Connectez-vous

Le scandale Glencore dans six pays d'Afrique, accélérateur de la lutte contre les flux financiers illicites sur le continent ?

Jeudi 15 Juin 2023

A travers la Position commune africaine sur le recouvrement des actifs volés (Capar), l’Afrique veut tourner la page des prédations impunies contre ses ressources. En espérant que la forfaiture Glencore infligée à six de ses membres suscite un tournant capital dans la lutte contre les flux financiers illicites qui l’appauvrissent.


(g. à d.) Ebrima Sall (TrustAfrica), Souad Aden-Osman (CoDa), Me Akere Muna (Panel de Haut Niveau, UA), Birahime Seck (Forum civil), Charity Nchimunya (UA) à Dakar le 13 juin 2023.
(g. à d.) Ebrima Sall (TrustAfrica), Souad Aden-Osman (CoDa), Me Akere Muna (Panel de Haut Niveau, UA), Birahime Seck (Forum civil), Charity Nchimunya (UA) à Dakar le 13 juin 2023.
 
« Nous avons le terrain moral. Nous avons eu un procès et une décision de justice en bonne et due forme. Seule la volonté politique nous fait défaut. »
 
Le procès auquel fait allusion le bâtonnier Akere Muna, membre du Panel de haut niveau de l’Union africaine sur les flux financiers illicite (FFI), c’est celui de Glencore devant la justice britannique. En novembre 2022, le géant suisse du négoce de mines et d’hydrocarbures est condamné à une amende de 320 millions d’euros (environ 206 milliards FCFA) pour avoir corrompu par des pots-de-vin en liquides des agents publics de six pays africains (Nigeria, Cameroun, Guinée Equatoriale, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Sud Soudan) entre 2011 et 2016. Ces pays, à la fois victimes et territoires du « crime » perpétré par la multinationale suisse, s’en sont tirés avec…zéro dollar. La plupart de leurs dirigeants, en particulier ceux de la RDC, auraient plutôt aidé Glencore à échapper à des poursuites qu’à la contraindre à payer des dommages à la hauteur de la « forfaiture ».  
 
En toile de fond de cette histoire scandaleuse (nous reviendrons en détails sur le dossier Glencore), s’incruste un autre dossier africain : le transfert de biens frauduleux, notamment financiers, hors du continent vers des paradis fiscaux ou dans des juridictions étrangères aux pratiques opaques. A cet égard, l’Union africaine (UA) dispose depuis février 2020 d’un outil politique de premier plan pour appuyer le plaidoyer pro rapatriement des biens mal acquis en Afrique.
 
IDENTIFIER, RECUPERER, GERER
 
Ainsi, la Position africaine commune sur la récupération des actifs (CAPAR) est considérée comme le fondement du « cadre juridique et technique » visant à « retrouver, identifier, récupérer et gérer efficacement le retour des actifs volés de l’Afrique », indique la note conceptuelle de la conférence sur les flux financiers illicites et la restitution d’actifs dans le secteur extractif tenue les 13 et 14 juin 2023 à Dakar.
 
Selon le rapport 2020 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement CNUCED), l’Afrique perd chaque année plus de 88 milliards de dollars à cause de la fuite de capitaux vers d’autres cieux, soit « 3,7% du produit intérieur brut du continent. » Le Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur les FFI avance, lui, un manque à gagner de 150 milliards de dollars, ce qui fait du continent « un créancier net pour le reste du monde ».
 
Les flux financiers illicites sont définis comme « des mouvements illégaux d’argent d’un pays à l’autre. Ces activités financières peuvent impliquer des revenus provenant d’activités illégales, d’évasion fiscale, de transferts abusifs de bénéfices, de fausses factures commerciales, de la traite des êtres humains et du trafic de drogue, de la corruption, entre autres. » Il faut y rajouter les biens culturels de plus en plus revendiqués par des pays africains auprès d’anciennes puissances coloniales comme la France et l’Allemagne.
 
Akere Muna souhaitait que les six Etats africains acculent plus franchement Glencore à travers des poursuites judiciaires qui auraient donné un autre sens à la lutte des organisations africaines contre la fuite de capitaux.
 
« En abordant le scandale Glencore et, plus largement, la question des flux financiers illicites qui échappent à nos économies africaines, dit-il, on ne fait pas de la gymnastique intellectuelle. On parle de leur impact sur des gens qui sont privés de ces fonds volés. »
 
COMMUNAUTES DEMUNIES
 
Les communautés africaines sont les plus perdantes principales de ces évasions de capitaux organisées à travers des circuits bancaires et par des procédés non conventionnels. Charity Nchimunya, secrétaire exécutive du Conseil consultatif de l'Union africaine contre la corruption, pointe du doigt « des populations vivant dans des maisons sans électricité situées dans des champs extractifs très bien éclairés. » La dilapidation des ressources impacte directement les communautés, ajoute-t-elle. « On a juste envie de pleurer. »
 
https://www.impact.sn/Sponsoring-de-la-conference-mondiale-de-Dakar-l-ogre-suisse-Glencore-reste-frequentable-malgre-tout-suggere-la_a38736.html

Hôte de la rencontre avec TrustAfrica, Birahime Seck, coordonnateur général du Forum civil, juge que « la situation est si grave qu’il faut un sursaut africain pour stopper les flux financiers illicites » alors que la moyenne africaine relative à l’indice de perception de la corruption est autour de 33/100.
 
« Dans un contexte où les libertés publiques sont agressées, les espaces civiques rétrécis et où l’Etat de droit est en berne, la Capar permet de voir si notre cadre d’action et de coopération est assez résilient », a souligné Seck. Il a rappelé, par exemple, que le Sénégal est sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), le gendarme mondial dédié à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.  
 
« La Position commune africaine nous aide à limiter la cacophonie sur le continent », a souligné Ebrima Sall, directeur exécutif de TrustAfrica. Malheureusement, rappelle Souad Aden-Osman, directrice exécutive de la Coalition pour le dialogue en Afrique (CoDa), « l’Union africaine n’est pas une organisation supranationale comme l’est l’Union européenne pour ses 27 membres. Il appartient donc aux institutions et aux sociétés civiles de faire le suivi d’une question » comme celle de la Capar.  
 
4 PILIERS
 
La Capar repose sur quatre piliers : détection et identification d’actifs africains dans le monde, recouvrement et rapatriement d’actifs, gestion d’actifs recouvrés, coopération et partenariat. Une de ses recommandations appelle au renforcement ou à la mise en place « des cadres institutionnels, juridiques et de politique consacrés à la gestion des actifs recouvrés à l’échelon national. »
 
Au Sénégal, l’Office national de recouvrement des avoirs criminels (ONRAC) assure depuis juillet 2021 des missions diverses dont la gestion, la saisie et le recouvrement de biens. Elle travaille sous la double tutelle des ministères de la Justice et des Finances.
 
Son directeur général, le magistrat Mor Ndiaye, a expliqué comment, en partant de la Capar, deux pays africains comme Sénégal et Mali pourraient coopérer sur des biens qui seraient situés de part et d’autre de leur frontière. « Elle est peu visible mais cette coopération existe déjà et les choses bougent malgré tout. »
 
 
 
 
 
 
Nombre de lectures : 548 fois


1.Posté par WANE le 15/06/2023 13:24
J'adhère sans réserve à ce noble combat

Nouveau commentaire :












Inscription à la newsletter