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Retraites: grèves et manifs face à un pouvoir inflexible

Jeudi 23 Mars 2023


Voies de chemin de fer bloquées, trafic perturbé, grèves: pour cette neuvième journée d'action contre la réforme des retraites, les syndicats tablent sur une forte mobilisation, au lendemain d'une intervention du président de la République qui a hérissé les opposants.
 
Cette journée est la première organisée au niveau national après l'adoption de la loi via l'arme constitutionnelle du 49.3, le 16 mars.
 
"Un déni de démocratie et un mépris du peuple", pour Clélia Megoz, enseignante de 24 ans qui manifestait jeudi matin à Clermont-Ferrand, estimant que "le gouvernement a réussi à fédérer tout le monde contre lui".
 
Les critiques visent particulièrement le président de la République, qui "prend plaisir à attiser les flammes" selon Hugues Lecat, 49 ans, rencontré sur un barrage filtrant dans la zone industrielle d'Amiens-Nord. Cet employé d'une entreprise de peinture prévient: "S'il ne nous écoute pas, on ira plus loin".
 
Pour l'heure, les syndicats appellent de nouveau à une mobilisation "massive", après la journée en demi-teinte du 15 mars (1,5 million de manifestants selon les organisateurs, 480.000 d'après les autorités). La police attend cette fois-ci "entre 600 et 800.000 personnes sur environ 320 actions", dont 40 à 70.000 à Paris, où le cortège s'élancera à 14H00 de la place de la Bastille, en direction de la place de l'Opéra.
 
Environ 500 gilets jaunes et 500 éléments radicaux sont attendus dans la capitale, et "en province plus d'une dizaine de villes verront des démonstrations de l'ultra gauche". Après une semaine marquée par des échauffourées quotidiennes, la crainte de débordements est amplifiée par la fermeté de l'exécutif.
 
- "Une gifle" -
 
Emmanuel Macron n'a en effet pas dévié de son cap, réaffirmant mercredi que sa réforme était "nécessaire", qualifiant les auteurs de violences de "factieux" et égratignant au passage les syndicats, et particulièrement la CFDT, accusés de ne pas avoir su "propose(r) un compromis".
 
"Cibler la CFDT, c'est idiot. Je n'ai jamais renoué le dialogue en mettant une gifle à quelqu'un", a répondu Laurent Berger, jeudi sur BFMTV et RMC. Pour le patron du premier syndicat français, ces propos ont "sans doute renforcé la détermination pour les manifestations aujourd'hui, (qu'il) espère nombreuses, pacifiques et responsables".
 
Les autres leaders syndicaux ont dénoncé à l'unisson le "mépris" et le "déni" du chef de l'Etat, attendu jeudi en début d'après-midi à Bruxelles pour un conseil européen.
 
Pendant ce temps, les grèves entrainaient de nombreuses perturbations, notamment dans les transports. A la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER circulaient, tandis que la RATP faisait état d'un trafic "très perturbé" dans le métro parisien, avec une trentaine de stations "fermées au public". Les voies de la gare de Lyon à Paris ont également été envahies par plusieurs centaines de manifestants interrompant la circulation des trains. 
 
A Quimper, des manifestants ont bloqué les accès à la gare et occupé les voies dès l'aube. Des dépôts de bus ont aussi été bloqués par des manifestants à Rennes, Saint-Brieuc et Evreux. 
 
Quelques dizaines de personnes ont également fait irruption à l'aéroport de Roissy, bloquant durant une heure les accès au terminal 1 avant d'en être délogés dans le calme. Le risque vient aussi de l'approvisionnement en kérosène, qui "devient critique" pour l'Ile-de-France et ses grands aéroports, en raison des grèves dans les raffineries, a fait savoir le ministère de la Transition énergétique.
 
A tel point que le gouvernement a "pris un arrêté de réquisition" à l'égard des grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Normandie, mise à l'arrêt le week-end dernier et où les expéditions de carburants sont bloquées.
 
- Baroud d'honneur -
 
Dans l'Education nationale où un regain de mobilisation était attendu, le ministère a comptabilisé 23,22% de grévistes dans le primaire et 19,61% dans le secondaire. 
 
Premier syndicat dans les écoles, le Snuipp-FSU prévoyait entre 40 et 50% de grévistes chez les professeurs du primaire et son homologue du second degré, le Snes-FSU, 50% dans les collèges et lycées.
 
L'agitation gagne aussi une partie de la jeunesse. Des dizaines de lycées et d'universités étaient ainsi bloqués en France. 
 
Même la peu révolutionnaire faculté de droit d'Assas, à Paris, où Redouane, étudiant de 23 ans, veut "montrer le mécontentement face à cette réforme".
 
"Pour nous, la retraite c'est loin, mais on se sent quand même concernés", explique Emma, 19 ans, devant le prestigieux lycée Louis-le-Grand. 
 
A Marseille, Aliona, 17 ans et en première au lycée Saint-Charles, est elle allée défiler avec les syndicats "pour (sa) mère qui ne peut pas manifester parce qu'elle a des problèmes d'essence".
 
La mobilisation de jeudi sera-t-elle un baroud d'honneur, ou un bouquet final avant que la contestation ne s'éteigne ? 
 
Selon une source proche du gouvernement, l'exécutif espère que la mobilisation "s'étiole" après la manifestation de jeudi, et que tout rentre dans l'ordre "ce week-end".
Mais l'intersyndicale ne désarme pas: elle se retrouvera jeudi soir au siège de la CFDT à Paris.
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