| Les révélations du lanceur d'alerte guinéen « Alpha », publiées aujourd'hui par la Plateforme de Protection des Lanceurs d'Alerte en Afrique (PPLAAF), mettent en lumière les pratiques répréhensibles de sociétés minières contrôlées par le fonds d’investissement américain Orion Resource Partners. L'enquête rassemble des preuves tangibles de tentatives de corruption, de fraudes fiscales et de violations graves de l’environnement. En 2022, Orion Resource Partners, un fonds d'investissement basé à New York et enregistré dans le paradis fiscal du Delaware, a acquis la société Alufer Mining Limited ainsi que sa filiale guinéenne, Bel Air Mining (Alufer/BAM). Ces deux entités détiennent un permis d’exploitation d’une mine de bauxite, le principal minerai utilisé dans la production d'aluminium, située dans la préfecture de Boffa, au cœur de la région de Boké, riche en ressources naturelles. Cette prise de contrôle a marqué le début d'une série d'abus, témoignant d’un mépris flagrant des lois et des réglementations guinéennes, des droits humains et de l’environnement. Alors que les communautés locales sont privées depuis des années des bénéfices de l’exploitation minière, les révélations "d'Alpha" mettent en lumière le déversement de tonnes de bauxite dans l'océan sans aucune conséquence, la fraude fiscale et des suspicions de pots-de-vin pour influencer les autorités. Orion, Alufer et Bel Air Mining ont démenti toute allégation de corruption et de pots-de-vin. « J’ai été écœuré au fil des mois par tout ce que j’ai vu. Tout ce que je souhaitais, c’était de contribuer au développement de mon pays en apportant mon expertise dans le secteur minier », explique Alpha. L'enquête de PPLAAF souligne l’urgence de renforcer les réglementations dans le secteur minier en Guinée Conakry, d'en assurer l’application stricte, et de garantir la protection des lanceurs d’alerte, dont le rôle est crucial pour exposer ces abus. "Ces pratiques reflètent une tendance alarmante où certaines entreprises étrangères, exploitant les ressources naturelles de pays comme la Guinée Conakry, s’arrogent le droit d’agir au-dessus des lois. Elles renforcent l’impunité et accentuent la vulnérabilité des communautés locales", a dit Henri Thulliez, Directeur exécutif de PPLAAF. | |
| Les révélations d’Alpha exposent les graves manquements répétés d’Alufer/BAM, sous le contrôle d’Orion. - En janvier 2023, Jeff Couch, membre du Conseil d’Administration d’Alufer/BAM, aurait autorisé le versement de 10.000 dollars à un responsable local pour débloquer une barge, en violation des obligations légales.
- En février, la douane a découvert que la valeur d’un navire importé par Alufer/BAM était sous-évaluée de quatre fois, réduisant ainsi les taxes dues. Alufer/BAM a ensuite réglé une somme partielle via un agent de transit, évitant de verser le montant réel dans les caisses de l’Etat.
- Enfin, Alufer a transféré du matériel importé à Bel Air Mining sans s’acquitter des droits de douane ni informer les autorités, ce qui serait contraire à la loi. « C’était un énorme manque à gagner pour l’État, ils auraient dû lui payer plusieurs millions de dollars », précise Alpha.
Les activités d'Alufer/BAM ont également causé une grave atteinte environnementale. Ces abus illustrent une défaillance systémique dans la gouvernance environnementale et le contrôle des activités minières en Guinée. - En juin 2023, une barge d’Alufer/BAM endommagée déverse 7.500 tonnes de bauxite et du fioul dans le Golfe de Guinée, causant de graves dégâts environnementaux. La direction d'Alufer/BAM ne signale pas l'incident aux autorités dans les délais légaux.
- Pour limiter les sanctions, Jeff Couch, avec l’aide de Karim El Ghawi, directeur pays du Wansa Group (un sous-traitant d'Alufer/BAM) est suspecté d'avoir tenté d'entraver l'enquête et de corrompre les agents du Ministère des Mines, des enquêteurs et même le Ministre.
- Un rapport interne à Bel Air Mining révèle des négligences graves, notamment des problèmes de maintenance ignorés par la direction, à l'origine de l'incident.
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Malgré ces manœuvres, Alufer/BAM est condamnée à payer une amende de 60,2 milliards de francs guinéens (environ 7 millions de dollars) et Mr. El Ghawi est interpellé par la gendarmerie pour suspicion de corruption.
Enfin, en dépit des engagements pris par Alufer/BAM pour financer des projets communautaires, aucun développement significatif n’a été réalisé. Les populations locales, déjà confrontées à des conditions de vie précaires, ne tirent aucun bénéfice de l’exploitation de la bauxite. Au contraire, elles en subissent les conséquences négatives : atteintes à leurs santé, expropriations, destruction des terres agricoles et perte de revenus.
Orion Resource Partners, en tant qu’investisseur majoritaire, porte une responsabilité directe dans la gestion d’Alufer/BAM et dans les abus documentés par le lanceur d’alerte. Les pratiques de fraude fiscale, de corruption présumée et de négligence démontrent un modèle d’exploitation opportuniste, aggravé par une direction interne laxiste.
L’État guinéen doit renforcer ses mécanismes de suivi et de sanction. Les autorités ont le devoir d’exiger le respect strict du Code minier et des engagements pris par les entreprises envers les communautés.
"Les révélations d'Alpha mettent en évidence le rôle essentiel des lanceurs d'alerte dans la lutte contre la corruption dans le secteur minier, exposant un système favorisant les sociétés ou multinationales étrangères au détriment de l’État et des communautés," précise Jimmy Kande, Directeur Afrique de l'Ouest et francophone de PPLAAF. "L'absence de protection légale expose ces lanceurs d'alerte aux représailles. Nous appelons l'État guinéen à adopter une législation pour les protéger, à renforcer le Code minier et à assurer une gestion transparente des ressources naturelles pour un développement durable respectueux des droits des populations locales et de l'environnement."
Pour plus d’informations sur ces révélations, veuillez consulter notre enquête :
Pollution, soupçons de corruption et fraude en Guinée – PPLAAF
A propos de PPLAAF :
PPLAAF est une organisation non gouvernementale créée en 2017 pour protéger les lanceurs d’alerte, ainsi que pour plaider en faveur de leurs intérêts et s’engager dans des litiges stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations touchent l’intérêt général des citoyens africains. Plus d'information sur le site : https://pplaaf.org ou sur Facebook ou Twitter/X