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L’AIR DU TEMPS N’EST-IL PAS A LA REPUBLIQUE SOCIALE ? (Pr Abdoulaye Sakho)

Lundi 23 Novembre 2020

Notre pays vit des moments pénibles. Des jeunes cherchent à le quitter au mépris de leur vie. « Nous vivons à une époque où le tissu social paraît s’effilocher de plus en plus vite, où l’égoïsme, la violence et le manque de cœur semble miner la vie de nos communautés » (Goleman). Je ne crois pas en l’existence d’une solution miracle immédiate. De la même manière que des politiques publiques successives depuis notre indépendance ont fait le lit de cet état de fait, il faudra du temps pour complétement  l’éradiquer. Mais d’ores et déjà, insupportable pour l’être humain, on pourrait commencer à le combattu par l’empathie, « cette capacité à lire dans le cœur d’autrui, à être sensible aux besoins et au désespoir de l’autre » qui serait, selon Goleman (L’intelligence émotionnelle 2014), l’une des deux attitudes morales qu’exige notre époque, à côté de la Retenue.
 
Très facile à réaliser chez nous parce que notre Loi fondamentale, la Constitution dit dès la première phrase de son article premier : « La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. »
 
La République sociale existe en droit. Aux pouvoirs publics et citoyens, dans le contexte actuel, de veiller à la prise en charge des populations marginalisées du fait de leurs condition économique ou physiques. C’est un devoir dans tous les Etats du monde, un défi mondial auquel certains font face avec plus ou moins de bonheur.
 
Dans nos pays, il n’est pas nécessaire d’être expert pour dresser un diagnostic fiable de l’état de la protection sociale. Celle officielle est copiée du système de l’ancienne puissance coloniale, ne s’intéresse qu’à ceux qui disposent de revenus et qui peuvent donc contribuer à leur propre prise en charge. Quid de la grande masse de la population, les adultes sans revenus dont les femmes en grande majorité, les enfants et les personnes en situation de vulnérabilité physique ?
 
Une grande partie dans cette catégorie est prise charge par la solidarité familiale ou parentale. Mais, je me demande si ce modèle n’est pas en train de s’essouffler au vu des chemins actuels que prend notre jeunesse pour s’en sortir ? En effet, mettre de côté pour soi-même puis essayer de prendre en charge la protection des autres devient une gageure, un vrai exploit de superman que les citoyens assument de plus en plus difficilement.
 
Ce « recopiage » du modèle occidental de protection sociale relativement individualiste fondée sur le système de l’assurance, qui voudrait que ce soit la personne qui prenne ses dispositions en prémunissant elle-même contre les mauvais jours n’est pas satisfaisant. Cela marche dans un système qui garantit un revenu régulier à tous ses citoyens. Mais dans un pays où selon l’ANSD en 2017 on était à 47% de prévalence de la pauvreté, cela pose problème surtout que nous avons plus une culture de la cigale que celle de la fourmi au Sénégal.
 
Et la protection sociale fondée sur l’assistance ? Au regard de ses exigences de soutenabilité, seuls les pouvoirs publics peuvent s’y lancer à long terme en affectant une partie des ressources du pays pour venir en soutien aux populations faibles et marginalisées. L’Etat du Sénégal s’y essaye depuis quelque temps avec des programmes ambitieux.
 
L’effort mérite d’être soutenu. D’où l’appel à ce concept de République sociale qui doit aller de pair avec autre logique de fonctionnement dont le fondement social serait l’assistance par empathie et le fondement juridique serait la Constitution du Sénégal. C’est vrai qu’en Afrique, on fait des débats passionnés et passionnants sur la laïcité et sur le caractère démocratique mais le caractère social, on l’oublie.
 
C’est donc, le moment de faire de la Constitution sociale une réalité. En ce sens, la protection sociale doit être un « domaine réservé du Chef de l’Etat » au sens du droit constitutionnel, concept souvent utilisé pour désigner les champs de la souveraineté dans lesquels on trouve des ministères de souveraineté et des hommes de confiance du Président de la République (dépositaire du suffrage universel comme le Parlement, ne l’oublions pas).
 
Au Sénégal, c’est à l’occasion d’une révision constitutionnelle en 69 que le concept a été précisé de la sorte : « Mais il est des domaines où le Président de la République, débarrassé de l’exécution des petites tâches quotidiennes, doit conserver une responsabilité directe et totale. Il est en  effet indispensable que dans certains secteurs  aucun souci de partage de responsabilité, aucune formalité ne vienne entraver l’action du Président de la République. De par leur importance et de par la célérité de l’action qu’ils requièrent, ces secteurs doivent constituer un domaine réservé au Président de la République. Les actes que celui-ci y accomplit seront donc dispensés de contreseing. Il en est ainsi de la politique étrangère, de la défense, de l’armée et de certaines questions touchant la Justice ».
 
Certes, mai juin 68 était encore frais dans les esprits, mais cette révision était un copier-coller de la Constitution Gaullienne de 1958 en France inspirée par un contexte qui n’est pas le nôtre aujourd’hui. De Gaulle n’avait pas confiance à son Parlement. Il se réserve : Politique étrangère (coexistence pacifique) ; Défense nationale et Armée (capitulation face à l’Allemagne nazie) ; Intérieur (Indépendance Algérie française et des colonies). Chez nous je crois que l’urgence est plutôt ce qu’on appelle pudiquement « lutte contre la pauvreté », il faut le traduire dans la Constitution de ce siècle démarré avec les années 2000. Donner expressément au Chef de l’Etat (au sens institutionnel) ce pouvoir serait très utile aujourd’hui à mon avis !
 
Professeur Abdoulaye SAKHO. Agrégé des facultés de Droit.
Chercheur au CRES. Directeur de l’Institut EDGE.
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1.Posté par Me François JURAIN le 03/12/2020 10:11
le sénégal n'est pas un pays laïque, et vous le savez très bien. Le sénégal est un pays de confession musulmane, et il n'y a pas à en avoir honte, c'est comme ca. Le poids de la religion musulmane est omni présent, et tout un chacun peut le constater, ne serait ce que dans la vie courante, comme dans la vie politique. Il n'est pas question de débattre ici pour savoir si c'est un bien ou si c'est un mal, c'est ainsi. Pour s'en convaincre, il n'y a voir le ballet des politiques de tous bords et de tous poils, à commencer par le premier d'entre eux, se précipiter chez les chefs religieux, surtout au moment des élections mais pas que, pour comprendre que la laïcité, c'est dans la constitution, c'est à dire un (respectueux) graphiti couché sur une feuille de papier.
Je n'ai rien contre les religions, que ce soit musulmane, catholique, ou autres. Simplement, je me demande pourquoi dans tous les pays où il y a la guerre, ce sont des pays musilmans, et ce sont des musulmans qui assassinent, égorgent violent d'autres musulmans.
Dieu merçi, et pour l'instant, nous n'en sommes pas encore là au sénégal: donc la religion, sous certains aspects, a du bon. Mais est il nécessaire que la religion (musulmane) au travers des confréries, représentent une force politique, ou que des dirigeants (MS n'a pas été le premier à comprendre cela) se servent des chefs religieux comme d'un parti politique, au point qu'il vaut mieux, aujourd'hui, construire une autoroute pour aller à TOUBA, qui ne servira qu'une fois par an et coutera une fortune, que d'entretenir un parti politique comme l'APR, se transformant, de jour en jour, en véritable armée mexicaine dont on n'est plus garant de la fidelité et de la fiabilité? la question mérite d'être posée.
la solidarité transgenerationnelle découle de la religion, et sur le papier, c'est beau, c'est bien. Sauf que ce qui était valable et facilement applicable au 14° siècle, ne l'est pas forcément au 21° siècle. Au jour d'aujourd'hui, la crise est partout, les difficultés sont partout. Il y a encore une dizaine d'année, un fils de la famille partait en europe, trouvait rapidement un travail, vivait dans des conditions misérables et envoyait presque la totalité de sa paie au pays, qui faisait vivre dix personnes pendant un mois, voir plus. Sauf que, au jour d'aujourd'hui, le même garçon est obligé de partir en europe dans des conditions plus que criticables, et quand il arrive, c'est pour troquer la misère sénégalaise contre la misère européenne, encore plus dure et plus insupportable.
Alors oui, cette solidarité transgénérationnelle a vécue, et il faut vite, très vite passer à autre chose.
En FRANCE, pays honni par certain, c'est Michel ROCARD qui le premier a compris que au 20° siècle, un état quel qu'il soit ne peut pas se permettre de laisser crever de faim son peuple, et un peu par générosité (mais surtout par calcul politique) a créé le RMI, revenu minimum d'insertion. On peut être contre, en disant que cela encourage les gens à ne rien faire, mais on peut être pour (c'est mon cas) en se disant que dès la naissance, les chances ne sont pas égales, et que Mon dieu, donner une (petite) chance à ceux qui en ont toujours manqué, dans une démocratie, ce n'est paas un luxe mais un devoir.
D'autant que, même si k'on raisonne avec sa tête, et non avec son coeur, c'est tout bénéfice pour l'état:
1°) Vous allez transformer une armée de "gens qui n'ont rien à perdre" en troupe de "gens qui ont un tout petit peu, donc, vous limitez les risques de conflits sociaux, très durs, qui peuvent vite dégénérer, surtout dans des pays d'afrique, sensibles aux problèmes ethniques, en guerre civile.
2°) En permettant aux anciens d'être autonomes, de par le petit pécule versé par l'état, qui leur permettra de se loger et se nourrir, de libérer la charge qui pèse sur leurs enfants, et permettre à ceux i, qui travaillent, d'avoir des projets d'avenir et de jouir de la totalité de leur salaire, en achetant logement, voiture, ect... le tout générant des taxes qui vont (en tout cas devraient) aller directement dans les caisses de l'état, compensant largement la dépense faite pour l'entretien des vieux;
3°)Vous réduirez considerablement la masse des gens qui vivent sous le seuil de pauvreté au pays.
Tlut cela est facilement réalisable, et le SENEGAL, je le dis depuis que je connais ce pays et y vis, c'est à dire depuis plusieurs années, n'échappera pas à une politique sociale coherante, tout simplement parce que l'état, de quelque pays qu'il soit, a en charge la totalité de son peuple, et surtout les plus faibles, et doit veiller à empêcher les plus forts, d'ignorer ou pire, vivre sur le dos des plus faibles.
Cette politique sociale est très simple à mettre en œuvre, et mieux vaudrait l'appliquer avant toute effusion de sang qui ne manquera pas d'arriver, car les pauvres, et comment ne pas les comprendre, sont à cran.
Les sommes à engager ne sont pas énormes, et peuvent facilement être supportées par les finances du pays: elles ne représentent qu'une infime partie de la corruption étatique et autres détournements de fonds, sur facturations, retro commissions et autres comptes offshore, dont les principaux bénéficiaires sont malheureusement, les plus forts, au détriment des plus faibles.
D'ailleurs, je me rappelle l'engagement, le contrat d'un Président de la République (j'ai oublié son nom) qui s'était engagé, envers son peuple "à faire passer la patrie avant le parti", "que pas un franc sorti de la caisse de l'état ne serait ne pas être justifié", que jamais un membre de sa famille ne serait privilégié ou rentrerai dans son gouvernement...Avec l'âge, j'ai oublié son nom et ce qu'il est devenu, mais je me rappelle de la date, c'était le 03 avril 2012, et j'étais sur qu'avec de tels principes mis en place, par un tel homme la pauvreté, l'analphabetisme, allaient n'être que de l'histoire ancienne...Mais malheureusement, cet homme, qui aurait pu être un grand homme de l'histoire sénégalaise, a disparu, et personne ne peut me dire où il est...C'est dommage.
Alors, bien sur, une réforme pareille, simple dans son ediction, et encore plus simple dans son application, car l'argent est là, ne fera pas plaisir à tout le monde, et les premiers déconfits seront (peut être) les chefs religieux, qui risquent de penser (avec raison) qu'ils vont perdre de leur influence: c'est un risque, et le propre même d'un chef d'état, c'est de savoir prendre des risques sans se soucier de sa énième réelection.
Dans la nuit, j'ai appris le décés de Valery Giscard D'estaing: je ne juge ni l'homme, ni sa politique, mais VGE a su prendre des risques, non pas pour s'assurer sa réelection, mais parce qu'il voulait réformer la france, il a imposé l'interruption volontaire de grossesse, malgrè que son électorat était contre, il a abaisser l'âge du droit de vote à 18 ans, tout en sachant que cela allait ou risquait de lui faire perdre des élections. Voila ce que veut dire: "LA PATRIE AVANT LE PARTI". Un homme d'état prendra toujours la décision qui sera favorable au peuple, l'homme politique prendra la décision qui lui est favorable à lui et à son clan, voila toute la différence. les hommes d'état resteront dans l'histoire, et feront avancer leur pays par des réformes audacieuses, mais necessaires, les hommes politiques disparaitrons dans les écuries d'Augias.
Ainsi va la vie...
Me François JURAIN

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