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Représentativité des forces politiques : quand les tractations d’appareils et les marchandages prennent le pouvoir

Mardi 14 Mars 2017

Représentativité des forces politiques : quand les tractations d’appareils et les marchandages prennent le pouvoir
A l’orée des élections législatives du 30 juillet prochain, les états-majors politiques s’affairent discrètement autour des combinaisons possibles sur la base des alliances politiques existantes ou à bâtir. Comme c’est devenu la tradition, les tractations d’appareils et les marchandages vont transformer les citoyens électeurs en spectateurs de leur propre destin, au-delà des rhétoriques partisanes enjolivées dans une opacité qui défie bien des normes de gestion.
 
 
La transparence n’est pas encore la valeur la plus et mieux partagée dans l’administration et le fonctionnement des partis politiques sénégalais, de ceux qui aspirent ouvertement à diriger le pays, à ceux qui font semblant de vouloir le faire, en passant par tous les autres, ceux qui ont choisi d’exister dans des coalitions et alliances…
 
Et dans leur vécu quotidien, cette distorsion se décline à peu près sous toutes les coutures : opacité, clanisme, copinage, financements occultes, etc. L’absence de démocratie interne, maladie congénitale en mode perpétuel, se traduit par la caporalisation des instances de décision et des processus d’orientation pour un aboutissement logique : la patrimonialisation pure et simple du parti. Les tables et les chaises appartiennent au chef ; ce dernier paie location, eau, électricité, prend en charge certaines activités, des déplacements de militants ou de responsables fauchés, et bien entendu parle et représente le parti partout, au Sénégal comme à l’étranger.
 
Alors que l’on en parle depuis si longtemps, une loi sur le financement légal des partis politiques n’a jamais été aussi éloignée des mœurs sénégalaises. Les pouvoirs qui se succèdent ont choisi d’en faire un gadget virtuel, un thème de communication astucieusement mis en lien avec des velléités jamais achevées d’installer la transparence dans l’espace public.
 
En réalité, tout le monde semble en avoir une peur bleue pour ce que cela implique en termes de discipline financière, d’éthique et de sanctions judiciaires éventuelles. Pour leur tranquillité et celle de leur activisme, les politiciens n’ont pas encore décidé de franchir le Rubicon, même si les Assises nationales ont restitué une excellente approche de la théorie. Les Sénégalais attendront…
 
Le prolongement naturel de cette non-transparence dans les affaires intérieures existe au dehors : il est dans les alliances bricolées à la veille des échéances électorales. S’il est vrai que des traditions politiques établies laissent aux partis politiques plusieurs options pour l’abordage des élections, il reste qu’il ne semble pas y avoir du sens et de la morale dans le fait de constituer des alliances massives dans le seul but d’engranger le plus nombre de suffrages qui serait synonyme de victoire et de majorité. Les partis politiques au pouvoir font ainsi, hier comme aujourd’hui.
 
Le Sénégal va vers des élections législatives importantes le 30 juillet 2017. Pouvoir et opposition affûtent leurs armes, dans des perspectives différentes aux finalités identiques : placer le morceau institutionnel qu’est l’Assemblée nationale dans leur escarcelle d’influence. Pour la majorité présidentielle, l’obtention d’une majorité parlementaire relative serait un échec en même temps qu’un coup dur avant la présidentielle de 2019. D’où l’extrême importance que les oppositions d’en face accordent à ces scrutins.
 
Le drame de ces postures, c’est que les citoyens électeurs ne sont plus forcément les acteurs de leur propre histoire. La raison démocratique aurait voulu en effet que les partis politiques désireux d’exercer le pouvoir ou une partie de pouvoir fussent représentatifs d’un certain électorat, pesé, soupesé, déterminé par la vérité des urnes.
 
Or, ce qui va se passer au sortir des législatives de juillet prochain, c’est que des partis politiques que l’on sait durablement affaiblis par des scissions et/ou des ruptures de légitimité pourraient se retrouver avec un nombre de députés surestimé par rapport à leur véritable poids électoral. Le Parti socialiste et l’Alliance des forces de progrès, souteneurs radicaux du président de la République dans la coalition Benno bokk yakaar, ont été les principaux bénéficiaires de cette embrouille démocratique.
 
En intégrant ladite coalition à laquelle Macky Sall tenait comme à la prunelle de ses yeux après sa victoire à l’élection présidentielle, Ousmane Tanor Dieng (coalition Benno ak Tanor) et Moustapha Niasse (Benno siggil Senegaal) ont pu décrocher aux législatives de 2012 respectivement 20 et 21 députés. Le parti présidentiel, Alliance pour la République, s’étant massifié depuis cinq ans, il est peu probable que socialistes et progressistes obtiennent autant de postes qu’en 2012.
 
Du reste, personne ne pense sérieusement que le Ps et l’Afp de 2017 aient les capacités de remporter une vingtaine de sièges de député ! Au-delà des mots, trois facteurs pourraient déterminer l’issue des négociations sur les quotas que le chef de l’Etat décidera de céder aux uns et aux autres : la capacité de marchandage de chaque entité, son potentiel de nuisance présumé, la volonté du chef de la coalition au pouvoir maintenir un front unitaire sur le chemin qui va mener à la présidentielle de 2019.
 
Ces scénarios là, résultats de tractations d’appareils, ne participent pas à l’émergence  d’un système démocratique sincère, transparent et dynamique. Au contraire, ils en sont des fossoyeurs indélicats car ils prennent en otage les électeurs en les excluant des grandes orientations. (Momar Dieng)
 
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