Connectez-vous

Le Sénégal du redressement dans la transition : organiser les ruptures avec les continuités néocoloniales

Dimanche 6 Juillet 2025

Fodé Roland Diagne
Fodé Roland Diagne

Dès le rapport de la Cour des Comptes connu, nous avions signalé que l’actuelle phase de transition va nécessiter une sous-phase de redressement des finances publiques. Le premier ministre et président de notre parti Pastef confirme ce que nous tirions de notre analyse des rapports des corps de contrôle, notamment du rapport de la Cour des Comptes. Les audits sectoriels et centraux montrent à suffisance que la gestion calamiteuse de la tyrannie hors la loi des libéraux de l’APR/BBY a mis le pays dans le précipice de la ruine avec en prime 4000 milliards de dette cachée confirmée même par les complices des Institutions de Bretton Woods.

 

L’opposition libérale néocoloniale cherche coûte que coûte à dénigrer le souverainisme vainqueur porté au pouvoir dans les urnes. Certains et d’autres, parfois de bonne foi, pointent du doigt le « contraste grandissant entre les attentes nourries et les transformations concrètement engagées. Si des signaux de changement existent, la promesse d’une rupture profonde se heurte aux réalités sociales, institutionnelles, culturelles et économiques du Sénégal ».

 

Les bavures policières de Rosso et Cambérène contre des manifestants, la non abrogation de l’arrêté Ousmane Ngom, la frilosité sur les articles 80, 254 du code pénal, les mouvements grévistes des secteurs de la justice, de la santé, de l’éducation nationale, les passifs sociaux hérités de l’ancien régime en attente, les appels au secours persistants dans le monde agricole, chez les paysans, éleveurs, pêcheurs, travailleurs de l’informel, les inondations à craindre durant l’hivernage, la vie chère, les énormes écarts de salaires entre les travailleurs du pays, etc sont autant d’épreuves et de défis à relever de l’actuelle période de transition.

 

Or, le gouffre réel des finances publiques héritées du pouvoir hors la loi de l’APR/BBY est un véritable couteau sur la gorge du nouveau pouvoir souverainiste. C’est ce que signale le président de la République quand il déclare « nous faisons face à un État contraint, dont les marges de manœuvres budgétaires et financières n’existent quasiment plus. Ensuite une administration républicaine, certes, mais manquant de cohérence, et figée dans des schémas dépassés ». C’est ce que dénonce le premier ministre quand il dit que « plus grave que ce que nous envisagions, nous avons découvert un pays pas au rez de chaussée mais au quatrième sous-sol ».

 

Il devient urgent que la reddition des comptes prenne son envol judiciaire pour faire rendre gorge aux voleurs pilleurs de la République, que l’Assemblée Nationale qui a mis en place la Haute Cour de justice s’empare de la saisine du député Guy Marius Sagna pour juger l’ex-président de la République en exil et que justice soit rendue aux martyrs et victimes des répressions arbitraires du règne de l’APR/BBY.

 

La sous-phase du redressement préalable qui nous est ainsi imposée dans l’actuelle transition exige aussi un jub, jubbal, jubbanti exemplaire de la part de l’actuelle gouvernance souverainiste. Or, l’État néocolonial dont nous avons hérité a, durant 64 ans, formaté notre administration à l’image de l’administration coloniale dans l’esprit et la pratique que le peuple colonisé et le citoyen sont des vaches à lait et que les deniers publics servent d’abord les privilèges des détenteurs des pouvoirs Exécutif, Législatif, Judiciaire, etc. Ayant abdiqué en se soumettant aux bourgeoisies impérialistes, la gestion gabegique et népotique de l’appareil d’État néocolonial est le chemin le plus court pour devenir milliardaires en francs CFA pour nos bourgeoisies nationales politico-bureaucratiques.

 

Les « schémas dépassés » dont parle l’actuel président de la République sont ceux de l’habitus néocolonial multi-décennal de 1960 à nos jours qui fait que notre appareil d’État est composé d’un personnel qui se divise en trois catégories : - une minorité patriotique – une minorité de profiteurs – une majorité conformiste qui par habitus balance entre les deux minorités selon qui est et la nature du pouvoir.

 

Il faut ajouter que le parti souverainiste, Pastef, qui a renversé avec le sacrifice de plus de 80 martyrs le régime libéral néocolonial est aussi composé de cadres militants dont on peut dire comme nous l’écrivions : « L’opposition frontale à la mal-gouvernance des corrupteurs et corrompus, à la servilité abrutissante à la françafrique, l’eurafrique et l’usafrique pilleuses de nos richesses nationales et l’option souverainiste de la jeunesse pour une vie meilleure au pays contre l’émigration piroguière ou désertique macabre pour devenir sans papiers dans les « eldorados » en déclin d’Europe et des USA met en présence trois courants au sein même du camp souverainiste uni : - le souverainisme libéral mondialiste qui considère que seul le secteur privé crée des emplois et permet la transformation industrielle des richesses nationales pour obtenir une valeur ajoutée en vue d’exporter ; - le souverainisme conservateur libéral mondialiste qui ramène le souverainisme à sa dimension culturaliste sans différencier ce qui est progressiste et réactionnaire ; - le souverainisme révolutionnaire qui œuvre pour que les classes laborieuses (ouvrier, paysan, éleveur, pêcheur, travailleur de l’informel) s’invitent dans le grand débat national pour le ‘’moom sa reew, bok sa reew et defaar sa rew’’ ».

 

De cette composition socio-politico-idéologique diversifiée découle des conceptions différentes du jub, jubbal, jubbanti qui se sont manifestées dans ce débat salvateur sur « les dépenses de certains ministères, le sukoroukor, les voitures, les billets de pélérinages, les millions des groupes parlementaires, la rationalisation des dépenses de l’État, etc ».

 

Le redressement annoncé par le premier ministre rend indispensable la maîtrise et la réduction de façon drastique du train de vie de l’État. Or, il est clair que redresser l’économie de ce pays va exiger que « tous et chacun serrent la ceinture ». Il y va donc de la crédibilité de la nouvelle gouvernance que l’effort demandé à tous et chacun commence d’abord et de façon visible par les gouvernants eux-mêmes. L’exemplarité dans le jub, jubbal, jubbanti des pouvoirs Exécutif, Législatif, Judiciaire est une exigence de salubrité publique base de la crédibilité des politiques de redressement des finances publiques.

 

Il nous faut donc repérer les continuités néocoloniales souvent liées à l’habitus conformiste qui tend à reproduire le passé et organiser la rupture fondée sur le jub, jubbal, jubbanti et le don de soi.

 

Il est fondamental donc que les bouches s’ouvrent pour ne rien laisser passer, car « le linge sale se lave en famille » démocratiquement en toute transparence d’abord au sein du groupe parlementaire et dans le parti, mais ensuite fondamentalement devant le peuple seul juge et garant en dernière instance de la réussite de notre expérience souverainiste.

 

Une certaine incompréhension et colère s’empare des bases militantes de Pastef, notamment à propos des nominations, mais aussi à propos de la léthargie dans laquelle Pastef en tant que parti est quasiment plongé depuis la victoire. Une des sources de cette léthargie réside dans le cumul des mandats entre postes de responsables de Pastef et postes dans le gouvernement, dans les agences dont il faudrait par ailleurs évaluer leur fonction de doublons et leur utilité, de PCA ou encore au parlement. Ce cumul de mandats fait qu’il n’y a plus de responsables pour s’occuper et faire fonctionner à plein temps le parti Pastef pour qu’il maintienne et développe le lien avec les bases militantes et le peuple, son rôle de force de contrôle de l’action publique et de proposition au gouvernement.

 

Il nous faut sortir de ce sentiment d’abandon que vivent certains militants des premières heures et militants, notamment de la gauche historique résistante, arrivés par les fusions dans Pastef. La « masse critique » à laquelle fait appel le président de notre parti Pastef ne peut être obtenue qu’à travers l’engagement soutenu d’éducation populaire et d’animation des bases militantes auprès des populations. L’objectif du jub, jubal, jubbanti est de faire émerger un nouveau type de militants, de députés et de citoyens pour libérer le Sénégal et contribuer à la libération de l’Afrique de l’oppression néocoloniale.

 

Ceux et celles qui ont peur du peuple deviennent facilement les proies de l’ennemi néocolonial et impérialiste. Nous n’avons donc rien à cacher au peuple, mais à l’informer pour le réarmer comme cela a été fait face à la tyrannie meurtrière de l’APR/BBY pour obtenir la victoire présidentielle du 24 mars et législative du 17 novembre 2024.

 

Oui, Diomaye/Sonko ont eu raison de dire la vérité sur l’état catastrophique des finances publiques dont ils ont hérité. C’est au parti Pastef, du sommet à la base, et dans la perspective de son indispensable 1er congrès d’occuper le terrain de la scène politique au sein du peuple en faisant vivre dans les faits l’enseignement suivant du grand révolutionnaire communiste Amilcar Cabral : «  Ne pas avoir peur du peuple et l’amener à participer à toutes les décisions qui le concernent, telle est la condition fondamentale de la démocratie révolutionnaire que nous devons réaliser progressivement ».

 

Gouvernement et parti Pastef ont chacun un rôle et une place différents mais complémentaire dans le redressement dans le cadre de l’actuelle transition vers la conquête de la souveraineté nationale et le panafricanisme des Etats souverains.

 

Il faut ajouter à ces points politiques, éthiques et déontologiques cardinaux mobilisateurs :

 

- l’initiative annoncée par le FRAPP d’un audit publique citoyen de la dette afin d’en établir ce qui est légitime, illégitime et vautour; le parti Pastef doit s’y engager pleinement;

 

- le recouvrement en cours de la totalité de l’impôt des entreprises par l’État, la fin des exonérations et autres exemptions fiscales et douanières néocoloniales des libéraux mondialistes de l’APR/BBY/PDS, etc ;

 

- le compter sur soi-même d’abord par l’effort pour hausser les recettes internes en renégociant les accords, contrats, conventions sur nos richesses bradées par l’APR/BBY ;

 

- mettre à l’étude la question des nationalisations des secteurs économiques stratégiques ;

 

- la reddition des comptes, notamment les 1000 milliards du Covid, les 4000 milliards de la dette cachée, etc ;

 

- le desserrement de l’étau dictatorial du FMI et de la BM par la recherche d’autres sources alternatives d’emprunts comme vient de l’obtenir le premier ministre en Chine Populaire socialiste, en plus des BRICS ou autres investisseurs Sud-Sud, etc;

 

- la recherche de partenariats public/privé et/ou privé/privé panafricain en cercle concentrique de proximité, notamment vers l’AES souverainiste;

 

- la mise à l’étude préparatoire de la sortie du franc CFA pour une monnaie ouest africaine qui prend en compte la préparation en cours dans cette optique de l’AES;

 

Alors camarades, faisons vivre dans notre camp souverainiste le jub, jubbal, jubbanti contre la souillure des privilèges indus et des tendances à l’embourgeoisement néocolonial pour le redressement dans la transition vers la rupture et la transformation systémique. La réussite dépend de nous.

03/07/25  

Diagne Fodé Roland

 
Nombre de lectures : 504 fois

Nouveau commentaire :













Inscription à la newsletter