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L'instinct de survie

Vendredi 20 Avril 2018

Sans surprise, le projet de loi sur le parrainage citoyen est passé sans encombre à l’assemblée nationale. Même si l’opposition a eu gain de cause en arrachant du temps conséquent pour ses questions préalables, elle a dû céder face à la mécanique implacable mise en place par l’exécutif et traduite en actes par la majorité Benno Bokk Yaakaar.
 
La surprise était impossible car tout dans cette journée a été l’objet de verrouillages systématiques contre les débats de fond dont on n’a eu qu’un bref aperçu à travers les interventions des députés de l’opposition et les répliques de la majorité. La surprise était impossible car, fondamentalement, les jeux étaient faits, et le chef de l’Etat l’avait dit, relayé par ses courroies de transmission, avant sa dérobade brusque pour les bords de Seine.
 
Ce qu’il restait en jeu dans ce dossier pour le moins sulfureux, c’était donc moins l’issue du coup de force constitutionnel planifié que la forme qu’allait emprunter ce vaudeville cauchemardesque pour la démocratie sénégalaise. Finalement, c’est l’argument majoritaire stricto sensu qui est sorti vainqueur d’un duel où la morale politique n’a jamais eu sa place.
 
Les reniements trop flagrants et pour le moins cyniques du ministre de la Justice par rapport à des questions majeures foulées aux pieds par ce parrainage scélérat n’ont échappé à personne de ceux qui ont suivi ses productions liées à la gouvernance juridique de la démocratie sénégalaise depuis plusieurs années.
 
C’est grave certes, mais cela relève davantage du registre des ambitions personnelles qui l’ont placé en première ligne dans la guérilla parlementaire active de ce 19 avril 2018. L’essentiel est ailleurs, sous des dehors beaucoup plus simples à appréhender.
 
L’histoire retiendra que Macky Sall, juge et partie, président en exercice de la république du Sénégal, candidat déclaré à l’élection présidentielle du 24 février 2019, a unilatéralement et violemment modifié les règles du jeu électoral en confisquant le fichier des candidatures adverses potentielles.
 
L’histoire retiendra que le président Sall, au lieu de mettre toute son énergie dans le rétablissement de la confiance perdue des électeurs après le fiasco retentissant des législatives de juillet 2017, a choisi d’ouvrir une page d’aventure personnelle et égoïste. Cette même histoire retiendra l’arrogance silencieuse et ostentatoire déployée contre des Sénégalais justement opposés à ce projet de capture de la démocratie et des libertés politiques des citoyens.
 
On peut passer sur le mépris administré à tous ces chefs religieux -mais «simples citoyens» - qui ont fait prévaloir le souci de la paix sociale sur l’égoïsme démesuré d’un candidat plus que jamais sans limites. Non, le pire pour la démocratie au Sénégal est peut-être devant nous, en état de maturation dans les ateliers d’un pouvoir pris par la panique que peut conseiller l’instinct de survie. 
 
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