Connectez-vous

Mélenchon et l'effet domino incertain du vote "utile" contre l'extrême droite

Vendredi 8 Avril 2022

Jean-Luc Mélenchon engrange depuis quelques jours des soutiens plaidant pour éliminer Marine Le Pen dès le premier tour de la présidentielle dimanche, à l'image vendredi de Christiane Taubira, mais l'incertitude demeure sur l'ampleur et l'efficacité de ce vote utile.
 
Le communiqué de l'ancienne Garde des Sceaux, un temps candidate, a mis en ébullition les comptes insoumis sur les réseaux sociaux, conscients que ce domino-là était un signal fort pour des électeurs de gauche en recherche de boussole.
 
Pour éliminer l'extrême droite, dont l'arrivée au pouvoir est "plausible" au vu des récents sondages, il faut le faire "dès le premier tour", écrit Christiane Taubira. "Le candidat de gauche en situation de le faire est aujourd'hui Jean-Luc Mélenchon", ajoute-t-elle à propos du troisième dans les enquêtes d'opinion.
 
Cette prise de position au dernier jour de campagne succède à de nombreuses autres chez des militants, cadres et personnalités de gauche.
 
Eric Labbé, attaché de presse de 50 ans, pensait au départ voter pour l'écologiste Yannick Jadot, mais va opter pour le candidat de La France insoumise, dont il ne partage pourtant pas la position "non alignée" à l'international. "Je fais une fixette sur le vote utile depuis 2002 (et l'élimination de Lionel Jospin au profit de Jean-Marie Le Pen, NDLR). J'ai fait la même chose en 2017", confie-t-il à l'AFP.
 
Il déplore la désunion de la gauche - "six candidats pour 30% c'est quand même magique" - et constate que Jean-Luc Mélenchon s'est détaché à travers la "primaire sauvage des sondages".
 
Pour lui, le vote de conviction au premier tour est dépassé: "Avant le schéma était clair, on votait Verts, PCF ou PS au premier et on votait PS au second tour. Mais maintenant, il y a trois blocs, il n'y a plus (automatiquement) de gauche au second tour".
 
- Siphon -
 
Des positions similaires de la part de militants engagés dans des partis ont mis en émoi leurs états-majors. Ainsi jeudi, les dizaines de membres de Générations ayant participé à un appel à voter Mélenchon, sur Médiapart, ont été suspendus par la direction du mouvement fondé par Benoît Hamon. Une décision "bureaucratique" à rebours de "l'histoire", a dénoncé Roberto Romero, l'un des signataires de la tribune et figure de Générations.
Des militants EELV ont aussi affirmé sur les réseaux sociaux avoir été suspendus.
 
Côté personnalités, l'écrivain Pierre Lemaître, entre autres, a tweeté: "Pour battre l'extrême droite, je préfère voter Mélenchon au 1er tour que voter Macron au 2e".
 
Souvent, l'argument du "barrage à l'extrême droite" en côtoie d'autres. Ces appels soulignent qu'une qualification d'un candidat de gauche permettrait d'aborder les thèmes chers à cette famille politique, et souvent remisés au second plan du débat public: partage des richesses, écologie, libertés publiques...
 
Même chez les sympathisants socialistes, "il y a cette tentation", glisse un cadre de la campagne d'Anne Hidalgo, en difficulté autour de 2%.
 
Jean-Luc Mélenchon "a exactement fait ce qu'il avait fait en 2017, il a siphonné les électeurs de gauche", constate pour l'AFP le politologue Rémi Lefebvre, spécialiste de cette partie de l'échiquier politique. Il souligne que "le fameux vote utile s'est à nouveau reproduit, mais pour l'instant dans des proportions moins grandes qu'en 2017".
 
L'argument des concurrents de M. Mélenchon, qui semble en partie porter auprès de leurs sympathisants, est que Marine Le Pen monte aussi vite que lui dans les sondages, et le devance de plusieurs points. Dans ces conditions, la qualification du second est improbable, et autant alors voter pour "ses convictions".
 
"Depuis l'appel au +vote utile+, l'écart entre la deuxième et la troisième place n'a jamais été aussi élevé", tacle l'eurodéputé EELV David Cormand, soutien de Yannick Jadot, sur Twitter, qui ajoute: "L'injonction au vote tactique fédère et renforce l'extrême droite. (...) Votez comme vous voulez."
 
Le candidat communiste Fabien Roussel est particulièrement menacé par le vote utile de ses militants, parce que son parti était allié à M. Mélenchon en 2012 et 2017. Ce qui n'a pas empêché la députée communiste Elsa Faucillon d'"enrager" en voyant "des candidats de gauche tout faire pour qu'un candidat de gauche ne soit pas au second tour, alors que l'extrême droite est aux portes". (AFP)
Nombre de lectures : 101 fois











Inscription à la newsletter