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La grande débandade migratoire en situation de campagne fast track.

Samedi 9 Mars 2024

La chroniqueuse Khady Gadiaga
La chroniqueuse Khady Gadiaga

Après la grande intempérie politicienne, l'embellie démocratique qui marque la poursuite du processus électoral interrompu par décret présidentiel à deux jours du lancement officiel de la campagne électorale. 19 candidats en lice pour le sacre présidentiel dès le 1er tour du scrutin, prévu le 24 mars 2024.

 

Au regard de l’urgence de certains enjeux qui touchent notre société aujourd’hui plus encore que jamais, le changement de perspective est plus que de mise. Comme le dit si bien Gramsci : " Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur, surgissent les montres".  

 

Tels des faucons dont les plumages et ramages ont transmuté, les politiciens de la majorité présidentielle, angoissés par la fin imminente de règne semblent avoir subi une transplantation idéologique. Comme lobotomisés ou touchés par la grâce de la pleine conscience au réveil, désormais, ces derniers, peuvent délaisser leur activité principale au sein des lambris dorés de l'État pour un temps partiel qu’ils emploient dorénavant à explorer les voies et sillons de la très prochaine alternance. Sonder les voies aériennes et tracer l'itinéraire avant le grand envol. 

 

Ici, pas de quartier : toute coïncidence ou ressemblance avec des personnages ayant existé est volontairement fortuite, à leur grand dam.

 

La saison des flux migratoires du landerneau politique a sonné. Que de remue-ménage, dans le ciel chargé. C'est le retour, des oiseaux migrateurs, volant à coeur-perdu à la recherche de prairies en fleurs. Les politiciens sont de drôles d'oiseaux, la nature ne les a pas dotés d'état d'âme. Ils iront de branche en branche jusqu'à trouver celle qui pourra contenir leur nid.  

 

Aucune disgrâce ne s'attache à l'homme qui change de camp. On ne pense nullement que c'est déshonorant : c'est en fait ce qu'il y a de plus sensé et de plus logique. Lorsque vous faites la tournée pour vendre votre allégeance à celui auquel, on peut acheter la meilleure protection, on ne désapprouve absolument pas celui qui fait la meilleure affaire. 

 

Il est même probable que l'on considère ceux qui sont restés dans le camp perdant pendant qu'ils avaient la possibilité de rallier le camp des vainqueurs comme des incapables politiques. 

Les affaires sont les affaires. 

 

Qui est fou, me diriez-vous? La démocratie n'est pas une simple partie d'échecs, et la stratégie nous fait parfois chambrer avec de drôles d'oiseaux...

 

Nous sommes bien entrés, comme chacun en est désormais conscient, dans un nouveau monde. 
 

La difficulté vient du fait que les gens du pouvoir y sont entrés à reculons et en fermant les yeux. À reculons, parce que leurs références et leurs façons de faire, y compris chez ceux d’entre eux qui se flattent de progressisme ainsi qu'une certaine opposition plus volubile que pragmatique, restent celles de l’ancien monde.

 

En fermant les yeux, parce qu'ils ont refusé obstinément de se doter des outils qui leur permettraient de comprendre, au moins un peu, ce qui leur arrive. Tout cela devrait les inciter à une extrême prudence. Mais il n’en est rien : ils foncent vers un vide abyssal, n'ayant aucune idée de leur situation et ne sachant pas dire où ils en sont, la boussole du timonier ayant cassé au cours de ses nombreux barouds d'honneur. 

 

Ils ne peuvent plus compter sur le génie politique tant vanté du prince douché par l'intransigeance d'un conseil des sages, décidé à prendre sa revanche sur l'irrévérence de l'exécutif et à faire valoir pleinement son autorité constitutionnelle.  

 

Quid d'un « dauphin » insipide et débonnaire, pour perpétuer le legs libéral de l'émergence et le règne de la prospérité à l'horizon 2035 ? Choix contraint de Macky Sall, faisant d'ailleurs très peu l'unanimité au sein des troupes présidentielles et disputant le vivier électoral à plusieurs caciques de la majorité qui se sont présentés en indépendants : Mahammed Boun Abdallah Dionne, Aly Ngouille Ndiaye, El Hadji Mamadou Diao. 

 

Ainsi parée, l'étrange abdication princière a des airs de victoire. Du moins dans leurs discours. Et c’est donc, équipés de ces frêles avancées verbales qu'ils s'engouffrent vaillamment à l’assaut de toutes les portes ouvertes qui se présentent, sans se demander sur quoi elles débouchent. 

Plus que jamais, alors qu'ils se prévalent de leurs libres choix, ils subissent la loi de forces et de choses qui leur sont inconnues.

 

Leur inconscience ne les préserve pas des dangers, mais il faut bien admettre qu’elle leur donne une sorte d’audace admirable. L’accélération est continue et générale, car dans le terrain mouvant où ils sont engagés, l’arrêt signifierait la mort.

 

Il y a bien quelques conservateurs pour s’inquiéter de cette irrésistible et somnambulique course à l’abîme, mais ils ne sont pas plus raisonnables et ne diffèrent pas beaucoup des progressistes qu’ils combattent par ailleurs…

 

On ne peut, ne pas faire cas de leur pire hantise, le Pastef, parti dissout par la volonté du prince et qui a retrouvé par le miracle de l'amnistie ses lettres de noblesse.

 

Seul contre tous, on reconnaît dans cette entité instituante un rôle catalyseur des émotions, ce qu’on pourrait nommer la coalescence des subjectivités dans un mouvement de bascule qui fonde l’événement révolutionnaire. 

 

Cette jeunesse survoltée qui s'identifie à Ousmane SONKO via Diomaye se montre désireuse d’inscriptions électives fortes. 

 

Cet engouement irruptif des masses, rend compte non d’un désir improbable d’émancipation qui n’aurait pas eu le temps de mûrir, mais de l’impossibilité de prévoir à quelles conditions la contrainte d’assujettissement et la peur de mourir pourraient céder face à la nécessité subjective et neuve en effet, de vivre enfin libre.

 

La jeunesse révolutionnaire semble ainsi s’étendre et s’organiser,  la contre-révolution étatique s'étioler...et flétrir comme peau de chagrin...

 

La machine électorale est vraisemblablement  lancée, nonobstant un ultime recours du club inconsolable des frustrés et autres spoliés auprès de la cour suprême pour faire abroger le décret de convocation du corps électoral.

 

Ce samedi 9 mars 2024, qui marque le début de la campagne de douze jours signe à n'en point douter aussi l'entame de la grande débandade migratoire.  Que d'intrigues et de péripéties entre engagements différenciés, opportunismes, ralliements, conversions, mais encore actes de torpillage et conformisme de l'opinion.

 

Cette articulation entre moult attitudes, postures et manœuvres peut ouvrir ainsi la voie à l'étude d'une économie élargie des consentements politiques, retrouvant en situation les conditions des comportements de défection et d'adhésion, les modalités de production des frontières entre les camps, la chronologie de leurs constructions, tout en adossant cette sociologie historique des engagements à une étude des variations des politiques de la fidélité. 

 

En tout état de cause, cette campagne qui s'ouvre à l'aune du mois béni du ramadan risque de ne pas être très halal... 

 

Du spectacle à ciel ouvert sur fond de crise de la démocratie représentative, mais aussi de crise de confiance qui n'épargne point les institutions délibératives ainsi que la plupart des candidats puisqu’ils constituent l’armature de ce système à déconstruire. Entre déni et fatalisme, la perte de légitimité a longtemps été sous-estimée.

 

Parallèlement, les dirigeants de la coalition Diomaye ont semblé en prendre la mesure, par une résilience à toute épreuve face à la persécution étatique et une solide connexion entre la nature des enjeux et la force des solutions proposées, innovantes et opérantes jusque dans le mode financement de la campagne et de l'affiliation militante.

 

Ce faisant, elle se situe aux antipodes des recettes du précédent régime ayant déjà fait les preuves de son impéritie et de sa désaffection... 

 

Son atout réside surtout dans son organisation prônant le don de soi et la prodigieuse aura d'Ousmane Sonko, qui à lui seul est une formidable machine électorale. 

 

Tous ces paramètres combinés, n'augurent-ils pas de l'apothéose très attendue du très patriotique ticket présidentiel Bassirou Diomaye Faye Moy Sonko? L'avenir très proche nous édifiera!

Khady Gadiaga, 9 mars 2024

 
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