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Présidentielle 2024 : Pourquoi une 3ème candidature de Macky Sall est une utopie juridique

Dimanche 22 Novembre 2020

Le Président Macky Sall, lors de sa prestation de serment après sa réélection en février 2019 pour un second mandat.
Le Président Macky Sall, lors de sa prestation de serment après sa réélection en février 2019 pour un second mandat.
Le Conseil constitutionnel est membre de l’Association des cours constitutionnelles francophones (ACCF), ayant en partage l’usage du français, qui rassemble 48 Cours constitutionnelles et institutions équivalentes des pays d'Afrique, d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Lors du 8éme congrès triennal qui s’est tenu à Montréal du 30 avril au 3 mai 2019, les présidents, membres et représentants des Cours et institutions membres ont été invités à débattre sur le thème suivant : « Constitution et sécurité juridique », et à répondre à un questionnaire précis. Lors de ce congrès, le Conseil Constitutionnel a produit 2 documents et apporté des réponses écrites, se référant expressément à l’avis qu’il a rendu le 12 février 2016, suite au projet de loi de révision constitutionnelle qui lui avait été soumis, et qui prévoyait de rendre applicable au mandat présidentiel en cours, une disposition qui fait passer la durée du mandat de 7 à 5 ans.

Des apprentis sorciers du régime ont prétendu avec une incroyable audace, que le Conseil Constitutionnel du Sénégal avait tranché le débat en 2016 et balisé la voie à une troisième candidature de Macky Sall en 2024.Une telle assertion est totalement fausse et relève de la sorcellerie juridique. Une lecture attentive de l’avis du Conseil Constitutionnel du 12 février 2016, et des 2 documents produits par le Conseil Constitutionnel au 8ème congrès de l’ACCF en 2019, torpille cette thèse farfelue, qui ne repose sur aucun fondement juridique.
  1. En 2016, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la durée du mandat et n’a jamais écarté le 1er mandat de Macky Sall du décompte des mandats
Le point 2.2 de l’avis du Conseil Constitutionnel du 12 février 2016 est intitulé « la durée du mandat du président de la république ».Cet intitulé ne laisse place à aucun doute sur la portée de l’avis. Les considérants (19 à 32) de l’avis de 2016 traitent de la durée de mandat.

En 2016, s’agissant du point relatif à la réduction du mandat, le Conseil Constitutionnel a répondu à une seule et unique question : l’article 27 de la Constitution, qui, dans sa nouvelle rédaction fait passer la durée du mandatdu président de 7 à 5 ans, est-elle applicable au mandat de Macky Sall en cours ? A cette question, la réponse du Conseil Constitutionnel est la suivante : le mandat de Macky Sall a été conféré pour 7 ans, et la loi nouvelle qui fait passer le mandat de 7 à 5 ans ne saurait affecter la durée dudit mandat. Autrement dit, la durée du mandat de 7 ans, est intangible, hors de portée. Il ne faut jamais confondre durée du mandat et nombre de mandats. En 2016, le Conseil Constitutionnel n’a jamais écarté le 1er mandat de Macky Sall et n’a jamais évoqué le nombre de mandats. Le Conseil a précisé « qu’au nom de la sécurité juridique et de la stabilité des institutions ; la durée du mandat qui est de 7 ans ne pouvait être affectée par la loi nouvelle qui prévoit de ramener la durée du mandat à 5 ans ».

Pour bien comprendre que le 1er mandat de 2012 fait partie du décompte des mandats, il suffit de lire attentivement, la réécriture de l’article 27 issu de la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016 qui concerne la durée et le nombre de mandats :
  • La durée du mandat du Président de la République est de cinq (05) ans.
  • Nul ne peut exercer plus de deux (02) mandats consécutifs.
Dans le dispositif de l’avis de 2016 (cf article 3), le Conseil constitutionnel a conclu que « la disposition relative à la réduction du mandat en cours du président n'est conforme ni à l'esprit de la Constitution, ni à la pratique, précisant que la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président ne peut s’appliquer au mandat en cours ». En effet, seule la loi nouvelle sur la durée du mandat a été visée par le Conseil Constitutionnel, comme ne pouvant affecter, le 1er mandat de Macky Sall. Toutes les autres dispositions, et précisément l’alinéa de l’article 27 de la constitution « nul ne peut faire plus de 2 mandats consécutifs » sont applicables au mandat de Macky Sall. Si le Conseil Constitutionnel voulait écarter le 1er mandat de Macky Sall du décompte des mandats, il aurait écrit « l’alinéa de l’article 27 sur le nombre de mandats « nul ne peut faire plus de 2 mandats consécutifs », ne s’applique pas au mandat en cours ». Le Conseil Constitutionnel ne l’a pas écrit.
  1. En 2019, lors du congrès de l’ACCF, le Conseil Constitutionnel a précisé la portée de son avis de 2016 qui se limite à l’appréciation de la durée du 1er mandat (2012)
Dans le questionnaire qui lui a été transmis sur le principe de sécurité juridique, le Conseil Constitutionnel a donné une réponse, en prenant l’exemple de son avis en 2016. Dans le point 13 du questionnaire, le Conseil Constitutionnel précise la portée de l’avis de 2016 : « Appelé à se prononcer dans le cadre d’une demande d’avis, sur la possibilité de prévoir, dans un projet de loi de révision constitutionnelle, une mesure transitoire ayant pour objet de rendre applicable au mandat du président de la République en cours une disposition qui fait passer la durée de celui-ci de sept à cinq ans, le Conseil a estimé que le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance ».

Cette interprétation juridique est confortée par le 2eme document produit par le Conseil Constitutionnel intitulé « La protection des situations légalement acquises : l’apport du Conseil constitutionnel du Sénégal ». Cette fois, la contribution émane du Président du Conseil Constitutionnel, himself. A la page 104 du document, le Président du Conseil Constitutionnel, Papa Ibrahima SAKHO écrit :

« Une disposition contenue dans le projet de révision constitutionnelle en 2016 avait prévu que l’article 27 de la Constitution, qui dans sa nouvelle rédaction faisait passer la durée du mandat du président de la République de 7 à 5 ans, était applicable au mandat qui était en cours. Il faut dire que cette question de la modification de la durée des mandats politiques, souvent dans le sens de la réduction, n’était pas nouvelle, et que la réponse qui était trouvée n’était pas toujours satisfaisante. Il est arrivé, à deux reprises, que la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale, de 5 ans à l’origine, soit ramenée à 1 an dans le cadre de réformes constitutionnelles ou législatives déclarées immédiatement applicables, ce qui avait pour effet le départ de l’intéressé avant la date initialement retenue. Confronté au même problème, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision de 2016, fait appel à la notion de sécurité juridique à laquelle il a associé celle de stabilité des institutions pour se prononcer contre la disposition transitoire ».

Le Conseil Constitutionnel justifie sa position par les modifications intempestives de la durée du mandat du Président de l’assemblée nationale (de 5 à 1 an) et précise qu’il s’agit à travers l’avis de 2016, d’assurer « la protection des situations légalement acquises ». Ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les justifications alambiquées du Conseil Constitutionnel pour ne pas valider le principe de la réduction de la durée du mandat de 7 à 5 ans, mais de savoir, que toute la problématique en 2016 portait sur la durée du mandat en cours (et non sur le nombre de mandats). Le Conseil Constitutionnel, à 3 reprises (avis de 2016 et 2 documents produits en 2019 au 8éme congrès de l’ACCF) écrit noir sur blanc qu’il s’est prononcé sur la durée du mandat.

L’idée selon laquelle le Conseil Constitutionnel a balisé la voie à Macky Sall en 2024, et aurait déjà validé une 3ème candidature est une légende qui relève d’une stratégie d’enfumage, et de mystification. La nouvelle rédaction (réécriture) de l’article 27 de la Constitution ne laisse place à aucune interprétation, même pour les exégètes les plus passionnés, et ce n’est pas Ismaïla Madior Fall qui nous contredira. Le Conseil Constitutionnel n’a jamais écrit dans l’avis de 2016 que le mandat en cours était écarté du décompte des mandats. Le projet de révision constitutionnelle soumis au référendum du 20 mars 2016 concernait 15 points, dont celui relatif à l'intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l'État, au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République. Le Conseil Constitutionnel a examiné et validé le nombre de mandats consécutifs limité à 2 et n’a formulé aucune remarque ou observation sur ce point (il n’a pas écrit que le 1er mandat de Macky n’était pas pris en compte dans le nombre de mandats consécutifs et ne pouvait en aucun cas le faire).

Par conséquent, « Nul ne peut faire plus de 2 mandats consécutifs » frappe Macky Sall (peu importe la durée des mandats consécutifs). Car, si Macky Sall s’appelait Macky Sall en 2012, et qu’il s’appelle toujours Macky Sall en 2019 et en 2024, il ne pourra jamais présenter une 3eme candidature en 2024. Sauf s’il est un mutant et qu’il change de visage et d’identité en 2024.

Avant 2016, le nombre de mandats était de 2 : après la révision constitutionnelle de 2016, le nombre est inchangé (2) et confirmé. Le verrouillage à double tour de l’article 27 est assuré avec l’alinéa « Nul ne peut faire plus de 2 mandats consécutifs ».

Au vu de tout ce qui précède, une 3ème candidature de Macky en 2024 est une utopie.
Macky est « out » : game is over (les jeux sont faits).

Seybani SOUGOU – e-mail :sougouparis@yahoo.fr
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1.Posté par Me François JURAIN le 23/11/2020 17:26
Tout cela est parfaitement vrai et bien rgumenté, mais dans la patique, vous saez très bien comment les choses se passeront: exactement comme en Côte d'Ivoire! Macky SALL postulera pour un troisième mandat, j'en suis intimement convaincu, d'ailleurs, qu'il le veuille ou non, il y sera contraint, il y aura des manifestations, il demandera au conseil constitutionnel de trancher , et...et...dois je vous donner la réponse tout de suite ou vous préérez attendre 2024, à moins que votre réponse corresponde à la mienne, que je n'ai pas esoin d'écrire, c je la pense si fort que tout le monde peut la lire! Et tou cela passera comme une lettre à la poste, pour la bonne et simple raison qu'il n'y a pas d'opposition t qu'il n'y en aura pas! Le seul opposant, c'est SONKO, qui fera certainement entre 38 et 45% mais pas au delà (je pale de chiffres réels). Et si par malheur, (ou bonheur!) il y avait une réelle opposition qui présente un danger pour le roi, et bien il fera comme il fait depuis huit ans: il l'achètera! Le système est bien rodé, il a fait ses preuves, et sa marche! d'autant mieux, que cet achat est réalisé avec l'argent du contribuable!!!
Alors on peut être d'accord ou pas d'accord, on peut peste, on peut être scandalisé, ect...et je suis mille fois d'accord avec vous; mis les états d'âmes n'ont amais fait avancer les choses, et l'avenir du sénégal appartient au sénégalais, pays dans lequel je vous rappelle qu'il y a 54% d'analphabètes, ce qui arrange bien la classe politique et que cela n'est pas près de changer, justement parce que cela arrange bien certains! Alors, l'avenir du sénégal: sombre pour ceux qui montent dans les pirogues, radieux pour ceux qui embarquent dans un yacht de luxe, pour une belle croisière!
Rendez vous en 2024, qui va beaucou^p nous occuper, surtout si les présidentielles sont jumelées avec les locales et les législatie, projet (caché) de Macky SALL en ce moment, en tout cas d'après moi! Car ce n'est pas tant les présidentielles qui le préoccupe, elles sont gagnées d'avance, pour les législaties, si elles ont lieu détachées de présidentielles, cela peut être chaud, voir très chaud!
Attendons, et nous verrons!
Me François JURAIN

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