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Frais d’inscription des étudiants étrangers: lettre ouverte à Cédric Villani

Lundi 11 Février 2019

La décision d’augmentation des frais d'inscription des étudiants étrangers est critiquée à plusieurs titres. Elle témoigne d’une méconnaissance profonde de la part des décideurs de ce qu’est la coopération entre les Universités, le CNRS et des institutions étrangères. Elle met en péril des coopérations, fruit d’un travail de fond, qui ont apporté beaucoup à la recherche française.


Monsieur le député et cher collègue,
 
Le premier ministre a annoncé le 19/11/2018 son intention d’augmenter les frais d’inscription des étudiants étrangers en France. La finalité annoncée serait d’améliorer la qualité de l’accueil et le nombre d’étudiants étrangers accueillis en France.  Cette annonce n’a été précédée d’aucune concertation ni réflexion quant à ses conséquences.
 
 Nous sommes (signataires de cette lettre) impliqué.e.s depuis 15 à 20 ans dans la coopération avec le Vietnam, pour trois d’entre nous également dans celle avec l’Afrique sub-sahélienne. Nous souhaitons vous faire part de nos interrogations. 
 
 Cette mesure est profondément blessante  pour les étudiants étrangers en France, ceci est abondamment relayé sur les réseaux sociaux. Il faut prendre le temps de comparer à la situation dans d’autres pays, en voici trois exemples éclairants :
 
 En Belgique (communauté française) les étudiants d’une liste  (établie par l’ONU) de 42 pays en voie de développement sont dispensés de frais supplémentaires, à cette liste la communauté française ajoute une liste de 11pays. Cela couvre en particulier (mais pas uniquement) les pays d’Afrique francophone.
 
 Au Québec, l’UQAM, (Montréal), a renoncé à surtaxer les doctorants étrangers. En effet la surtaxe a abouti  à une baisse du nombre de  ceux-ci, qui a eu pour effet un fléchissement du nombre des contrats de recherches (**).
 
 Les montants annoncés sont nettement supérieurs à ceux pratiqués, pour un même cursus à l’ETH à Zurich ou à l’EPFL à Lausanne (comptant évidemment pour ces deux structures frais d’inscription + frais de scolarité).
 
 Ces exemples montrent que la décision a été prise sans qu’il y ait de réflexion sérieuse, et à mille lieux de la réalité du terrain.
 
Par ailleurs, et nous avons pu le constater au Vietnam, les dégâts faits par cette annonce sont déjà lourds. Les étudiants ne retiennent certainement pas le « Bienvenue en France » qui leur paraît au mieux ironique voire de mauvais goût, ils retiennent le coût des études et la manière expéditive  dont ceci est annoncé.  Même si on leur dit qu’il y des solutions, elles sont par trop incertaines et induisent de nouvelles complexités administratives.
 
La coopération universitaire franco-vietnamienne à une longue histoire que vous connaissez. En mathématiques  vous avez pu constater de vous même à Hanoï l’enthousiasme des lycéens vietnamiens, cette coopération est le fruit d’un travail long et patient. Il en a résulté un nombre de thèses conséquents que vous pouvez trouver sur  https://formath.math.cnrs.fr/index.php/fr/liafv/theses
 
Les étudiants sortis de cette filière sont enseignants au Vietnam, en France, ailleurs ; nombreux sont ceux dans le secteur privé, au Vietnam, en France, ou ailleurs. Ils sont la base de la coopération future. C’est toute cette histoire qui risque de s’interrompre brutalement, son futur qui est hypothéqué.
 
 Monsieur le Député,  croyez-vous que sans cette coopération, Ngo Bao Chau serait venu faire sa thèse en France?
 
 De manière plus générale il est à craindre que le recrutement de beaucoup d’écoles doctorales soit lourdement impacté, tant dans l’attribution des allocations de recherches, que dans l’accueil de boursiers étrangers. Cela nuira à la recherche en France.
 
 Monsieur le Député, vous avez su prendre des initiatives courageuses récemment, preuve de votre indépendance d’esprit. Nous souhaitons vivement que vous fassiez de même dans ce cas, en soutenant publiquement l’action de vos collègues et en prenant vos distances avec ce projet de décret, comme ont déjà su le faire des membres de votre groupe parlementaire.
 
Nous vous demandons d’intervenir afin qu’un moratoire quant à l‘application de cette mesure –comme le demande la conférence des Présidents d’Université- soit décidé. De très grandes universités (Paris Sud, Strasbourg, Marseille,…), ayant une forte expérience de la coopération internationale, l’ont déjà fait à leur niveau. Elles sont bien au fait des risques graves que comporte une telle mesure, prise sans concertation et dans la précipitation. Une discussion sérieuse doit avoir lieu et ne peut être improvisée à quelques semaines du début des inscriptions.
 
 Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Député et cher collègue, l'expression de notre haute considération.
 
 Laurence Halpern, Professeure à l'Université Paris 13
Michel Zinsmeister, Professeur à l'Université d'Orléans, ancien responsable du master de mathématiques appliquées Ho Chi Minh Ville, Orléans-Tours-Paris13
Lionel Schwartz, Professeur émérite à l'Université Paris 13, ancien responsable du LIA CNRS Formath Vietnam
Annick Suzor-Weiner, Professeure émérite et  ancienne Vice-Présidente RI l’Université Paris-Sud, présidente du Comité pour la Coopération scientifique et technique avec le Vietnam (2003-2013)
 
(*) Voir communiqué de la CPU. Du 10/12/2018, repris en Janvier.
http://www.cpu.fr/actualite/communique-du-conseil-dadministration-de-la-cpu-etudiants-internationaux-il-est-urgent-douvrir-la-concertation/
 
 (**) Dans l’attribution des contrats  il est tenu compte du nombre potentiel de doctorants.
 
(Blogs Mediapart)
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1.Posté par Me François JURAIN le 15/02/2019 17:29
Si l'on devait écrire un livre, qui pourrait s'intituler "COMMENT LA FRANCE N'A JAMAIS RIEN COMPRIS A L'AFRIQUE" (bon courage à ses auteurs, prévoir 54 tomes), figurerait en bonne place, cette nouvelles stupidité du gouvernement français. Ces étudiants étrangers sont extrèmement importants, pour un pays comme la France, car une fois formés, une fois diplomés, ils vont rentrer dans leur pays, et deviendront les élites d'un pays en plein essort. Ils auront le pouvoir de signer des marchés extrêmement importants, prendre des décisions, ect... Les années d'études sont extrèmement importante, dans la vie d'un homme ou d'une femme. La vie estudiantine crée des liens, on apprécie (ou pas) le pays d'accueil, et une fois les tudes terminées, une fois nanti d'un poste à haute responsabilité, il est clair que cette élite sera beaucoup plus enclin à favoriser une entreprise du pays qui lui a permit d'arriver là ou il est, et au de la de ce légitime "marchandage", les amitiés naturelles et effectives prendront le dessus. C'est normal, c'est humain, c'est sain, et c'est salutaire. La France, une fois de plus, n'a rien compris, ce qui n'étonnera aucun africain ou personne vivant en Afrique.
Mais cela m'amène à avoir une autre pensée: puisque les français ne veulent pas des étudiants africains chez eux, pourquoi les africains ne développeraient ils pas des universités d'excellence, où les français, les européens, les canadiens viendraient étudier, et seraient fier du diplome obtenu à DAKAR ou ailleurs en Afrique. La matière grise est là, pour ne prendre que l'exemple de DAKAR que je connais, les professeurs d'université n'ont strictement rien à apprendre de leurs homologues européens, canadiens, ou chinois, certains ont une aubediance internationale reconnue. Seul, manque le courage et la décision politique. Dommage, car il y a là une belle carte à jouer, qui permettrait de décomplexer définitivement l'Afrique, qui pense que c'est toujours mieux ailleurs. "Le pré du voisin est toujours vert", a t-on coutume de dire en France: reconsidérons ici le problème universitaire, considérons les enseignants comme ils doivent l'être, et mettons en avant notre enseignement supérieur sénégalais, qui supporte très bien la comparaison avec n'importe quel enseignement supérieur diffusé de par le monde.
Vive l'Afrique, et vive le sénégal! (je ne suis pas candidat à la prochaine élection, j'ai simplement le désir de voir apporter plus de considération aux africains et aux hommes et femmes qui font la fierté de ce continent, et plus particulièrement de mon pays (d'adoption) le sénégal.
Me François JURAIN

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