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Sénégal - Le bracelet électronique, une technologie à 3 milliards FCFA scellée aux chevilles d'opposants

Lundi 27 Mars 2023

Image d'illustration
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C’est une percée spectaculaire que le bracelet électronique est en train de faire au Sénégal, même si c'est en janvier 2023 qu'il a trouvé ses premiers "bénéficiaires". La justice sénégalaise, confrontée au casse-tête politique que constitue le parti Pastef-Les patriotes de l’opposant Ousmane Sonko, en distribue à qui veut et à qui peut en recevoir. C’est le cas d'El Malick Ndiaye, le chargé de communication dudit parti, en garde à vue depuis la semaine dernière. Après plusieurs « retours de parquet », il a été libéré mais avec le poids de l’outil électronique au pied. Il lui est reproché d’avoir diffusé de « fausses nouvelles », une accusation que lui et son avocat ont rejetée et contestée. 

Mabinta Djiba et Aïssatou Sané, deux enseignantes militantes de Pastef, sorties de détention le 27 mars à Bignona, ont été vues avec le bracelet aux pieds. Avant elles, un autre cadre de la même mouvance avait reçu le bracelet électronique, il s’agit de Waly Diouf Bodian, directeur adjoint de la Législation et de la Coopération internationale à la Direction générale des impôts et domaines (DGID).

Selon le journaliste et chroniqueur judiciaire Daouda Mine, le port du bracelet électronique est strictement volontaire. "Aucun juge ne peut l’imposer à un inculpé ou un condamné."
Cette précision tendrait à signifier que les deux cadres de Pastef auraient choisi de rentrer chez eux.

Selon nos informations, c'est la démarche contraire que le Dr Babacar Niang, directeur-propriétaire de l'établissement médical "Suma Assistance", a empruntée: il a refusé le port du bracelet électronique. Le juge d'instruction Oumar Maham Diallo l'a libéré et placé sous contrôle judiciaire.

Le bracelet électronique est un vieux projet que le gouvernement a finalement lancé en novembre 2022 avec l’inauguration d’un centre de surveillance électronique. Ce dispositif permet de suivre à la trace et à distance des personnes inculpées ou condamnées, mais bénéficiant d’un régime de liberté provisoire.

D'après Mine, seules trois catégories de personnes peuvent bénéficier du bracelet électronique en lieu et place de l’emprisonnement ou de la détention :
 
** « les personnes qui font l’objet d’une information judiciaire : il faudrait que l’infraction pour laquelle elles sont poursuivies soit punie au moins d’un emprisonnement de trois ans » ;
 
 ** « les personnes qui comparaissent devant une juridiction de jugement : c’est-à-dire lorsque la juridiction (correctionnelle ou criminelle) décide ou prononce une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à trois ans. Ces personnes peuvent bénéficier du placement sous surveillance à la la place de la peine d’emprisonnement » ;
 
** « les personnes qui ont déjà fait l’objet d’une condamnation et qui purgent leur condamnation dans un établissement pénitentiaire : la loi précise que pour bénéficier du placement sous surveillance électronique, il faudrait que le restant de la peine à purger soit au moins égale à six mois et ne dépasse pas un an ».

 Toutefois, d'autres catégories de délinquants n'ont pas la possibilité de bénéficier du bracelet électronique: celles faisant l'objet de poursuites ou de condamnations pour des délits liés au viol, à la pédophilie, au trafic de drogue et au détournement de deniers publics. »

Considéré comme un substitut aux détentions provisoires sans jugement ainsi qu’au surpeuplement des prisons – des pratiques depuis longtemps dénoncées par les organisations de défense des droits humains – le programme du bracelet électronique aura coûté la somme de 3 milliards de francs CFA, selon les explications fournies en décembre 2020 par l’ex ministre de la Justice Me Malick Sall.
Les députés de la 13e législature avaient adopté en juin 2022 le projet de loi relatif au placement sous surveillance électronique comme mode d’aménagement des peines de prison.

En janvier 2023, deux inculpés du tribunal de Pikine-Guédiawaye pour « association de malfaiteurs, tentative d’escroquerie et usage de faux dans un document administratif » en avaient inauguré le port, comme rapporté à l’époque par le quotidien L’Observateur.
 
Après El Malick Ndiaye, Aïssatou Sané, Mabinta Djiba et Waly Diouf Bodian, de nombreux autres responsables et militants d’opposition pourraient avoir le choix entre le port du bracelet électronique et le fait de devoir être en détention préventive. 

C'est une véritable traque de militants politiques de Pastef que le pouvoir a lancée au lendemain des événements du 16 mars 2023. A ce jours, plusieurs centaines de personnes sont entre les mains de la justice.  (IMPACT.SN)
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