TotalEnergies Raffinage France devra comparaître devant le tribunal correctionnel du Havre pour homicide involontaire après la mort d’un ouvrier sous-traitant en 2019 sur le site de Gonfreville-l’Orcher.
Selon l'information rapportée ce vendredi par Mediapart, le renvoi devant le tribunal a été acté sur la base de « la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité ». Cette infraction, passible d’une amende maximale de 375 000 euros, vise la société TotalEnergies Raffinage France (Terf), mais aussi la société Bataille, employeur du salarié décédé.
Le 15 février 2019, Cédric M., employé d’une entreprise extérieure, chute d’une hauteur de plus de 7 mètres alors qu’il installait un flexible sur une plateforme. L’enquête révèle que la passerelle sur laquelle il travaillait n’était pas conforme et que le garde-corps mobile auquel il avait attaché le tuyau a cédé sous le poids. L’ouvrier, père de quatre enfants, est décédé le soir même malgré l’intervention des secours.
Le rapport de l’inspection du travail, central dans l’ordonnance de renvoi rendue en mars 2025, souligne qu’aucun plan de prévention spécifique n’avait été mis en place pour cette opération, pourtant réalisée chaque année. L’absence d’un protocole de sécurité détaillé, de système antichute, et l’utilisation d’un plan de travail non conforme figurent parmi les nombreux manquements retenus contre Total.
« Les causes de l’accident étaient le manque de sensibilisation et d’évaluation des risques sur le poste de travail », affirme une expertise technique jointe au dossier. L’inspection du travail a de son côté pointé une pratique « institutionnalisée » du recours aux entreprises extérieures sans coordination effective des mesures de prévention.
Entendue par le juge, la société Total a tenté de minimiser sa responsabilité, évoquant une erreur de procédure du salarié ou le rôle d’une autre entreprise. Une ligne de défense jugée insuffisante par le magistrat, qui rappelle que « Cédric M. n’était […] pas en mesure de respecter un mode opératoire qui n’avait pas été établi ».
Le responsable hygiène, qualité et environnement de la société Bataille, interrogé en tant que témoin, a quant à lui estimé que « cet accident était évitable » si une information claire avait été fournie. Il a reconnu que le plan de prévention annuel était trop générique et inadapté à ce type d’intervention.
Pour Jean-Benoît Lhomme, avocat de Total, « la sécurité est au centre des valeurs de l’entreprise », assurant que les arguments de défense seront présentés à l’audience. Mais sur le terrain, des voix syndicales dénoncent une autre réalité. « Les valeurs de sécurité que l’entreprise prétend avoir, c’est un écran de fumée », affirme un responsable CGT de la raffinerie, cité par Mediapart. Il évoque un management axé sur le profit au détriment de la sécurité des travailleurs.
Déjà condamnée en première instance à 40 000 euros d’amende pour blessures involontaires dans un dossier similaire, et en attente d’un jugement en appel, Total devra désormais faire face à ce procès pour homicide involontaire. Un procès considéré comme « historique » par certains observateurs du monde syndical. [AA]