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Le digne successeur du vieux président-politicien entretient la flamme qui met en ébullition le front social (par Mody Niang)

Mardi 6 Février 2018

Le lecteur se rappelle certainement la conclusion de ma contribution précédente (‘’Sud quotidien’’ du 2/02/2018, ‘’Walfadjri’’ du 3/02/2018). La voici : « On sent déjà la responsabilité de celui qui sera le digne successeur du vieux président-politicien dans l’ébullition du front social que nous avons vécue et qui se prolonge aujourd’hui. Le lecteur comprendra, avec la prochaine contribution, que sa responsabilité est bien plus lourde encore. Elle le sera davantage dans les douze mois à venir. Un de ces décrets particulièrement ‘’généreux’’ que je passerai en revue plus tard en est déjà un signe patent. »
 
Déjà comme Premier Ministre, il avait largement contribué à l’inflation des contrats spéciaux qui ont infesté l’administration. Il ne s’était pas arrêté en si bon chemin d’ailleurs : il avait fait augmenter leurs salaires, à des niveaux qui donnaient parfois le tournis. Bien sûr, avec la bénédiction du vieux président d’alors qui octroyait facilement, lui aussi, des salaires indécents par leurs montants, dans un pays pauvre et lourdement endetté.
 
A titre d’exemple, le Directeur général de l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) avait un salaire mensuel de 8 300 000 francs. Ses collaborateurs n’étaient pas moins lotis : le Secrétaire général, 6 000 000, les Directeurs (au nombre de dix)  3 200 000 ;  les chefs de service, les cadres, les chauffeurs n’étaient point laissés pour compte : ils touchaient des salaires mensuels variant entre 2 000 000  et 400 000 francs. Sans compter d’autres avantages comme des prêts véhicules supportés à 80 % par l’Agence, la prise en charge médicale totale, un crédit (mensuel) téléphone à chaque chef de service à hauteur de 70 000 francs sur les portables et 40 000 sur les fixes, etc., (Cf L’As du jeudi 18 mars 2010).
 
C’est la situation qui y prévalait en tout cas, avant que la gestion du DG de l’Agence ne fût sévèrement épinglée par un audit. Avec le digne successeur du très ‘’généreux’’ vieux président-politicien, je ne crois pas que cette bombance ait fondamentalement changé.  
 
Le ‘’fils’’ est aussi ‘’généreux’’ que le ‘’père’’. Pouvait-il en être autrement ? Il l’a ‘’allaité’’ pendant huit longues années. Il est donc presque son sosie. On prête à Idrissa Seck d’avoir dit de lui que ‘’c’est Me Wade moins l’âge et le talent’’. S’il l’a dit, il n’a pas du tout tort. La gouvernance du ‘’père’’ et celle du ‘’fils’’ sont parfaitement superposables. En particulier, ils sont politiciens et follement dépensiers l’un et l’autre. Combien de ministres, de ministres conseillers, de conseillers et conseillers spéciaux, de chargés de missions, d’ambassadeurs ‘’itinérants’’ qui ne sortent pas du pays, etc., entretient-il grassement ?
 
Rien qu’auprès de lui, quatre ministres d’Etat sont nommés, et payés 5 000 000 de francs par mois. Sans compter leurs probables véhicules de fonction rutilants, leur dotation substantielle de carburant et d’autres avantages dont le président-politicien inonde son entourage. Trois de ces ministres d‘Etat bien connus, ne sont d’aucune utilité pour le pays. Leurs seuls salaires, à eux et à leur quatrième collègue, nous coûtent annuellement 240 000 000 de francs, presque pour rien. Si on y ajoute leurs nombreux autres avantages, combien les quatre heureux Ministres d’Etat nous coûtent-ils chaque année ?
 
En réalité, ils perçoivent un salaire mensuel de 4 000 000 de francs. S’y ajoute une indemnité représentative de logement (nette d’impôt) d’un million (1 000 000) de francs, qui est pour moi une porte d’entrée dans le  fameux décret que j’annonçais aux lecteurs dans ma contribution précédente. Il s’agit du Décret n° 2014-769 du 12 juin 2014, abrogeant et remplaçant le Décret n° 91-490 du 8 mai 1991 fixant les conditions d’attribution et d’occupation des logements administratifs. Une indemnité nette d’impôt ! Waaw, luy ndeyam ? En attendant la réponse, qui ne viendra certainement jamais, le Décret distingue trois catégories de logements administratifs et précise les heureux bénéficiaires. En annexe n° 2, il fixe ‘’le montant mensuel de l’indemnité représentative de logement, net d’impôt, prévu à l’article à l’article 6 (…), selon les catégories concernées (…)’’.
 
Ainsi, les personnels classés hors catégorie (éwaay ndeysaane !) ont une indemnité d’un million (1 000 000). Ce sont, pour ne donner quelques exemples, les membres du gouvernement, les Ministres attachés de Cabinet du Président de la République et les Ministres conseillers à la Présidence de la République, les Secrétaires généraux et Directeurs de Cabinet respectivement du Président de la République, de la Présidence de la République et du Gouvernement, etc. Dans ce lot, on trouve aussi le Premier Président de la Cour suprême, le Procureur général près la Cour suprême, le Vérificateur général du Sénégal, le Président de la Commission électorale nationale autonome (lui aussi !), la Présidente de l’Office national de lutte contre la Fraude et la Corruption qui se tape, avec son salaire, 6 000 000 de francs  par mois. Waaw moom, ban njariñ lafa am ?
 
Je ne trouve pas, parmi ces personnels classés hors catégorie, les membres du Bureau pléthorique de l’Assemblée nationale et les Présidents de Groupes parlementaires qui ont tous rang de ministre et, partant, perçoivent, chaque mois, ce million d’indemnité représentative de logement. Ils ne figurent nulle part dans le fameux décret. Ah ! L’Assemblée nationale a quand même un budget autonome qu’elle gèrerait à sa guise. On comprend donc l’absence de ses membres privilégiés dans ce décret.
 
Les personnels de la Catégorie A ont droit à 700 000 francs. Entrent dans cette catégorie : les Délégués généraux, les Commissaires généraux, les Inspecteurs généraux d’Etat, le Secrétaire général du Conseil économique, social et environnemental et probablement maintenant son collègue du HCCT, les fonctionnaires et agents ayant rang d’ambassadeur en service au Sénégal,  les Présidents de Chambre à la Cour suprême et nombre d’autres hauts magistrats comme le Premier Président d’une Cour d’Appel, les conseillers à la Cour suprême, le Secrétaire général de la Cour Suprême et de bien d’autres encore. Combien sont-ils au total, de hauts magistrats qui sont éligibles à ce privilège substantiel ? La question mérite quand même d’être posée.
 
Quant aux personnels de Catégorie B, les Secrétaires généraux des départements ministériels et les directeurs de Cabinet des Ministres (aka ñoo bari !), ils perçoivent 500000 francs, les premiers devant se sentir frustrés : ils ne devraient pas être de la même catégorie que les premiers. Je le crois, du moins, si on considère leurs statuts respectifs.
 
Les autres catégories sont : D (200 000), E (150 000), F (125 000), G (100 000). Les Secrétaires municipaux sont de la Catégorie E. Le gouvernement refuse pourtant 100 000 aux professeurs d’Enseignement secondaire (bac + 6 ans), alors que nombre d’entre les premiers auraient du mal à conjuguer correctement n’importe quel temps d’un verbe irrégulier.
 
La ‘’générosité’ sélective du président-politicien enjambe les frontières nationales pour aller arroser les conjoints des chefs de mission diplomatique et consulaire. Chacun, chacune perçoit une indemnité forfaire mensuelle de 500 000 francs (Décret n° 2014-697 du 30 mai 2014). Cette folle ‘générosité’’ profite à de nombreux autres personnels, souvent sortis de nulle part[[1]]url:#_ftn1 . Ce qui a pour conséquence de gonfler de façon inquiétante la masse salariale et d’entretenir, ça et là, des frustrations qui se manifestent de la manière qui nous est de plus en plus familière. Nous en aurons une meilleure idée dans la prochaine contribution, en nous arrêtant notamment sur les nombreuses agences nationales, aussi budgétivores qu’inutiles, dans leur écrasante majorité.
 
Dakar, le 04 février 2018
Mody Niang
 
[[1]]url:#_ftnref1 Je me demande quel doit être l’état d’âme des ingénieurs de diverses catégories (Bac + au moins cinq ans) qui, recrutés dans la Fonction publique comme contractuels, perçoivent un salaire mensuel net de moins de 300 000 francs.
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