Le président français Emmanuel Macron a franchi un pas supplémentaire mardi vers l’élargissement de sa dissuasion nucléaire à l’Europe, se déclarant prêt à discuter avec d’autres pays du continent du déploiement d’avions français équipés de l’arme suprême.
Cette discussion, évoquée à plusieurs reprises depuis début mars par le chef de l’État, intervient sur fond de rapprochement entre les États-Unis et la Russie et de crainte d’un désengagement militaire américain majeur sur le Vieux continent.
« Nous sommes prêts à ouvrir cette discussion. J’en définirai le cadre de manière très officielle dans les semaines et les mois qui viennent », a déclaré le président sur la chaine privée TF1. Un déploiement déjà mis en œuvre de longue date par les Américains dans un certain nombre de pays européens.
M. Macron a en revanche mis trois conditions à cette hypothèse : « la France ne paiera pas pour la sécurité des autres », ce déploiement potentiel « ne viendra pas en soustraction de ce dont [la France] a besoin » et enfin « la décision finale reviendra toujours au président de la République, chef des armées ».
Il a souligné combien de telles discussions ne modifieraient pas, selon lui, la doctrine française.
« Depuis qu’une doctrine nucléaire existe, depuis le général de Gaulle, il y a toujours eu une dimension européenne dans la prise en compte de ce qu’on appelle les intérêts vitaux. On ne le détaille pas parce que l’ambiguïté va avec la dissuasion », a-t-il relevé.
Le sujet avait été posé sur la table début mars lors d’une allocution du président français, qui avait indiqué vouloir « ouvrir le débat stratégique » sur la protection de l’Europe par le parapluie nucléaire français.
Il répondait à Friedrich Merz, alors futur chancelier allemand, qui avait jugé nécessaire que l’Europe se prépare « au pire scénario » d’une OTAN dépourvue de la garantie de sécurité américaine.
Et il s’était donné, quelques jours plus tard, jusqu’à « la fin du semestre » pour voir « s’il y a des coopérations nouvelles qui peuvent voir le jour », au sein de l’Union européenne, sur ce dossier.
« Intérêts vitaux » aussi européens
Le sujet ne cesse de prendre de la substance au fur et à mesure qu’augmentent les craintes d’un repli des États-Unis de Donald Trump, de leur désengagement en Ukraine et d’une rupture historique de leur alliance avec les Européens, qui dure depuis la Deuxième Guerre mondiale.
La France est le seul pays d’Europe occidentale, avec le Royaume-Uni, doté de l’arme nucléaire. Les autres pays européens membres de l’OTAN sont jusqu’ici sous le parapluie nucléaire américain.
En deux mois, plusieurs pays membres de l’Union européenne se sont exprimés, dont les dirigeants scandinaves, traditionnellement réservés sur la question nucléaire, mais qui se sont montrés ouverts.
Vendredi dernier, Emmanuel Macron avait déjà souligné que les « intérêts vitaux » de la France, à la base de sa stratégie de dissuasion nucléaire, intégraient aussi ceux de ses « principaux partenaires » en Europe.
Des propos prononcés aux côtés du premier ministre polonais Donald Tusk à Nancy, dans l’est de la France, où les deux hommes ont signé un traité renforçant la coopération bilatérale de défense.
Aujourd’hui, la doctrine française n’offre que des options limitées de coopération en matière de dissuasion nucléaire, telle que la participation d’avions européens aux exercices nucléaires français, en fournissant par exemple des chasseurs d’escorte.
« Le moment que nous vivons, c’est celui d’un réveil géopolitique. Notre Europe, elle a été faite d’abord pour la paix », a rappelé Emmanuel Macron mardi. Alors, « le défi des défis pour nous, c’est de rester libres ». [AFP]