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La mesure de la corruption : les limites des approches basées sur la perception sonnent-elles l’heure de promouvoir des approches plus empiriques ?

Vendredi 29 Janvier 2021

La publication de l’Indice de Perception de la Corruption 2020 sert de prétexte pour poser un regard critique sur la mesure du phénomène et le classement des pays depuis plus de 25 ans.
 
Il est vrai que Transparency international a frayé le chemin dans sa démarche à construire un indice visant à apprécier l’état de la corruption à travers le monde, permettant ainsi de classer les pays suivant leur niveau de score réalisé et ceci, depuis 1995. A cet indice s’ajoute aussi celui de la Banque mondiale sur le contrôle de la corruption.
 
La publication de ces outils a fini de constituer un rendez-vous annuel, depuis des décennies, pour promouvoir des débats, à la fois nationaux et internationaux, sur les déterminants du niveau de corruption, ses conséquences sur le développement des pays et les mesures anticorruption à prendre, notamment en développement où l’ampleur est plus étendue.
 
Cependant, force est de reconnaître que ces indices se basent sur des évaluations subjectives de la corruption (la perception) avec des composantes souvent compacts difficiles à déchiffrer. Par ailleurs, ils restent flous quant à ce qu’un pays a fait bien ou mal dans le domaine de la corruption. Par conséquent, de tels outils sont à utiliser avec précaution et prudence, notamment dans la comparaison entre les pays de scores proches car les marges d’erreurs peuvent être considérables. Ainsi, au-delà du classement des pays, ces outils sont publiés avec peu de recommandations opérationnelles axées sur des domaines spécifiques pouvant constituer de leviers d’action pour les décideurs.
 
De ce point de vue, dans la mesure où ces indices utilisent des sources différentes pour calculer les scores des pays et procéder à des classements, ils tentent de construire des mesures objectives grâce à l’agrégation statistique de multiples évaluations aux approches et aux sources différentes. Ce qui fait jaillir un certain nombre de limites qui posent un réel problème de l’efficacité de la mesure de la corruption. Il s’agit, entre autres :
 
** d’un manque de validité des concepts théoriques sous-jacents d’une source à l’autre. Au lieu d’avoir une définition commune explicite, ces indices sont définis dans leur construction de manière implicite par des enquêtes disponibles ;
 
** d’une tentative d’extraire un facteur commun aux différentes sources sur la base de l’analyse de composantes non observées,  afin de rendre possible l’indice comparable d’un pays à l’autre ;
 
** de l’agrégation des sources pour la construction de ces outils  ne peut faire la distinction entre des cadres de corruption particuliers, limitant ainsi  son utilité à des fins politiques ; etc.
 
Ainsi, ce constat pose la nécessité de bâtir une méthodologie plus transparente qui permettrait  de retracer l’évolution d’une année à l’autre du niveau de corruption en identifiant le domaine (judiciaire, législative, gouvernance, liberté de la presse, accès à l’information, etc.) ayant occasionné cette évolution. Cette approche serait à même de guider les décideurs et surveiller l’efficacité de toute politique anticorruption.
 
Cette orientation guide des initiatives assez novatrices. Par exemple, l’Indice de l’Intégrité publique (Index of Public Integrity /IPI) l’Ecole de Gouvernance du Centre européen de recherche anti-corruption et le renforcement de l’Etat (ERCAS), qui est expérimenté depuis 2015. Son élaboration est bâtie autour d’une approche sous-tendue par une méthodologie empirique qui intègre :
 
** une spécification du domaine des aspects pris en compte dans la construction de l’indice ;
 
** une détermination de la mesure dans laquelle ces aspects ont tendance à mesurer la même chose à partir de la recherche empirique et analyses statistiques ;
 
** et la réalisation d’études pour déterminer dans quelles conditions les mesures supposées de l’outil  sont des meilleures suppositions cohérentes à donner des scores et classer les pays sur la base d’un référentiel  bâti autour de variables qui leur sont communes.
 
C’est seulement qu’à travers une telle démarche qu’il est possible de révolutionner la mesure de la corruption sur une base plus objective – parce que structurée autour d’une méthodologie scientifique empirique rigoureuse – conduisant à des recommandations à la fois spécifiques et opérationnelles pour chaque pays afin de permettre d’être plus concret et précis dans les réponses à apporter.
 
La Coordination Générale du Forum Citoyen
Dr Binette Ndiaye MBENGUE, Dr Ndongo Mané KEBE 
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