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Nicolas Hulot, l'écologiste toujours insatisfait

Mardi 28 Août 2018

PARIS (Reuters) - C'est une carrière météorique dans le monde politique qui s'est achevée mardi pour Nicolas Hulot, 14 mois après son entrée au gouvernement, point culminant de sa vie d'écologiste militant et perpétuel insatisfait.

Ce sentiment que les choses n'avançaient pas assez vite dans la lutte contre la "tragédie" climatique en cours a conduit l'ex-animateur de télévision, toujours populaire mais politiquement isolé, à annoncer sa démission à la surprise générale.

"Je n'y crois plus", a-t-il déclaré sur France Inter, sur un ton de dépit. "Pas en l'état."

Même s'il se défendait de tout chantage à la démission, Nicolas Hulot ne faisait pas mystère de ses doutes récurrents depuis sa nomination dans le gouvernement d'Edouard Philippe, à tel point que les spéculations sur son éventuel départ revenaient régulièrement agiter la majorité.

Il a d'ailleurs reconnu en creux, mardi, avoir déjà évoqué la question avec le chef de l'Etat et le Premier ministre, auxquels il n'a cette fois-ci rien dit de ses intentions.

"Je sais que si je les avais prévenus avant, peut-être qu'ils m'en auraient une fois encore dissuadé", a-t-il dit.

C'est donc dans le secret de sa conscience, semble-t-il, qu'il a pris cette décision "douloureuse" et "lourde", tirant ainsi le bilan de 14 mois d'arbitrages gouvernementaux souvent perdus, d'isolement politique - en un mot de souffrances, de son propre aveu.

En janvier, il avait juré que son passage par l'hôtel de Roquelaure, sur le boulevard Saint-Germain, serait son "ultime expérience publique", sans dire alors quand serait le terme.
"J'aurais un plaisir monstrueux à retourner dans l'ombre, vous ne pouvez même pas imaginer", avait-il dit à BFM TV.

S'il agit conformément à cette promesse, il tournera la page de trente ans d'engagements publics, d'abord comme homme de télévision, puis comme éveilleur de consciences, enfin comme ministre.

Né en avril 1955 à Lille, Nicolas Hulot est le fils d'une visiteuse médicale et d'un ancien chercheur d'or au Venezuela, d'où peut-être ce goût pour les aventures lointaines qu'il mettra en scène à la télévision.

Après des petits boulots, il est engagé comme photographe par l'agence Sipa, part en reportage au Guatemala, en Afrique du Sud ou en Rhodésie. Il entre ensuite à la radio puis à TF1, où sa carrière décolle à la fin des années 1980 avec l'émission "Ushuaïa, le magazine de l'extrême".
 
IL CONSEILLE CHIRAC, SARKOZY ET HOLLANDE

Le succès de cette émission assure à Nicolas Hulot, cheveux au vent, perché sur un ULM ou en combinaison de plongée, un statut de défenseur médiatique de la nature. Parallèlement, sa conscience écologique éclot au fil de ses échappées.

"J'ai passé une grande partie de ma vie dans les endroits les plus variés et j'ai pu mesurer la rapidité avec laquelle nous étions en train de détériorer notre écosystème", expliquait Nicolas Hulot à Reuters en 2015.

Il crée en 1990 une fondation qui prendra son nom cinq ans plus tard et se rapproche de la politique sans s'y engager encore pleinement.

C'est ainsi qu'il conseille successivement Laurent Fabius, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et multiplie les interventions dans les cénacles politiques.

En 2007, il propose aux candidats à la présidentielle de signer un "pacte écologique", ce qu'ils font tous, à l'exception du cofondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen.

De cet engagement découlera le "Grenelle de l'environnement", lancé par Nicolas Sarkozy, une vaste consultation associant organisations non gouvernementales et partenaires sociaux.

En dépit de sa popularité inusable en France, Nicolas Hulot est régulièrement la cible de critiques venant d'autres militants de la cause, notamment en raison des liens entre sa fondation et de puissantes multinationales comme EDF ou L'Oréal.

Des liens assumés par l'écologiste, qui dit avoir accepté l'aide financière de ces entreprises à deux conditions : "Que ce mécénat n'entrave en rien la liberté d'action de la fondation et encore moins ma liberté de parole."

Nicolas Hulot tente une nouvelle incursion dans le monde politique en se présentant en 2011 à la primaire d'Europe Ecologie-les Verts (EELV) mais son échec cinglant face à l'ex-magistrate Eva Joly interrompt momentanément sa carrière.

En 2016, il renonce à se présenter à la présidentielle de l'année suivante, malgré des sollicitations nombreuses, en disant ne pas se sentir assez armé et aguerri pour "endosser l'habit de l'homme providentiel".
 
CHEMISE SANS COL

Celui qui avait dit "non" tour à tour à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande accepte pour la première fois le poste de ministre, convaincu par Emmanuel Macron, qui en fait sa plus belle prise du quinquennat débutant.

"Ceux qui me connaissent savent qu'être ministre n'est pas pour moi un objectif en soi", écrit-il sur les réseaux sociaux, tout en justifiant ainsi son choix : "Je considère surtout que l'urgence de la situation m'impose de tout tenter pour faire émerger le nouveau modèle de société que nous appelons collectivement de nos voeux."

Le ministre cultive son profil d'OVNI en politique, un monde dont il n'adopte pas les codes, ni dans sa communication, ni dans son allure - il arbore une chemise col Mao, sans cravate, dans les cérémonies les plus protocolaires de la République.

Il expose ses doutes, ne cache pas ses désaccords, par exemple sur l'accord de libre-échange signé entre l'Union européenne et le Canada, et pourtant il reste.

Sa ténacité lui vaut des succès, comme l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), mais c'est à lui que revient la tâche d'annoncer le report des ambitions de la France en matière de réduction du nucléaire.

"Il n'y a pas eu de renoncement de ma part", assure-t-il le 22 janvier lors de la présentation de ses voeux à la presse.

Le ministre vedette reçoit en janvier le soutien unanime de l'équipe gouvernementale et d'Emmanuel Macron lui-même lorsque survient "l'affaire Nicolas Hulot", comme la baptise le magazine Ebdo à sa Une.

L'hebdomadaire exhume une plainte pour viol déposée en 2008 par Pascale Mitterrand, petite-fille de l'ex-président, qui n'a débouché sur rien puisque les faits présumés, remontant à 1997, étaient prescrits. Avant même la publication de l'article, il avait pris les devants en contestant les accusations sur le plateau de BFM TV.
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