Connectez-vous

Tigré : la Commission éthiopienne des droits de l’homme accuse les troupes érythréennes d’avoir tué plus d’une centaine de personnes à Aksoum

Mercredi 24 Mars 2021

 Cet organisme indépendant, rattaché au gouvernement éthiopien, rejoint les conclusions d’Amnistie internationale et de Human Rights Watch (HRW) qui avaient affirmé dans de précédents rapports que des centaines de civils avaient été massacrés à Aksoum fin novembre 2020 dans ce qui s’apparente à des crimes contre l’humanité.
 
« Les informations recueillies au cours de cette enquête préliminaire confirment que pendant les journées du 28 et 29 novembre, de graves violations des droits de l’homme ont été commises et qu’à Aksoum, plus d’une centaine d’habitants […] ont été tués par des soldats érythréens », affirme l’EHRC, en précisant que « ces chiffres ne sont pas définitifs ».
 
« Ces graves violations des droits humains pouvant constituer des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre », l’EHRC souligne « la nécessité d’une enquête approfondie sur la situation générale des droits humains dans la région du Tigré ».
 
Le Tigré est le théâtre de combats depuis le lancement, le 4 novembre, par le gouvernement éthiopien, d’une intervention militaire visant à renverser le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), le parti au pouvoir dans cette région du nord du pays. La victoire a été proclamée le 28 novembre, mais des combats persistent.
 
Après des mois de démentis officiels d’Addis Abeba et d’Asmara, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a pour la première fois admis publiquement mardi la présence au Tigré de troupes venues de l’Erythrée voisine, évoquant une « faveur » faite par Asmara à l’Ethiopie. Il a toutefois jugé « inacceptables » les atteintes aux civils commises dans la région par les deux armées.
 
Porte-à-porte
Depuis plusieurs semaines, les récits de massacres et de violences sexuelles perpétrés par les forces pro-gouvernementales, éthiopiennes comme érythréennes, se multiplient.
 
Les évènements qui se sont déroulés les 28 et 29 novembre à Aksoum, ville du nord du Tigré classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, constituent une des « atrocités parmi les pires documentées à ce jour dans ce conflit », estimait Amnistie en février.
 
L’EHRC a pu se rendre à Aksoum, ce que n’avaient pu faire Amnistie et HRW, forcées d’enquêter à distance.
 
Elle a recueilli les témoignages de survivants, de témoins, de responsables locaux et de personnels médicaux, ainsi que « des preuves matérielles, dont des (preuves) vidéo, audio et photo ».
 
Les pires violences ont commencé le 28 novembre, au lendemain de l’arrivée de troupes érythréennes dans la ville.
 
« Les soldats érythréens ont fait du porte-à-porte pour demander aux femmes où étaient leurs maris ou leurs enfants et leur disaient de “faire sortir leurs fils si elles en avaient” », indique le rapport.
 
Les témoignages glaçants d’exécutions sommaires évoquent une mère tuée alors qu’elle courait retrouver sa fille, des hommes exécutés sous les yeux de leurs femmes et de leurs enfants, ou d’autres encore abattus alors qu’ils voulaient récupérer des corps de victimes dans la rue…
 
Dans ce climat de terreur, des cadavres sont restés plusieurs jours dans les rues, parfois déchiquetés par des animaux. 
 
Certains de ces actes visaient spécifiquement les Tigréens. Un témoin raconte ainsi que des soldats érythréens, en fouillant des maisons, « ont trouvé deux résidents dont ils ont établi qu’ils ne pouvaient pas parler le tigrinya (la langue locale) et ils les ont laissés partir, tandis qu’ils ont sorti les autres du bâtiment et les ont abattus ».
 
Hôpitaux pillés, églises profanées
Les habitants d’Aksoum ont également « déploré » l’inaction des forces éthiopiennes alors que les troupes érythréennes profanaient les églises de la ville ancienne.
 
L’EHRC rapporte également des pillages d’hôpitaux (médicaments, lits, matelas…) par des soldats éthiopiens et érythréens à partir du 19 novembre.
 
Les autorités érythréennes ont toujours rejeté les accusations de massacre à Aksoum.
 
L’ONU et la communauté internationale s’alarment des récits venant du Tigré, et ont demandé le départ des troupes érythréennes de la région.
 
Le président américain Joe Biden a envoyé un émissaire à Addis Abeba pour faire part à Abiy Ahmed de ses « graves inquiétudes » sur « la crise humanitaire et les violations des droits de l’homme » au Tigré.
 
Son secrétaire d’État Antony Blinken avait évoqué mi-mars lors d’une audition parlementaire des « actes de nettoyage ethnique », qu’avait démentis le gouvernement éthiopien.
 
La Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Michelle Bachelet a demandé début mars une « enquête objective et indépendante » après avoir « corroboré de graves violations » susceptibles de constituer des « crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». (AFP)
Nombre de lectures : 151 fois











Inscription à la newsletter