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En Espagne, une aministie controversée pour les séparatistes catalans

Jeudi 14 Mars 2024

Le Parlement espagnol a approuvé jeudi un projet de loi d’amnistie controversé visant à pardonner les crimes ― avérés ou présumés ― commis par les séparatistes catalans lors d’une tentative chaotique d’organiser un référendum d’indépendance dans la région il y a six ans.

 

Le premier ministre socialiste Pedro Sánchez a présenté l’amnistie comme un moyen de laisser derrière la tentative de sécession de 2017 par les dirigeants de la Catalogne, une région du nord-est centrée autour de Barcelone où plusieurs parlent la langue catalane locale ainsi que l’espagnol.

 

Toutefois, le projet de loi a également rencontré l’opposition de millions d’Espagnols qui estiment que les personnes qui ont provoqué l’une des plus grandes crises politiques de l’histoire de l’Espagne devraient faire face à des accusations telles que le détournement de fonds et la promotion du désordre public.

 

M. Sánchez a déjà gracié neuf dirigeants indépendantistes catalans emprisonnés, une mesure qui a permis de panser les plaies à peu de frais sur le plan politique. Mais l’amnistie s’avère beaucoup plus conflictuelle.

 

Le projet de loi a été adopté par 178 voix contre 172 pour à la chambre basse du Parlement de Madrid, qui compte 350 sièges.

 

La crise de sécession a éclaté en 2017, lorsqu’une administration régionale dirigée par Carles Puigdemont a organisé un référendum sur l’indépendance, défiant les ordres du gouvernement national et une décision de la plus haute cour d’Espagne selon laquelle cela violait la constitution. Madrid a envoyé la police pour tenter d’empêcher la tenue du référendum, ce qui a donné lieu à des manifestations qui ont tourné à la violence.

 

Le Parlement catalan a déclaré l’indépendance le 27 octobre de la même année, mais n’a pas réussi à obtenir le soutien de la communauté internationale. M. Puigdemont et plusieurs autres hauts fonctionnaires ont ensuite fui l’Espagne.

 

Des centaines ou des milliers de personnes en Catalogne sont menacées de poursuites judiciaires liées au référendum ou aux manifestations, et M. Puigdemont et d’autres dirigeants sont toujours à l’étranger.

 

Des enquêtes judiciaires récentes ont accusé l’ancien président régional de terrorisme pour avoir prétendument organisé des manifestations massives qui ont violemment affronté la police et fermé des routes, des lignes ferroviaires et l’aéroport de Barcelone en 2019.

 

M. Sánchez a accepté l’amnistie pour s’assurer le soutien de deux partis séparatistes catalans, après qu’une élection nationale non concluante en juillet dernier les ait transformés en faiseurs de rois.

 

L’opposition conservatrice accuse M. Sánchez de brader l’État de droit en échange d’un nouveau mandat au palais de la Moncloa et a organisé d’importantes manifestations de rue au cours des derniers mois.

 

Le porte-parole parlementaire du parti socialiste, Patxi López, a défendu jeudi le projet de loi comme une démarche de « réconciliation » avec la Catalogne.

 

Le leader du Parti populaire, Alberto Núñez Feijóo, a répliqué en déclarant qu’il ne s’agissait pas d’une réconciliation, mais d’une soumission.

 

Il n’est pas clair si l’accord ajoutera de la stabilité au gouvernement minoritaire de M. Sánchez : Junts, un parti séparatiste dirigé par M. Puigdemont, a déclaré que M. Sánchez leur devait l’amnistie pour avoir soutenu sa tentative de rester au pouvoir, et que leur soutien éventuel à ses politiques dépendrait de ce qu’ils pourraient obtenir en retour.

 

Le projet de loi doit encore franchir un certain nombre d’étapes procédurales avant de devenir une loi. Le Sénat, à majorité conservatrice, devrait le rejeter, ce qui signifierait que la chambre basse du Parlement devrait le voter une seconde fois pour le faire passer.

 

Le parti de M. Sánchez a eu beaucoup de mal à élaborer un projet de loi qui satisfasse les séparatistes et qui sera certainement examiné de près par les tribunaux. Le Parlement a rejeté une première version du projet de loi à la fin du mois de janvier, lorsque Junts a déclaré qu’il ne protégeait pas suffisamment M. Puigdemont. Le projet de loi a ensuite été renvoyé à une commission parlementaire, où il a été modifié pour répondre aux besoins de Junts.

 

M. Puigdemont vit désormais en Belgique, où il est devenu membre du Parlement européen. Fugitif de la justice espagnole, il se considère comme un exilé politique.

 

Le vote de jeudi intervient un jour après que le dirigeant régional de la Catalogne ait convoqué des élections anticipées. Cette décision a ajouté de l’incertitude à la politique espagnole et conduit M. Sánchez à annuler ses projets de budget pour 2024 en raison des difficultés qu’il aurait eues à obtenir le soutien des deux partis séparatistes en période électorale.

 

Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l’université autonome de Barcelone, a indiqué que le gouvernement de M. Sánchez restait faible bien qu’il ait franchi l’obstacle de l’amnistie. Mais l’élection surprise en Catalogne lui permet au moins de gagner du temps.

 

« L’avantage pour M. Sánchez est qu’au lieu d’être confronté à des négociations extrêmement difficiles sur le budget, il pourra souffler un peu si les socialistes obtiennent de bons résultats aux élections catalanes », a expliqué M. Bartomeus à l’Associated Press.

 

L’Espagne a accordé une amnistie générale lors de sa transition vers la démocratie après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975. Mais les experts juridiques sont divisés sur la constitutionnalité d’une amnistie pour les séparatistes catalans. Ses détracteurs juridiques affirment qu’elle viole le principe d’égalité entre les Espagnols en favorisant ceux d’une région.

 

Le gouvernement estime que l’amnistie pourrait aider des centaines de personnes, tandis que l’organisation catalane indépendantiste Omnium Cultural estime qu’elle devrait bénéficier à quelque 4400 personnes, principalement des fonctionnaires mineurs et des citoyens ordinaires qui ont soit aidé à organiser le référendum, soit participer à des manifestations.

 

Les tribunaux décideront de l’utilisation de l’amnistie au cas par cas. [ASSOCIATED PRESS]

 
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