« Depuis plusieurs années, les activités d’extraction de zircon et autres minerais » par l’entreprise minière Grande Cote Opérations (GCO), une filiale de la multinationale française ERAMET installée au Sénégal, « suscitent de vives inquiétudes parmi les populations locales », écrit le député Benoît Bineau au ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères dans une question écrite intitulée « Impact des activités du Groupe Eramet au Sénégal »
Dans cette missive publiée dans le Journal officiel de la République Français en date du 1er avril 2025, le député du groupe Ecologique et Social (gauche) installe ainsi le dossier de GCO/ERAMET dans l’agenda parlementaire français au moment où il fait l’objet, au Sénégal, de vives controverses, d’accusations, de contre-accusations et de procès judiciaires. Elu de la 2e circonscription de Charente-Maritime, il est membre du Groupe d’amitié France - Sénégal.
« En effet, plusieurs milliers de paysans ont été contraints de céder leurs terres pour laisser place à l’exploitation minière, sans pour autant recevoir des indemnités équitables », rapporte Benoît Biteau au chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot.
A ce dernier, il demande à connaitre « les engagements pris par le Gouvernement (français) pour veiller à ce que les entreprises françaises opérant à l’international respectent les normes strictes en matière de droits humains et de respect de l’environnement ».
En décembre 2024, le ministre de l'Environnement et de la Transition écologique, Daouda Ngom, s'était rendu dans la zone de Lompoul. Mais selon notre confrère Pressafrik, l'objectif de ce déplacement était surtout de se rendre compte des réalisations de GCO, et donc pas forcément des souffrances des populations déstabilisées par les activités minières de la filiale d'ERAMET.
Quels engagements du gouvernement français ?
En activité au Sénégal depuis 2014, Grande Cote Opérations se présente comme le « 5e producteur mondial de matières premières titanifères, 4e producteur mondial de zircon » et « acteur majeur dans les sables minéralisés », lit-on sur son site internet. C’est précisément dans l’exploitation intensive du zircon que les populations locales de Lompoul et environnant, sous-tendes par des organisations de la société civile, accusent la filiale d’ERAMET de crimes écologiques entre autres dégâts industriels.
« L’impact environnemental de ces opérations est dévastateur », souligne le député français Benoît Biteau. Cela donne : « destruction d’un écosystème unique, épuisement des ressources en eau et altération des terres agricoles vitales pour la production de légumes dans les Niayes, région essentielle pour l’agriculture sénégalaise », souligne le parlementaire.
En mars 2025, dans une « lettre ouverte à la presse » et interpellant le Président et le Premier ministre du Sénégal, une vingtaine de personnalités, d’intellectuels et d’artistes sénégalais ont demandé un moratoire dans les activités de GCO pour la réalisation d’un audit environnemental et économique indépendant public sur le site d’exploitation de Lompoul.
Dans cette même correspondance titrée « Qui protège ERAMET GCO et lui permet de piétiner les lois du Sénégal et la dignité de son peuple ?», les auteurs réclament pour les populations locales déplacées et impactées « des compensations dignes et immédiates », « une transparence totale sur les contrats miniers, les profits générés et les impôts réellement payes par GCO ».
Selon Benoît Biteau, l’écologie et l’environnement ne sont pas les seules victimes des activités minières intensives de GCO. Egalement, ce projet a conduit à des délocalisations forcées de populations », imposé « des conditions de vie précaires pour les personnes déplacées » et engendré « des pertes économiques considérables pour les exploitants agricoles et les entreprises touristiques locales ».
Les conséquences de cette situation sont rapportées à la pelle par les auteurs de la lettre ouverte :
« Pendant que GCO s’enrichit outrageusement, les habitants des Niayes, eux, subissent encore la misère. L’eau n’est pas propre à la consommation, les terres détruites, les cimetières profanés, les dunes effacées, les familles déplacées. Des hommes et des femmes meurent, comme Diary KEÏTA, 36 ans, décédée après avoir bu une eau impropre dans un village de recasement. Les cimetières sont rasés, les mosquées et les écoles détruites, les récoltes anéanties. Pendant que des vies sont brisées, GCO engrange des milliards, en toute impunité. N’avons-nous là pas la caricature d’une entreprise néocoloniale dans tout ce qu’elle a de plus inique ? »
Pour le parlementaire Biteau, « les autorités sénégalaises semblent soutenir » les activités néfastes de GCO dans la zone de Lompoul en dépit de la faiblesse et de l’insuffisance des indemnisations attribuées aux populations concernées.
Les auteurs de la lettre ouverte susmentionnée ne sont pas loin d’être sur la même ligne que le parlementaire français. Eux aussi se posent plusieurs questions sur la posture du gouvernement sénégalais.
« Qui protège Eramet ? »
D’abord en termes d’équité avec d’autres sociétés minières des le paiement de redevances :
« comment expliquer qu’en une décennie, d’après le quotidien Libération du 17 janvier 2025, GCO ait généré plus de 1 106 milliards de FCFA de Chiffre d’Affaires tout en ne reversant que 51 milliards de redevances minières à l’État sénégalais, soit à peine 4,64 % des richesses extraites de notre sol ? Comment accepter que cette même entreprise n’ait jamais reversé la quote-part de 10 % de dividendes qui revient de droit à l’Etat, contrairement à toutes les entreprises sénégalaises soumises à cette obligation ? «
Ensuite sous l’angle des obligations fiscales :
« comment accepter que cette entreprise qui affirme ne pas frauder au niveau du versement de ses impôts et de ses redevances minières, ait déjà subit des redressements fiscaux et douaniers d’un total de 18,4 milliards de FCFA depuis le début de ses activités (source rapport ITIE) ? Comment accepter, d’après toujours les rapports de l’ITIE, que cette entreprise n’ait déposé que 274 millions de garantie de réhabilitation à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), alors que des milliers d’hectares sont concernés par cette exploitation qui avale sur 15m terres, flore, faune, écosystèmes et nappe phréatique de surface ? »
Sur le site d’Eramet, GCO revendique « une politique environnementale volontariste dans le but de réduire et maitriser les impacts de ses activités sur les dunes et plus particulièrement sur les terres maraîchères ». L’entreprise se projette en « acteur contributif au développement du pays et au bien-être des populations locales…»