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DRAME & BUSINESS: Les milliardaires et les entreprises qui donnent pour Notre-Dame sont-ils vraiment si généreux ?

Mercredi 17 Avril 2019

Des millions d'euros pour rebâtir la cathédrale. Au lendemain de l'incendie de Notre-Dame de Paris, plusieurs grandes fortunes françaises ont sorti, mardi 16 avril, leur carnet de chèques et promis d'importants dons. La famille Pinault, propriétaire du groupe de luxe Kering, a promis 100 millions d'euros, suivie par le groupe LVMH et la famille Arnault, première fortune de France, qui a annoncé un don de 200 millions, tout comme la famille Bettencourt-Meyers et le groupe L'Oréal. Total entend de son côté donner 100 millions d'euros, la famille Bouygues 10 millions et la famille Decaux 20 millions d'euros. Des sommes conséquentes, dont l'importance est toutefois à relativiser. Franceinfo vous explique pourquoi.
 
Des dons qui permettent des réductions d'impôts
 
Ces gestes donnent droit à d'importantes réductions d'impôts, qu'ils soient réalisés à titre personnel ou via leurs entreprises respectives. Dans le premier cas, un don permet une "réduction de l'impôt sur le revenu égale à 66% du montant des dons dans la limite de 20% du revenu imposable", peut-on lire sur le site Service-public.fr. Si un particulier fait un don de 1 000 euros, il obtient donc 660 euros de réduction d'impôts. La réduction d'impôts est encore plus intéressante si le particulier est assujetti à l'impôt sur la fortune immobilière (qui a remplacé l'ISF) : elle est alors de 75%, dans la limite de 50 000 euros.
 
Pour les entreprises, le principe est similaire. Pour un don à une "œuvre d'intérêt général", un mécène privé voit son impôt sur les sociétés réduit de 60% dans la limite de 0,5% de son chiffre d'affaires annuel. Certaines voix, dont celles de l'ancien ministre et collaborateur de la famille Pinault, Jean-Jacques Aillagon, se sont élevées pour demander qu'une réduction spéciale de 90%, réservée aujourd'hui à l'achat public d'œuvres jugées "trésor national", soit appliquée dans le cas de Notre-Dame. Un traitement spécial qui n'a pas les faveurs du ministre de la Culture, Franck Riester, comme il l'a expliqué sur France 2. 
 
En 2018, L'Oréal a réalisé un chiffre d'affaires de 26,9 milliards d'euros, ce qui lui donne le droit à une réduction maximum de 134 millions d'euros. Son don de 100 millions d'euros va lui donner la possibilité de déduire 60 millions d'euros du milliard d'impôts sur les sociétés dont s'acquitte le groupe, selon La Croix.
 
Une sorte d'optimisation fiscale ?
 
L'opération sera en revanche très intéressante pour Total, note Libération. Avec son don de 100 millions d'euros, le groupe peut prétendre à une réduction d'impôts de 60 millions d'euros, alors qu'il n'a payé que 30 millions d'euros d'impôts sur les sociétés en 2016. La loi lui permet même de reporter l'excédent sur les 5 années suivantes. En clair, si le montant de son impôt sur les sociétés est toujours de 30 millions d'euros, Total pourrait ne payer aucun impôt sur les sociétés pendant deux ans.
 
Toutes ces ristournes inquiètent le député LR Gilles Carrez, rapporteur spécial du programme patrimoine pour la commission des finances de l'Assemblée nationale. "C'est la collectivité publique qui va prendre l'essentiel [des frais de reconstruction] en charge, explique-t-il au MondeSur près de 700 millions d'euros [de dons annoncés le 16 avril], environ 420 millions seront financés par l'Etat, au titre du budget 2020". A l'opposé de l'échiquier politique, l'économiste Maxime Combes, du mouvement Attac, dénonce un "indécent Téléthon des milliardaires" et propose que ces entreprises et grandes fortunes paient "leurs impôts, tous leurs impôts". Une référence à l'évasion fiscale pratiquée par certains.
 
Ces protestations semblent avoir été en partie entendues. Mercredi matin, Jean-Jacques Aillagon a retiré sur France Inter sa proposition de réduction à 90%. Et la famille Pinault a finalement annoncé qu'elle ne demanderait pas sa déduction fiscale. Elle "considère en effet qu'il n'est pas question d'en faire porter la charge aux contribuables français", indique dans un communiqué, François-Henri Pinault, président de la holding familiale et PDG du groupe de luxe Kering.
Des sommes minimes par rapport à la fortune
 
D'autres voix se sont élevées pour remettre en perspective le montant de ces dons, en les comparant avec la fortune personnelle des intéressés. Selon le magazine américain Forbes  (en anglais), qui réalise chaque année un classement des milliardaires, la fortune de Bernard Arnault et sa famille s'élève à plus de 67 milliards d'euros. Avant éventuelle réduction d'impôts, son don correspond donc à environ 0,15% de sa fortune personnelle. Si on transpose ce montant à un salarié au smic, qui gagne environ 1 200 euros net mensuel, cela correspondrait à un don de... 1,8 euro. (francetvinfo)
 
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