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80 ans après le massacre de Thiaroye : « le mal d’archives », point d’achoppement de la vérité et de la justice

Vendredi 29 Novembre 2024

80 ans après le massacre de Thiaroye : « le mal d’archives », point d’achoppement de la vérité et de la justice

Originaires des colonies françaises d’Afrique de l’Ouest, les tirailleurs sénégalais formaient un corps militaire crée depuis 1857 par le gouverneur du Sénégal Louis Faidherbe.

 

Durant la deuxième guerre mondiale, ils furent emprisonnés en métropole par les Allemands à la suite de la débâcle de l’armée française en juin 1940. Libérés en 1944, ils furent rapatriés au Sénégal pour ensuite regagner leurs colonies d’origines.

 

Au camp de Thiaroye (banlieue de Dakar), ils réclamèrent légitimement leurs soldes de captivité et de traversée qu’on leur avait promis avant leur démobilisation.

 

Dans une entreprise de spoliation de leurs primes, les tirailleurs sénégalais furent rassemblés au matin du 1er décembre 1944 sur l'esplanade du camp où ils reçurent une salve meurtrière provenant de trois compagnies indigènes, d’un char américain, de deux half-tracks, de trois automitrailleuses, de deux bataillons d’infanterie, d’un peloton de sous-officiers et hommes de troupes français. 

 

Le récit officiel évoque « une mutinerie » dont la répression a fait un bilan de 35 morts, qui en réalité est largement sous-estimé. 

 

Les autorités françaises ont toujours gardé le silence sur cet épisode tragique. Le président François Hollande l’a toutefois qualifié avec beaucoup d’euphémisme de « répression sanglante ». Le président Emmanuel Macron a adressé, ce jeudi, une lettre à son homologue du Sénégal dans laquelle « il reconnaît que c’était un massacre, de façon très claire, sans ambiguïté sur les termes »

 

En 2014, la France avait assuré remettre l’intégralité des archives sur Thiaroye au Sénégal. Il s’agit d’archives conservées au Service historique de la Défense (SHD) et aux Archives nationales d’Outre-Mer (ANOM).

 

Cependant, nombreux sont les historiens comme Armelle Mabon qui ont longtemps soupçonné le caviardage, la destruction, la falsification et la restriction d’accès d’une partie des archives relatives à ce massacre. 

 

Ces archives manquement notamment d’informations capitales telles que la cartographie des fosses communes, la liste des rapatriés et des victimes, le calcul des soldes et les fiches individuelles du pécule.

 

Huit décennies après, ce massacre demeure encore entouré de zones d’ombres. Le peu d’archives rendu public ne donne pas les éléments tangibles à l’éclatement de la vérité pas plus que le rétablissement de la justice envers les victimes et leur famille.

 

C’est le lieu de saluer la démarche des nouvelles autorités du Sénégal qui ont mis en place un Comité de commémoration du 80 anniversaire dont la mission est de « rassembler des preuves, des témoignages et des documents pour comprendre pleinement les événements tragiques de Thiaroye » et « proposer des actions qui honoreront la mémoire des victimes et sensibiliseront les générations futures ».

 

Khalifa Ababacar TALL

Archiviste, titulaire d’un master en sciences de l’information documentaire

tallkhalifaababacar@gmail

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