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ECONOMIES CRIMINELLES : Le business lucratif des médicaments falsifiés en Afrique de l’Ouest

Jeudi 24 Mai 2018

Les médicaments antipaludiques non conformes sont au cœur du trafic illicite qui sévit dans l’espace Cedeao. Une économie criminelle qui n’épargne pas le Sénégal avec un procès prévu à partir du 5 juin prochain mais à la tête de laquelle trône le Nigéria, selon l’OCDE.


Le foisonnement des économies criminelles touche un grand nombre de pays à travers le monde, et le Sénégal n’est pas épargné. Il en est ainsi de l’affaire dite des faux médicaments saisis à Touba vers la fin de l’année 2017 et portée devant les tribunaux en est un signe. Selon les avocats commis par le syndicat des pharmaciens, la valeur financière de ces marchandises illicites avoisinerait 1 milliard 300 millions de francs Cfa.
 
Le marché du trafic de médicaments contrefaits à grande échelle est très lucratif. Selon une étude réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économique (Ocde) en rapport avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, la valeur marchande des médicaments contrefaits importés en Afrique de l’Ouest est estimée par l’Onudc à plus de 400 millions de dollars par an, loin devant les 150 millions $ compilés par d’autres chercheurs comme Mackey et Ling.
 
Cependant, précise l’étude intitulée «Flux financiers illicite. L’économie du commerce illicite en Afrique de l’Ouest», les actions développées par le Fonds mondial ont tendance à rabaisser l’ampleur de la fraude criminelle, notamment grâce aux programmes de subventions qui «réduisent l’incidence de médicaments falsifiés et de qualité inférieure.»
 
En attendant une réelle embellie qui ne pourrait survenir que dans plusieurs années, les dégâts engendrés par le trafic de faux médicaments sont innombrables au plan sanitaire. En 2013, note l’Organisation mondiale de la santé (Oms), il y avait 198 millions de cas de malaria enregistrés dans le monde. Dans ce volume, le Nigeria représentait 37 millions de personnes atteintes, soit 18,7% du total mondial.
 
Derrière, 8 autres pays de la zone ouest-africaine étaient comptés parmi les 16 qui affichaient le plus grand nombre de décès causés par la malaria. Or, les médicaments antipaludiques falsifiés circulent à grande échelle dans tout cet espace. L’Ocde rapporte une autre étude réalisée en 2009 indiquant que 27% et 82% des médicaments antipaludiques vendus respectivement au Nigéria au Ghana «ont obtenu des résultats insatisfaisants lors des analyses chimiques».
 
En outre, l’OMS a révélé qu’en 2011 «77% des médicaments nigérians et 64% des médicaments ghanéens ne satisfaisaient pas les critères de contrôle et de qualité.» Dans le même sillage, l’Union européenne note dans une autre étude qu’en 2014, «60% de la valeur marchande de tous les médicaments de la région seraient attribués à des médicaments contrefaits ou de qualité inférieure».
 
«Le lien asiatique»

Deux catégories d’acteurs clés ont été identifiées: les fabricants des comprimés et les distributeurs. Il est rapporté que «70 à 80% de tous les ingrédients pharmaceutiques actifs» proviennent des usines chinoises et indiennes. Ainsi, une enquête commune Interpol/Oms réalisée en 2008 sur la production d’artésunates falsifiés (principe actif dans les antipaludiques) et saisis en Asie du Sud-est a conclu que ces médicaments étaient produits «dans des zones relativement tempérés sur les frontières de la Chine/Asie du Sud-est.»
 
Pour asseoir le «lien asiatique», l’Ocde convoque une étude de l’agence nigériane en charge du contrôle des produits pharmaceutiques : à l’occasion de la saisie de 40 cartons de Coartem (médicament antipaludique) «dans un magasin d’électronique grand public» à Lagos, «les documents d’expédition des comprimés mentionnaient un négociant nigérian basé dans la ville chinoise de Guangzhou, qui abrite de nombreux marchés de rue où les marchands achètent des articles de gros destinés aux clients africains.»   
 
D’après l’Onudc, le Nigéria est une «plaque tournante de la distribution régionale» de médicaments falsifiés, un «centre d’échanges». Entre autres événements, «une opération douanière coordonnée par l’Organisation mondiale des douanes (Omd) et regroupant 23 pays africains a permis (en 2013) de saisir 1 milliard d’articles, dont 49% étaient des contrefaçons de produits pharmaceutiques.»
 
«Impacts sanitaires et économiques»
 
Les études liées aux conséquences des trafics de médicaments frauduleux et impropres sur les personnes et sur les économies ouest-africaines ne sont pas légion. On sait néanmoins que, au plan sanitaire, «au moins 84 enfants ont été tués au Nigéria en 2009 après avoir bu un sirop antalgique contaminé avec du diéthylène glycol, un solvant utilisé dans les antigels et liquides pour freins.» D’autre part, les médicaments contrefaits «ont coûté 75 milliards de dollars à l’industrie pharmaceutique», selon une étude Oms datant de 2010.
 
Contre les Etats, la fraude commerciale qui escroque les Douanes constitue un manque à gagner: déclaration de fausses destinations finales, cargaisons détournées et/ou manipulées, manque à gagner fiscal, etc.
 
 
 
 
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