Les profondes divisions internationales sur les guerres en Ukraine et à Gaza se sont affichées mercredi au premier jour d’une réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 au Brésil.
Ouvrant le rendez-vous, le ministre brésilien Mauro Vieira, dont le pays préside le groupe depuis décembre, a dénoncé le blocage du Conseil de sécurité de l’ONU face à ces deux conflits aux conséquences considérables.
« Les institutions multilatérales ne sont pas suffisamment équipées pour faire face aux défis actuels, comme l’a démontré l’inacceptable paralysie du Conseil de sécurité au sujet des conflits en cours. Cette inaction implique directement la perte de vies humaines », a déclaré le chef de la diplomatie brésilienne Mauro Vieira lors de cette réunion organisée à Rio de Janeiro.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a été incapable de réagir face à l’invasion russe de l’Ukraine il y a deux ans, en raison du véto russe, et a peiné à parler d’une seule voix sur Gaza, Washington bloquant tout appel à un cessez-le-feu, comme encore mardi.
De leur côté, les États-Unis, premier soutien d’Israël, ont critiqué les propos polémiques du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva comparant la guerre à Gaza à la Shoah.
Lors d’une rencontre avec Lula mercredi matin à Brasilia, le secrétaire d’État américain Antony Blinken « a clairement fait part de notre désaccord sur ces propos », a dit un responsable du département d’État sous couvert d’anonymat.
La guerre a été déclenchée par une attaque sans précédent lancée le 7 octobre par des commandos du Hamas infiltrés dans le sud d’Israël. Plus de 1160 personnes ont été tuées, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël a juré d’anéantir le mouvement islamiste et lancé une offensive qui a fait 29 313 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Retrouvailles Blinken-Lavrov
La tension entre le Brésil et Israël, qui a déclaré Lula « persona non grata », n’a cessé de monter depuis la déclaration de Lula dimanche.
« On ne pense pas forcément qu’aller dans une surenchère rhétorique aide aujourd’hui à aller vers la paix », a confié une source diplomatique française.
La tempête provoquée par le chef d’État brésilien éclipse largement la réunion du G20.
Les membres du groupe sont aussi divisés sur la guerre en Ukraine, et Lula lui-même a estimé que les torts étaient partagés entre d’un côté la Russie et de l’autre l’Occident et Kyiv.
Deux ans après le début du conflit, Antony Blinken a retrouvé le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov à la réunion de Rio.
M. Lavrov, qui doit rencontrer Lula jeudi à Brasilia selon une source de la présidence brésilienne, a de nouveau accusé l’Ukraine et ses alliés.
« Ni Kyiv ni l’Occident n’ont montré la volonté politique de résoudre le conflit », a-t-il dit dans le quotidien brésilien O Globo.
« Que le multilatéralisme fonctionne »
Dans un contexte aussi lourd, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a cependant souligné l’importance d’une enceinte comme le G20 : « Nous avons besoin de montrer que le multilatéralisme fonctionne en temps de crise », a-t-il écrit sur X.
La réunion des ministres du G20, qui se tient au bord de la sublime baie de Rio, abordera jeudi matin une « réforme de la gouvernance globale ».
Le sujet est cher au Brésil, qui veut donner plus de poids aux pays du sud dans des institutions comme l’ONU, le FMI et la Banque mondiale.
Les deux autres priorités de la présidence brésilienne du G20 sont la lutte contre la faim et le réchauffement climatique.
Parallèlement, le ballet des rendez-vous bilatéraux bat son plein. Le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a rencontré son homologue brésilien, qui s’est entretenu notamment avec le ministre russe.
Une rencontre entre MM. Blinken et Lavrov serait un évènement au vu du nouvel accès de tension qui a suivi l’annonce de la mort en prison de l’opposant russe Alexeï Navalny.
Leur dernière entrevue remonte à mars 2023, à l’occasion d’une réunion du G20 en Inde.
Fondé en 1999, le G20 rassemble la plupart des principales économies mondiales, ainsi que l’Union européenne et l’Union africaine. Sa vocation était dans un premier temps surtout économique, mais il s’est de plus en plus saisi des sujets brûlants de l’actualité mondiale. [AFP]