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Chronique d’Albert : La racine du mal des travailleurs

Samedi 4 Mai 2019

La célébration des fêtes du premier mai n’a point modifié les conditions de travail et de vie des travailleurs du monde. Ici et là, les travailleurs se plaignent, dénoncent et luttent pour l’amélioration des salaires,  la protection des droits et  pour une meilleure gouvernance des affaires publiques et de l’entreprise. Le mal du travailleur est profond. Les Etats et les opérateurs privés nationaux et  internationaux ne savent plus sur quel levier (salaire, participation, répartition de la croissance) agir pour faire plus et mieux. La crise est infinie. Le travailleur, singulièrement sénégalais, va assurément  mal à la racine.
 
Etre salarié dans le contexte de la crise persistante de l’économie mondiale, est devenu si difficile, que le travail se transforme de nos jours en un luxe dans une morosité  globale. C’est un ressenti entretenu et alimenté par les employeurs et d’ailleurs, par des franges importantes des travailleurs, des syndicats et des chômeurs diplômés ou non qualifiés, à la recherche du premier emploi.
 
Les travailleurs en exercice ressentent naturellement, un sentiment de fierté  d’être rémunérés à la fin de chaque mois. Chômer est à la limite une peine de prison à vie dans une société ne parvenant plus à offrir, ni un emploi stable à des millions de demandeurs d’emploi, ni à protéger le travailleur et son pouvoir d’achat. Le Sénégal ne fait point une exception dans ce contexte structurel des sociétés contemporaines. L’emploi et sa préservation sont au centre des angoisses des travailleurs, des jeunes et des moins jeunes.
 
La célébration de la fête du travail est depuis des décennies, ce moment de communion autour d’un événement historique, pour dire ce que la société et les travailleurs ressentent profondément dans le domaine de l’emploi, des conditions de travail. Cette célébration est  aussi un moment saisi par les syndicats des travailleurs pour remettre des cahiers des doléances au Président de la République. Les difficultés des travailleurs au centre de ces cahiers touchent aux bas salaires, aux conditions de travail souvent dramatiques et à la vie du monde du travail.
 
A force de répéter cet exercice annuel devenu un événement folklorique, de nombreux travailleurs finissent évidemment par ne plus croire aux promesses politiciennes sans lendemain et aux discours des dirigeants des syndicalistes professionnels, plus soucieux des intérêts corporatistes et des privilèges de ces chefs syndicaux. L’Etat ne sait quoi faire de ces doléances. Elles ne cessent de prendre de l’ampleur tellement la fracture syndicale est énorme. Le Sénégal ne dispose guère de ressources financières pour satisfaire la forte demande croissante des travailleurs.
 
La puissance publique et les employeurs privés n’offrent en réalité aucune perspective de solution durable, en ce qui concerne la prise en charge des doléances des travailleurs. C’est finalement un  jeu de dupes institutionnalisé. Les acteurs partenaires que sont l’Etat, les employeurs privés et les barons syndicalistes, se  jouent  de la misère du travail salarié et non salarié. Ce partage des rôles, pour mieux gérer les frustrations des travailleurs et des laissés pour compte du travail salarié et non salarié, cache mal la réalité du monde du travail et du travailleur au Sénégal.
 
A côté des salaires faibles, insuffisants, voire médiocres, le travailleur sénégalais assure à peine ses besoins primaires de travailleur : manger à sa faim, se loger décemment avec sa famille, se soigner et jouir de son salaire. Cette situation de misère collective nourrit et alimente des pratiques sociales et culturelles néfastes à l’échelle du pays : absentéisme, corruption, recherche d’autres sources de revenus, contre productivité et détournements de deniers publics et privés.
 
Que dire du travailleur dans le secteur informel ? Les travailleurs du secteur informel ou de l’économie solidaire croupissent dans un  désastre social, culturel et économique. Le salaire mensuel est y très rare. Le contrat de travail est inexistant. On travaille dans l’insécurité absolue. Il faut se battre pour survivre à tout prix.
 
Le travail salarié et le travail non salarié ont en commun une absence totale de perspective pour sortir du cycle infernal de la survie au jour le jour. La croissance économique  est certes revenue au cours de ces dernières années. Elle ne se répercute pas sur les bas salaires, les conditions de travail et les conditions de vie des travailleurs. Le pire serait que la croissance mal répartie entre la puissance publique, les privés nationaux et internationaux et les travailleurs salariés et non salariés, se traduise dans  le long terme par la mort du travail et  des pans entiers de l’économie solidaire.
Mamadou Sy Albert
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