant au Tribunal de commerce.
Les législateurs ont-ils lu la loi organique sur le statut des Magistrats ? Comment la sanction de la fonction constitutionnelle de juger peut-elle être confiée à des auxiliaires du juge ? et à des personnes étrangères à ce statut ?
L’INVESTISSEUR
Comment au Sénégal, si fier de ce que nous appelons notre Démocratie politique «formelle», a-t-on pu rédiger un tel texte et demander à notre Président de le présenter aux députés, et ceux-ci le voter en ayant le sentiment qu’il s’agit d’une incitation au financement de notre économie par les banques. L’exposé des motifs de cette loi impensable dit qu’il s’agit de rassurer les investisseurs. L’investisseur c’est qui ?
- le Sénégalais émigré, ou resté à l’étranger, qui revient avec son capital-retraite pour créer une société ou ouvrir quelque chose.
- le Sénégalais et l’Européen qui vendent leurs affaires pour venir mettre leur argent dans l’économie de notre pays
- le boutiquier du coin
- le jeune cadre instruit et diplômé qui crée son entreprise
- ---et qui d’autres ?
empruntant aux banques pour compléter leur épargne, donnant leur maison en garantie... Quoi de plus normal que de laisser les Tribunaux normaux juger normalement les choses.
Les banques ne prêtent-elles pas avec l’épargne des Sénégalais pour rapatrier leur bénéfice à l’étranger ? Aucune faveur ne doit être accordée ni aux banques ni à leurs clients.
La nouvelle loi votée le 19 juin 2017 est contraire au Droit et aux droits des hommes et des femmes qui veulent entreprendre au Sénégal. C’est l’insécurité juridique par définition lorsque des hommes d’affaires désignés par d’autres hommes d’affaires, des professions libérales et des greffiers auxiliaires des magistrats, contrôlent ces derniers dans leur travail de juge et reçoivent le pouvoir de juger leur travail et de les sanctionner.
La Constitution, la séparation des pouvoirs et l’indépendance des juges n’ont plus de sens. C’est aussi une hérésie dans l’usage des concepts juridiques et des règles d’organisation judiciaire hérités du droit français que de livrer la propriété immobilière à des juges consulaires désignés par des chambres de commerce. Ce texte pour les banques constitue une agression directe contre nos juges d’une compétence avérée, et contre toutes les personnes morales et physiques qui travaillent au Sénégal avec les banques.
Qui t’a fait Roi ? William Shakespeare au Roi LEAR.
Il y a des choses que nous ne pouvons pas ne pas combattre pendant qu’il est temps. Il y a des choses que le Sénégal, vitrine du droit et des libertés, ne peut admettre.
Me Doudou Ndoye, avocat, ancien député, ancien ministre