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JO de Paris et déplacement des sans-abri : Utopia 56 dénonce un "nettoyage social"

Vendredi 5 Avril 2024

Mercredi 3 avril, en milieu d'après-midi. Côté soleil, sur les murs de l'Hôtel de Ville de Paris, on peut lire "Ville hôte" sur une pancarte géante. Côté ombre, des dizaines de sans-abri, dont des familles avec des bébés, mais aussi des mineurs non accompagnés, attendent à l'extérieur, sur l'esplanade, dans l'espoir d'avoir une maigre chance de se voir attribuer un abri pour la nuit.

 

Yann Manzi, cofondateur et délégué général de l'association Utopia 56, est sur place avec les sans-abri, fournissant des tentes et des couvertures à la grande majorité qui devra passer la nuit dehors - 70 % selon lui.

 

À quelques centaines de mètres de là, sous le Pont Marie, des mineurs non accompagnés sont évacués des berges de la Seine par la police, toujours dans le centre de Paris.

 

Selon la police, il s'agit d'une mesure de sécurité, car le niveau de la Seine est en hausse. Yann Manzi discute avec la police pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une mesure d'expulsion pour ces mineurs non accompagnés, qui, selon la loi, devraient être protégés et logés par l'État, mais ne le sont pas.

 

Lors d'une interview avec Anadolu, Yann Manzi s'exprime sur la situation critique des sans-abri à Paris, particulièrement en amont des Jeux olympiques de 2024. Selon lui, le problème de l'hébergement d'urgence et le traitement des populations démunies dans la capitale française sont des sujets de préoccupation majeurs.

 

- L'association Utopia 56

 

Pour commencer, Yann nous présente son association. "On a une permanence pour tous les oubliés du 115 (le Samu social). Le 115, en France, c'est tout simplement la mise à l'abri d'urgence pour les gens qui n'ont pas de domicile", explique-t-il.

 

"Et depuis sept ans, Utopia 56 à une permanence dans Paris et là, depuis deux ans et demi, on est devant l'Hôtel de ville pour récupérer une partie des personnes oubliées du 115. Et on s'appelle un peu le '115 de la débrouille' et on trouve des solutions pour, notamment les femmes seules, les bébés, les femmes enceintes et les jeunes filles, de façon à trouver un hébergement. Et quand on n'a pas d'hébergement, on les met tous ensemble, des couvertures, de tentes, des bâches, de façon à ce [...] qu'ils soient tous ensemble et leur permettre d'être un peu plus en sécurité", ajoute Yann Manzi.

 

Manzi évoque aussi le problème plus vaste des milliers de personnes en France confrontées à la pauvreté et à l'absence de logement, un problème qui, selon lui, s'est aggravé ces derniers mois. Il critique l'inaction de l'État dans son rôle de fournisseur de services de base. "L'État ne joue plus son rôle", déplore-t-il avant d'ajouter que "Le premier job de l'État, c'est que les gens aient un hébergement et à manger. Aujourd'hui, dans notre pays, ça ne marche plus. Il y a des milliers et des dizaines de milliers d'oubliés", regrette Yann.

 

Concernant les préparatifs des Jeux olympiques de 2024 à Paris, Manzi dénonce ce qu'il qualifie de "nettoyage social" visant à éloigner les sans-abri des lieux publics et des sites olympiques. Il déplore les évacuations fréquentes et inattendues de ces populations sans qu'une réelle solution de relogement ne soit proposée.

 

- "Nettoyage social pour les JO de Paris"

 

"Depuis des mois et des mois, il y a une préparation à Paris des Jeux olympiques. Tout le Monde le sait. Et nous, depuis des mois et des mois, nous vivons à Paris ce qu'on appelle 'un nettoyage social', c'est-à-dire que tous ces gens dans la rue, il ne faut pas qu'ils soient là, il faut qu'on les cache. Donc, nous vivons depuis plusieurs mois des évacuations sans être prévenus et sans relogement de ces populations, avec un objectif très clair : de les faire disparaître de la voie publique et surtout, de faire disparaître ces personnes des sites olympiques", observe-t-il.

 

"Par contre, il n'y a pas de proposition de mise à l'abri et là, par contre, l'État ne respecte plus le droit", ajoute le cofondateur d'Utopia 56.

 

Par ailleurs, Manzi critique le programme gouvernemental de transfert de sans-abri vers des "sas" en province. Il explique que ce dispositif, qui consiste à envoyer des sans-abri dans des centres temporaires pour trois semaines avant de les remettre à la rue s'ils ne répondent pas aux critères requis, est mal géré et conduit à des situations encore plus précaires pour ces personnes.

 

"Depuis un an, l'État a mis en place une orientation pour une partie de ces populations : faire des sas en province, dix sas, 50 places dans chaque sas, 500 places toutes les trois semaines. C'est très clair. Et ça, toutes les semaines. Il y a des évacuations de Paris qui partent vers là-bas", explique-t-il.

 

"Ça pourrait être une très bonne idée, sauf que c'est fait n'importe comment. Les bus arrivent le matin, les gens doivent monter dans les bus. S'ils ne montent pas dans les bus, ils doivent partir des lieux sur lesquels ils étaient, c'est-à-dire des tentes, des couvertures, et puis, derrière, ces gens sont envoyés en région pour trois semaines. Au bout de trois semaines, si on n'entre pas dans la bonne case, on est remis à la rue, en région. Ils se retrouvent sans soutien, sans rien du tout, en ayant cru en l'État et pour une partie de ces gens, l'État leur a menti", Yann Manzi expliquant qu'un grand nombre de sans-abris sont abandonnés à leur destin, malgré la communication du gouvernement.

 

En conclusion, Yann Manzi appelle ses concitoyens à se mobiliser pour les droits humains et à lutter contre ce qu'il décrit comme une "chasse aux pauvres". Son message souligne l'urgence d'une réponse solidaire et humaine à la crise des sans-abri à Paris, et la nécessité pour les pouvoirs publics d'adopter des politiques plus inclusives et efficaces en matière de logement et de prise en charge des personnes en situation de précarité. [AA]

 
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