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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne: Intervention policière sur fond de hausse des frais pour les étudiants étrangers

Jeudi 11 Décembre 2025

La police est intervenue jeudi à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne pour disperser des étudiants rassemblés devant le conseil d'administration. Le Syndicat Alternatif Paris 1 indique que la mobilisation visait à bloquer le vote sur l'augmentation des frais d'inscription.

 

Le syndicat a dénoncé, sur le réseau social X, basé aux États-Unis, l'entrée des forces de l'ordre face à « plusieurs centaines d'étudiants » rassemblés pour « empêcher le vote ». L'organisation accuse la présidence de « piétiner la démocratie » pour imposer cette réforme par la force.

 

Cela fait désormais plusieurs semaines que l’université est bloquée, en particulier au centre Pierre-Mendès-France. Les blocages vont jusqu’à fermer l’accès aux amphithéâtres et à l’entrée du campus, affirme Nicolas Ertenlice, étudiant à Paris 1.

- Des frais multipliés par seize

 

La mesure contestée acte l'application des droits d'inscription majorés pour plusieurs étudiants étrangers extracommunautaires. Selon les nouveaux barèmes, les frais de scolarité explosent : 

 

Licence : passage de 178 euros à 2 895 euros. 

 

Master : passage de 254 euros à 3 941 euros.

 

Le syndicat qualifie cette tarification de « raciste » et de « sélection par l'argent », affirmant qu'elle fermera les portes de l'université aux étudiants précaires.

 

- Un vote serré et une géographie sélective

 

La mesure a été adoptée à l'issue d'un scrutin particulièrement étriqué : 18 voix pour, 15 contre et trois abstentions.

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Dès la rentrée 2026, cette hausse s'appliquera aux étudiants extracommunautaires, mais avec des exceptions. Seront épargnés les étudiants en exil ainsi que les ressortissants des 44 « pays les moins avancés » (PMA) listés par l'ONU.

 

Cette liste onusienne induit une disparité dans l'application des frais, notamment en Afrique. Si les étudiants originaires du Sénégal, de la RDC, de Madagascar ou de Centrafrique conserveront les tarifs actuels, ceux du Maghreb et d'Afrique du Nord seront, eux, frappés par l'augmentation. L'Algérie, le Maroc, la Tunisie et l'Égypte ne figurant pas sur la liste des exemptions onusiennes, leurs ressortissants devront s'acquitter des nouveaux droits d'inscription majorés.

 

- « On est au bout du système »

 

La présidente de l'université, Christine Neau-Leduc, a justifié sur RFI une décision prise « de façon contrainte ». « Notre budget est insoutenable [...] On est au bout du système », a-t-elle déclaré, affirmant que sans ces recettes, l'établissement « ne peut pas accueillir » ses étudiants correctement.

 

«Nous avons diminué nos dépenses, nous faisons des économies. Nous avons fait plus de 13,5 millions d’économies en 2025. Et là, pour 2026, le gouvernement nous annonce 7 millions de charges supplémentaires. Nous sommes pris dans une situation inextricable», a insisté la présidente de Paris 1, affirmant que cette décision est «un déchirement».

 

«Nous avons pris en considération la situation des étudiants réfugiés, des étudiants demandeurs d’asile, dans la mise en œuvre, nous avons essayé d’être les plus justes», a-t-elle aussi plaidé. Face aux accusations de certains enseignants et étudiants de muer la Sorbonne en pionnière de la préférence nationale, Christine Neau-Leduc a répliqué: «Je ne peux pas entendre cet argument. Ce n’est pas notre université et ce n’est pas du tout dans cette optique, au contraire.»


 

«Les foyers français, à travers les impôts, financent l’enseignement supérieur et beaucoup d’étudiants étrangers vont être accueillis grâce à ce financement», a-t-elle rappelé. Pour que « notre pays puisse continuer dans le progrès social, économique, il faut absolument qu’on investisse dans le rayonnement international», a-t-elle plaidé en plein débat budgétaire.

 

Elle espère que cette hausse sera « purement circonstancielle » et réversible.

 

L’établissement parisien explique cette hausse par la dégradation de sa situation budgétaire : « L’université subit depuis plusieurs années les effets de décisions prises par l’État, pour certaines nécessaires dans l’intérêt des agents de l’établissement, mais qui n’ont été que partiellement ou pas compensées financièrement par l’État. »

 

Un discours rejeté par le SAP1, qui pointe la responsabilité de l'État. Dès le 27 novembre, le syndicat affirmait dans un communiqué que les universités publiques sont « asphyxiées par un gouvernement qui n'a d'autre agenda que la privatisation et marchandisation croissante du savoir ». L'organisation dénonçait les priorités de l'exécutif, soulignant que « l'argent ne semble pas manquer dans les poches de l'Etat pour financer l'armée » alors que l'enseignement supérieur est délaissé.

 

- Le spectre de « Bienvenue en France »

 

Ce texte, issu de la stratégie « Bienvenue en France », autorise les universités à appliquer des droits d'inscription différenciés selon la nationalité.

 

À l'époque, ce projet avait provoqué une large fronde au sein de la communauté universitaire, mobilisant étudiants, enseignants et présidents d'universités contre ce qui était perçu comme une marchandisation de l'enseignement supérieur.

Face à un « budget insoutenable », l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne augmente ses frais d'inscription pour certains étudiants étrangers

 

Les montants adoptés s'alignent sur le décret de 2019 issu de la stratégie « Bienvenue en France ». Si Paris 1 avait longtemps résisté, elle rejoint désormais une liste grandissante d'établissements l'ayant appliquée partiellement ou totalement, « comme l'université Paris-Cité, l'université de Nantes, l'UBFC ou Gustave Eiffel », note Ertenlice.

 

Pour cet étudiant, la mesure met en lumière un « paradoxe » politique : « Accueillir en demandant des frais supplémentaires (...) pour subvenir aux nombreux déficits qui touchent Paris 1 », résume-t-il, soulignant que ce sont les étudiants étrangers qui sont désormais sollicités pour combler les manques de recettes fiscales des universités. [AA]

 
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